Qui sont les inspirateurs de la politique culturelle de Nicolas Sarkozy ? Depuis l'élection présidentielle, il était, pour être honnête, assez difficile de répondre à la question. Pour la bonne raison que le chef de l'Etat ne s'aventure guère en ces domaines. Pourtant prolixe en tous sujets, courant en permanence micros et caméras, Nicolas Sarkozy n'est en vérité économe de sa parole qu'en matière culturelle, où il ne s'est risqué qu'en très peu d'occasions.

Pourtant, depuis mardi, l'énigme n'en est plus une. Ce jour-là, à Nîmes, Nicolas Sarkozy a en effet prononcé un discours pour présenter ses «vœux aux acteurs de la culture». Et si on sait le lire entre les lignes, on devine quelques influences. Certes, il ne faut pas en rester aux apparences. Comme c'est la règle, le président a annoncé quelques millions ici, quelques millions là. Et puis comme rien ne vaut une bonne vieille polémique pour décrocher les gros titres des journaux ou un titre dans un «20 heures», il a aussi annoncé la gratuité des musées pour les jeunes de moins de 25 ans.
Mais le chef de l'Etat a aussi été au-delà. Au détour d'une phrase, il a aussi suggéré qu'un plus grand nombre de films soient tournés en Corse : «La Corse, ce n'est pas loin d'ici. Cela fait bien longtemps que je le dis aux élus corses, amis réfléchissez à une zone franche pour pouvoir accueillir des grands tournages.» Qui lui a soufflé l'idée ? Son ami Christian Clavier, qui a dans l'île les attaches (tumultueuses) que l'on sait ? Le chef de l'Etat n'a pas dit qui a été son inspirateur mais on devine que l'idée n'est pas de son cru.
Et puis, il y a eu aussi, au détour du discours, une obscure et mystérieuse référence à Spinoza, que peu d'observateurs ont relevée, hormis mon confrère Sylvain Bourmeau dans l'article qu'il a consacré à l'événement sur Mediapart (Culture : Sarkozy invente le mécénat d'Etat), et puis le chroniqueur Pierre Assouline, sur son blog.

La référence arrive comme un cheveu sur la soupe. Au beau milieu de son discours, alors que le chef de l'Etat s'escrime à convaincre son auditoire qu'il a une farouche volonté d'œuvrer à un «renforcement des enseignements artistiques», il saute du coq à l'âne et fait soudainement cette digression stupéfiante : «Je fais aussi une liaison entre les enseignements artistiques et la réussite scolaire et professionnelle. Car notre pays a beaucoup glorifié Descartes, et il est temps de réhabiliter Spinoza : l'intelligence humaine est avant tout le produit des émotions, et ce serait une très grave erreur de centrer les enseignements sur les seules disciplines cérébrales en requestCode=rechercherArticles">Petits Conseils, mars 2007, Stock), Alain Minc s'était même laissé allé jusqu'à reprendre dans son récit, comme un fait avéré, des passages présentés par Patrick Rödel comme le fruit de sa seule imagination - telle une fameuse recette de confiture de rose qu'un ami de Spinoza lui aurait recommandé de réaliser pour se soigner.
La sanction avait donc été lourde. Le 28 novembre 2001, le tribunal de grande instance de Paris avait prononcé un jugement très sévère à l'encontre d'Alain Minc, estimant que «la contrefaçon est constituée». Dans le cas de la confiture de rose, le tribunal s'était même indigné que la recette soit «fictive et servilement reproduite» par le plagiaire. Le contrefacteur Alain Minc et son éditeur avaient donc été très lourdement condamnés : ils ont dû solidairement «payer à Patrick Rödel la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts», plus 20.000 francs en application de l'article 700 du code de procédure civile. Lequel Patrick Rödel -qu'il m'autorise à le dire- est devenu un ami, et tient son blog sur Mediapart.
En bref, cela a coûté très cher à Alain Minc de se faire prendre la main dans le pot de confiture. Au plan éthique plus encore qu'au plan financier. Mais cela n'a pas dissuadé Nicolas Sarkozy de s'entourer sans cesse de ses conseils. Dans la vie des affaires, mais visiblement aussi dans la vie culturelle. C'est également ce que suggère Pierre Assouline, en chute de son billet : «Il n'y a pas à dire, la France est vraiment le pays de l'exception culturelle.»