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Billet de blog 16 novembre 2010

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En hommage à Jacques Mairé

Je voudrais dire ici ma tristesse: Jacques Mairé est décédé en fin de semaine dernière des suites d'un cancer, qui lui a accordé pendant quelques temps une rémission mais qui a finalement eu raison de lui. Ma tristesse, en même temps que mon estime et mon très grand respect.

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Je voudrais dire ici ma tristesse: Jacques Mairé est décédé en fin de semaine dernière des suites d'un cancer, qui lui a accordé pendant quelques temps une rémission mais qui a finalement eu raison de lui. Ma tristesse, en même temps que mon estime et mon très grand respect.

Je ne suis certes pas le mieux placé pour rendre hommage à Jacques Mairé. Il est d'autres que moi, qui l'ont accompagné pas à pas dans ses combats, et qui pourront en rendre compte mieux que moi : ses combats pour un syndicalisme indépendant, humaniste. Je peux, moi, juste témoigner de l'aide qu'il m'a un jour apportée. Fait infime, fait minuscule, avec le recul du temps, mais fait hautement révélateur : je suis venu le voir un jour de 1986 pour lui raconter les mésaventures consternantes dans lesquelles j'étais pris : membre du syndicat des journalistes Force ouvrière, au sein du groupe La Tribune, j'avais été démis de mes fonctions de délégué syndical, au profit d'une adhérente du même syndicat FO, défendant des thèses négationnistes, proche d'un groupuscule d'extrême-droite fondé par Jean-Gilles Mallariakis. Indignés qu'un syndicat démocratique puisse abriter des activitstes antisémites d'extrême droite, j'avais alors adressé une lettre ouverte au bureau confédéral de Force ouvrière.

Et je dois dire - triste histoire- que le seul qui ait alors répondu à ma lettre indignée, le seul parmi les très nombreux membres du bureau confédéral de FO, c'était Jaques, que je ne connaissais pas. Question de principe ! Il m'a appuyé, aidé. Loin des connivences ou des accommodements que certains acceptaient ou favorisaient au sein de Force ouvrière, à commencer par les trotskistes de l'Organisation communiste internationaliste (OCI). J'ignorais alors les combats qu'il menait au sein de FO, pour un syndicalisme indépendant. J'ai juste compris, au travers de cette aide, qu'il y avait en lui une droiture formidable.

Oui, je ne suis sûrement pas le mieux placé pour parler de lui. De lui, je sais juste, par bribes, ce qu'il m'a dit de sa vie, au travers de conversations chaleureuses mais pudiques ; et ce que nos amis communs m'ont dit de lui. Mais Jacques Mairé était de ces militants qui, spontanément, forçait la sympathie et le respect.

Né le 24 août 1940,  à Chalons en Champagne, après avoir été sous-lieutenant pendant la guerre d'Algérie, il s'engage très tôt à la SFIO, puis au Parti socialiste, mais c'est surtout l'action syndicale qui mobilise son énergie. En 1963, il adhère à FO où il prend rapidement des responsabilités. 

Militant de l'éducation populaire, il devient en 1973 directeur de la Maison des Jeunes de Cachan, puis directeur de l'institut de formation Léo Lagrange. Délégué à la formation professionnelle à la confédération FO, il participe en 1971 à la négociation sur l'éducation permanente et la formation continue avec Jacques Delors. 

 Secrétaire général de l'Union départementale de Paris en septembre 1980, il s'impose alors, progressivement, comme l'une des voix qui comptes au sein de Force ouvrière, une voix sage, raisonnable, une voix défendant en permanence la nécessité d'un syndicalisme indépendant, authentiquement réformiste.

Dans ce combat-là, rugueux parfois, il a même un moment été amené à briguer le poste de secrétaire général de FO, face à Marc Blondel. Mais en vérité, Jacques, qui n'avait pas d'ambition pour lui-même, était déjà ailleurs : dans le projet qui a amené, sous sa responsabilité, de très nombreux militants de Force Ouvrière à rejoindre les militants de l'ex-Fédération de l'éducation nationale (FEN), qui venaient de créer l'UNSA : le 28 janvier 1998, dans une conférence de presse tenue avec Alain Olive, le secrétaire général de l'UNSA, Jacques Mairé annonce ainsi officiellement son arrivée à l'UNSA. Au Congrès d'Issy les Moulineaux, en mai 1998, il devient secrétaire général  adjoint de l'UNSA jusqu'au congrès de Nantes en mars 2005. Ayant administrativement pris sa "retraite", il continue cependant à travailler pour l'UNSA, chargé d'études sur l'action et l'actualité syndicales et rédacteur en chef d'UNSA Magazine. 

Chaleureux Jacques Mairé ! Déjà atteint par la maladie, j'avais été le voir en 2007 pour lui présenter le projet de Mediapart et lui expliquer l'usage qu'un syndicaliste comme lui, averti plus que d'autres des profondes mutations du monde du travail, pourrait tirer d'un journal participatif comme le notre. En bref, je lui avais proposé de tenir un blog, pour nous offrir son regard sur l'actualité, sur celle d'abord du monde du travail.

La vie en a décidé autrement. Trop attaché à l'Unsa, il ne s'est pas dispersé. Jusqu'à la fin, il a consacré son énergie à défendre la conception qu'il avait du syndicalisme.

Voudrait-on en trouver des traces, il en existe de très nombreuses. Des textes aussi bien que des vidéos qui témoignent de ses combats et de ses engagements. Je livre ici, en son souvenir, les textes que notre ami commun, Jean Grosset,  m'a transmis : un texte d'avril 1992 sur le syndicalisme co-signé par Jacques Mairé et un dirigeant historique de FO, Robert Bothereau ; un texte de Jacques Mairé diffusé en 1996 au congrès de FO de la Porte de Versailles en 1996 ; son intervention devant le Comité confédéral national de FO en janvier 1998 ;une déclaration du 26 janvier 1998, intitulé « pourquoi nous partons », expliquant le départ de FO.

Et puis, en son hommage, on pourra aussi retrouver ici de nombreux documents vidéos, qui retracent quelques-uns de ces mêmes combats : ici, puis là lors du congrès de FO de 1996, ou encore là, lors de ce même congrès, ou enfin là, à l'occasion de la fusion en 1998 avec l'Unsa.

A tous ses proches, je voudrais dire mon émotion et mes sentiments chaleureux. C'est une grande figure du syndicalisme qui nous a quitté.