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Billet de blog 22 février 2009

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Alain Minc, une petite boule de haine

Pour avoir écrit un livre sur Alain Minc (Petits conseils, Stock, 2007) et décrit ses amitiés et ses fâcheries dans le petit microcosme du capitalisme parisien, je savais que notre homme, si policé en apparence, si urbain et aimable, pouvait en certaines circonstances se transformer en une personnalité beaucoup moins accorte. Qu'il pouvait devenir brutal et perdre son calme. Et que l'intellectuel raffiné dont il aime à donner l'image pouvait se crisper, se ratatiner, pour prendre des traits inattendus. Un petit concentré d'acrimonie. Une petite boule de haine...

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Pour avoir écrit un livre sur Alain Minc (Petits conseils, Stock, 2007) et décrit ses amitiés et ses fâcheries dans le petit microcosme du capitalisme parisien, je savais que notre homme, si policé en apparence, si urbain et aimable, pouvait en certaines circonstances se transformer en une personnalité beaucoup moins accorte. Qu'il pouvait devenir brutal et perdre son calme. Et que l'intellectuel raffiné dont il aime à donner l'image pouvait se crisper, se ratatiner, pour prendre des traits inattendus. Un petit concentré d'acrimonie. Une petite boule de haine...

Mais jusqu'à présent, cette violence-là, si beaucoup d'ex-amis d'Alain Minc me l'avaient décrite pour en avoir été les victimes, je n'en avais pas fait l'expérience personnellement. Pas directement, en tout cas.

Car quand mon livre est sorti, Alain Minc a choisi l'esquive. De très nombreuses fois, par médias interposés, je lui ai proposé une confrontation. Je lui ai proposé de parler des faits que j'avais mis à jour. Des conflits d'intérêt incessants dans lesquels il se place. De son rôle et de sa responsabilité dans l'instrumentalisation du journal Le Monde au plan éditorial pour le compte d'Edouard Balladur puis de Nicolas Sarkozy, et de son naufrage, au plan économique.

Mais de ces faits précis, détaillés, que le livre raconte ; de cette enquête que j'ai faite sur son rôle à la confluence de la vie des affaires, de la presse et de la politique, il n'a jamais voulu parler. De face à face avec lui, il n'y en a donc jamais eu. Guillaume Durant, sur France 2 nous avait proposé une confrontation, que j'avais aussitôt acceptée. Mais Alain Minc l'a refusée.

Pendant presque un an à un an et demi, Alain Minc a donc choisi la stratégie du silence. Pas un mot ou presque ; pas une critique : il a fait comme si ce livre d'enquête sur lui n'existait pas. Cette confrontation autour des faits, il a tout fait pour l'éviter.

Mais visiblement, ces temps-là sont révolus pour Alain Minc. Pensant sans doute que le livre a perdu de son actualité, Alain Minc a choisi depuis quelques temps un autre registre, celui de la colère. Comme s'il s'était trop contenu, pendant trop longtemps, le voilà qui explose, à chaque fois que cette enquête est évoquée devant lui.

Quiconque veut s'en rendre compte peut écouter Alain Minc, qui était l'invité, samedi 21 février, de l'émission «Masse critique» sur France culture, présentée par Frédéric Martel. Comme si mon nom avait le don de le faire sortir de ses gongs, il a craché sa colère contre moi pendant presque une heure, à tout propos, et même hors de propos, assurant d'abord que je n'étais pas journaliste -ah bon ? ; décelant en moi ensuite un dangereux révolutionnaire. Et le tout à l'avenant, tout au long de l'émission, comme une véritable obsession...

L'émission peut-être écoutée pendant une semaine en passant par ce lien.

(pdf, 0 B)

De l'indifférence feinte, Alain Minc est donc brutalement passé à la violence irrépressible et débordante. Dans un cas comme dans l'autre, cela revient au même : des faits, Alain Minc ne veut surtout pas parler. L'invective après le silence, mais surtout pas de confrontation !

Ecoutant cette émission, je me suis pris à penser que l'animateur allait enfin lui poser la question : Mais enfin ! Au lieu d'éructer de colère, pourquoi ne pas débattre avec l'auteur de ce livre des faits qu'il rapporte ? Y en a-t-il un seul que vous puissiez contester ? De tous les conflits d'intérêts qu'il cite, de l'affaire Vinci jusqu'à Suez, en passant par les Caisses d'épargne ou encore l'empire Pinault, y en a-t-il un seul qui ne soit pas avéré ? De ce plagiat, pour lequel vous avez été lourdement condamné -beaucoup plus lourdement que vous ne faites mine de le dire-, pourquoi ne voulez-vous plus parler, alors que l'auteur en a établi le récit méticuleux ? Et si vous contestez tous ces faits, pourquoi avez-vous renoncé à porter plainte contre l'auteur, ce qui était votre intention initiale ? Pourquoi ne rencontrez-vous pas l'auteur pour le confondre, en même temps que ses contrevérités ?

Mais non ! C'est la force d'Alain Minc. Au cours de l'émission, l'animateur a laissé Alain Minc dire sa colère sans le renvoyer à la seule question qui vaille : les faits, quels sont-ils ? Parlons des faits, seulement d'eux ; et ne prenez pas des chemins de traverse...

Que Frédéric Martel, que je ne connais pas, me pardonne : en écoutant l'émission qu'il animait, c'est le regret que j'ai eu. Personne n'a jamais voulu organiser cette confrontation. Et, du coup, Alain Minc parvient à se faufiler dans la conversation. A travestir la réalité sans que nul ne lui en fasse le grief.

Sur France Culture, ce samedi, cela a été une caricature. Au diable les faits ! De bout en bout, il n'y a eu que des invectives. Oui, juste une petite boule de haine...