Épisode 66
Je pensais naïvement qu’après avoir fait systématiquement dénigrer par ses « fact-checker » le travail collectif que j'anime depuis mars 2020 sur la gestion de la crise du Covid (exemple ici), et après avoir publié au mois d’août une tribune lourdement injurieuse suscitée par un universitaire s'étant mis au service du pouvoir politique actuel (Gérald Bronner) sans me proposer de droit de réponse, la rédaction du journal Le Monde me ficherait un peu la paix. J’avais tort. En effet, pour nombre de journalistes, il ne s’agit manifestement plus de susciter le moindre débat mais simplement de faire de la polémique en espérant faire ainsi du « buzz » et, au passage, en tentant de nuire aux personnes qu’ils n'apprécient pas. La Cancel Culture, partie des « réseaux sociaux » (Twitter et Facebook en tête), semble ainsi avoir infecté l’ensemble de la presse et quantité de journalistes ne se comportent plus comme tels, mais bien plutôt comme des mauvais flics.
LA FABRICATION D'UNE FAKE NEWS
Voici donc que, mercredi 6 octobre au soir, Le Monde plaçait à la Une de son site Internet un article de Violaine Morin, journaliste suivant les questions d’éducation, un article intitulé « Quatre démissions au sein du conseil scientifique de la FCPE, dirigé par Laurent Mucchielli ». Le but de l’article est de montrer que mes « propos controversés sur la vaccination contre le Covid-19 », ainsi que « le silence » de la direction de la FCPE, font fuir tout le monde. Il s’agit en effet non seulement de me nuire, mais peut-être également de nuire à la FCPE à deux jours des élections nationales des délégués de parents d’élèves (comment une journaliste spécialisée sur les questions d'éducation pourrait-elle l'ignorer ?). Un grave problème se pose toutefois : écrit à la va-vite, l’article relaye des propos mensongers tenus sur les réseaux sociaux par quelques universitaires qu’une sorte de vindicte haineuse rend totalement irresponsables.
Dès le premier paragraphe, la présentation du Conseil scientifique de la FCPE est purement et simplement mensongère :
« Ce conseil est, de fait, considéré comme une “ cellule dormante ” par certains de ses membres, qui assurent au Monde ne pas avoir assisté à une réunion depuis plus de deux ans. Mais cette instance est toujours officiellement présidée par Laurent Mucchielli. »
Quelle bêtise ! En réalité, ce Conseil scientifique fonctionne sans discontinuer depuis cinq ans. Son activité a évidemment été ralentie par les confinements à répétition (surtout les deux premiers de mars-mai et octobre-décembre 2020), comme pour la plupart des associations et des organisations professionnelles. Mais ralenti par un contexte inédit ne signifie nullement arrêté. Nos dernières réunions ont eu lieu, à mon initiative, le 22 septembre 2020 et le 12 avril 2021. Et nous en faisons toujours des comptes rendus écrits. Sans doute madame Morin, à l’image de ce qu’est devenu le journalisme contemporain, a-t-elle mené son « enquête » en regardant les « post » des uns et des autres sur les réseaux sociaux, comme s’il s’agissait de la vraie vie, puis en passant trois ou quatre coups de téléphone. Paresse fatale. Les réseaux sociaux permettent à beaucoup de gens (y compris des universitaires) de raconter n’importe quoi. La « fake news » est probablement partie d’Anabelle Allouch, ex-membre du Conseil scientifique, discutant sur Twitter avec un autre collègue aussi agressif que mal instruit (Frédéric Sawicki). Madame Allouch s’est en effet permis d’écrire le 5 octobre :
« Comme je t’ai dit sur FB, c’est un conseil qui n’existe en fait plus depuis au moins 1 an et demi et que le site est obsolète. (…) Mais comment démissionner d’un conseil qui n’existe plus ? »
Preuve que certaines personnes (qui jusque-là ne tarissaient pas d’amabilités à votre égard) ne font en réalité que suivre le sens du vent dominant et peuvent se mettre à raconter n’importe quoi du jour au lendemain. En effet, notre site Internet est parfaitement à jour de nos publications. Et si le Conseil scientifique n’existait plus depuis « au moins un an et demi », alors comment se fait-il que madame Allouch ait participé à la réunion du 22 septembre 2020 et se soit excusée pour raison de santé à celle du 12 avril 2021 ? Ces petits mensonges opportunistes sont juste pitoyables.
Se renseigner un minimum avant d’écrire n’importe quoi, est-ce trop demander à un(e) journaliste de nos jours ? En un seul clic, chacun peut ainsi vérifier que, en 2021, nous avons déjà produits trois « Notes du Conseil scientifique » écrites par les professeurs d’université Edith Galy, Pierre Perrier et Eric Plaisance (et, pour information, trois autres paraitront probablement d’ici la fin de l’année civile).
LE BAL DES HYPOCRITES
La suite est du même acabit. La journaliste poursuit en effet ainsi, en guise de « preuve » :
« Je ne participais plus depuis deux ans », assure ainsi Laurence De Cock, qui a « entériné une situation de fait en démissionnant ». Elle ajoute avoir précisé, dans son courrier adressé à la présidence de la FCPE et à l’ensemble du conseil scientifique, que les prises de position de Laurent Mucchielli sur le vaccin justifiaient également cette décision. »
Madame de Cock a en effet envoyé sur la liste de diffusion du Conseil scientifique un courriel le 6 octobre en milieu de matinée indiquant qu’elle souhaitait en réalité « officialiser » un départ « qui n’étonnera personne au regard de mes absences régulières ces dernières années », ajoutant que mes « récentes prises de position » lui « posent également un vrai problème déontologique ». Ceci appelle deux commentaires de ma part.
Le premier pour dire que madame de Cock n’a pas brillé par des « absences régulières » mais bien plutôt par une absence quasi-totale. En réalité, nous ne l’avons vu que deux fois, la première le 30 janvier 2017 (juste après son intégration – à mon initiative – au Conseil scientifique) et la seconde le 19 septembre 2017 (jour où nous devions aussi faire les photographies des membres pour le site Internet). Et nous ne l’avons plus jamais revue depuis quatre ans… Mieux : je lui ai écrit à plusieurs reprises ces dernières années pour valoriser son travail et lui proposer de s’investir davantage, ou sinon de démissionner. Elle n’a jamais fait ni l’un ni l’autre, occupant ainsi une place dénuée de toute réalité.
Le second pour dire que madame de Cock a peut-être un sens de la déontologie à géométrie variable. Je constate qu’elle est par exemple accusée (à tort ou à raison) de « pillage » depuis près de deux ans par le fondateur et directeur de la publication de la revue littéraire Zist. Quoi qu'il en soit, avant de prétendre donner des leçons aux autres, il vaut mieux être soi-même irréprochable.
Poursuivons la petite histoire. La vraie-fausse démission de madame de Cock a été suivie de celle trois autres membres du Conseil scientifique. J’ai déjà évoqué le cas de madame Allouch. Le troisième avait en réalité pris ses distances depuis plusieurs mois en raison d’une grave maladie. Dans son courrier envoyé le même jour à la présidente de la FCPE et à moi-même, il indique : « je confirme ma démission du conseil scientifique de la FCPE. Je souhaitais de toutes façons le faire depuis longtemps car ma présence a été très épisodique au cours des derniers temps ». Enfin, un quatrième membre a envoyé dans la foulée un courriel pour annoncer sa démission. Il s’est toutefois inscrit à notre prochaine réunion et j’espère qu’il changera d’avis lorsqu’il aura complété son information.
FIN D'UNE HISTOIRE SANS AUCUN INTÉRÊT
Le soir même, au terme donc d’une « enquête » menée en seulement quelques heures (lol), la journaliste publiait cet article que je rangerai pour ma part dans la catégorie « bruits de couloir », pour ne pas dire « propos de bistrot » ou pire.
Et voilà. Fin de l’histoire. Cela méritait-il que Le Monde fasse un article et le place à la Une comme s’il n’y avait d’autres choses infiniment plus importantes et intéressantes dans la vie de la société française ? La motivation est-elle de me nuire et/ou de nuire à la FCPE à l’avant-veille des élections de parents d’élèves ? Chacun se forgera son opinion. Pour ma part, je considère que tout ce tapage numérico-médiatique 1) repose sur des ragots et des mesquineries n’ayant rigoureusement aucune valeur, 2) éloigne au contraire des vrais enjeux sur lesquels il devrait y avoir débat contradictoire (tels que l’administration sous contrainte de vaccins expérimentaux aux enfants et aux adolescents, ainsi que certains le réclament tous les jours en France, lors même que plusieurs de nos voisins européens évoluent en sens inverse) et 3) ne fait que salir de façon candide ou intéressée le travail des bénévoles associatifs engagés que nous sommes, tant à la direction de la FCPE qu’à son Conseil scientifique que j'ai l'honneur d'animer. J'ai honte pour toutes ces personnes qui s'adonnent à ce genre de bassesses et à ces formes de harcèlement, contribuant ainsi à dégrader un peu plus encore le niveau du débat intellectuel français.
Post-scriptum : puisqu'il faut mettre tous les points sur les i, je précise que mon propos n'engage évidemment ni le CNRS, ni la direction de la FCPE, ni même son Conseil scientifique qui n'a jamais abordé dans ses débats une quelconque question relative à la gestion de la crise du Covid.