Laurent Ripart, ancien conseiller municipal de Chambéry
à
Michel Dantin, maire de Chambéry
Chambéry, le 6 février 2018
Monsieur,
Depuis mon départ il y a 4 ans du conseil municipal, je ne suis pratiquement plus intervenu dans les affaires municipales, mais après vous avoir entendu répondre à la TV net citoyenne qu’il fallait répondre à l’ouverture d’un local du « bastion social » en fermant les locaux chambériens de l’extrême-gauche, je ne peux rester silencieux devant l’irresponsabilité et la gravité de vos propos.
Je voudrais tout d’abord vous dire que j’ai été profondément choqué par le silence que vous avez observé lors de l’attaque par les néo-nazis du concert organisé par la Fédération Anarchiste le 20 octobre dernier à Chambéry. Comment comprendre qu’un maire puisse rester sans réaction lorsqu’un concert est attaqué dans sa ville par une milice de nazillons ? N’importe quel maire digne de sa fonction se serait aussitôt rendu à l’hôpital au chevet des victimes ou encore dans le bar attaqué pour assurer la propriétaire de sa solidarité et annoncer les mesures de protection qui s’imposaient. Non seulement vous n’avez rien fait de tout cela, mais vous n’avez pas eu le moindre mot pour soutenir les victimes et condamner les agresseurs.
Je me suis à nouveau interrogé sur votre silence lorsqu’au début du mois de janvier s’est diffusée la nouvelle que ces néo-nazis s’apprêtaient à ouvrir un local en plein centre de Chambéry. Comme tout le monde a pu le constater, il aura fallu attendre que la presse vienne vous interroger sur votre silence pour que vous sembliez prendre conscience de la gravité de la situation et que vous vous décidiez enfin à évoquer ces groupes de néo-nazis qui pourrissent pourtant depuis des années la vie de notre ville.
Toutefois, alors que la presse vous demandait pourquoi vous n’aviez pas réagi lors du dernier conseil municipal, alors que confronté au même problème le maire de Strasbourg avait fait voter un vœu demandant la fermeture des locaux du « bastion social » et la dissolution de cette organisation, vous avez répondu que vous n’aviez pas abordé la question lors du conseil municipal du 24 janvier car vous n’aviez pas l’information. Sachant qu’à la date du 15 janvier, les services de police étaient au courant de la nouvelle, votre déclaration a placé toutes celles et ceux qui connaissent un peu le fonctionnement de la mairie devant une interrogation : faut-il penser que vous mentez effrontément ou que vous vous désintéressez à ce point de votre ville que vous ne lisez pas les informations que les services du ministère de l’intérieur n’ont pu manquer de vous faire parvenir sur une question aussi sensible ?
Le summum est toutefois atteint lorsque vous avez osé expliquer à la TV net citoyenne que si vous vous engagez à présenter un vœu sur la question au prochain conseil municipal, ce ne serait pas pour demander comme à Strasbourg la fermeture des locaux du « bastion social » et la dissolution de cette organisation néo-nazie, mais pour demander « la fermeture des locaux de l’extrême-droite et de l’extrême-gauche », au motif que « l’extrême-gauche converge avec l’extrême-droite ». De tels propos sont indignes et irresponsables.
Comprenez-vous au moins de quoi nous parlons ? Nous parlons de gens qui se réclament d’Hitler et du nazisme et dont les dirigeants ont fait l’objet de multiples condamnations. Nous parlons de gens qui agressent les camps de migrants, comme cela a été le cas le 21 mai dernier lorsqu’un commando a attaqué le camp de Valmy à Grenoble. Nous parlons de gens qui se lancent dans des ratonnades comme cela a été le cas des militants du Bastion social qui ont écopé jusqu’à 8 mois de prison ferme pour avoir agressé le 9 décembre dernier un maghrébin qui a eu le malheur de croiser leur chemin. Nous parlons de gens qui le 3 février dernier, pour fêter l’inauguration de leur local, ont défilé dans les rues de Chambéry en scandant « Faurisson a raison » ou encore le nom « Anders », en référence à Anders Breivik, le nazi norvégien qui a assassiné 77 personnes. En un mot, nous parlons de criminels dont la présence dans notre ville fait courir un danger permanent aux étrangers, aux racisés, aux juifs, aux homosexuels, aux syndicalistes et aux militants politiques et associatifs.
Dans ce contexte, vous entendre assimiler néo-nazis et militants du NPA ou de la Fédération Anarchiste constitue non seulement une ignominie, mais aussi un acte de complicité objective, dans la mesure où vos propos banalisent ces groupuscules et minimisent leur dangerosité. La vérité que doivent connaître les Chambériens est que vos propos visent en fait à leur faire oublier que vous n’avez cessé depuis des années de vous rendre coupable de complaisance envers les néo-nazis, en les laissant par exemple utiliser depuis des années le stade Mager pour leurs tournois de football. La vérité que doivent connaître les Chambériens est que si la gangrène nazie peut se développer aujourd’hui dans leur ville, c’est que vous avez depuis votre élection fermé les yeux sur leurs activités parce que vous n’avez pas osé vous en prendre à des groupes que vous connaissiez bien mieux que ce que vous prétendez.
Tous ceux qui observent l’extrême-droite chambérienne connaissent en effet les relations qu’elle entretient directement ou indirectement avec la droite chambérienne. Nul n’a bien sûr oublié que vous avez soutenu sans vergogne votre ami et colistier Xavier Dullin, aujourd’hui président de Chambéry métropole, lorsqu’il gérait sous l’autorité de Charles Millon la région Rhône-Alpes avec Bruno Gollnisch. Nul n’a non plus oublié que vos amis de « la manif pour tous » ont fait appel à ces groupuscules néo-nazi pour servir de service d’ordre aux manifestations qu’ils ont organisées à Chambéry en 2013. Les Chambériens peuvent aujourd’hui constater le résultat de vos compromissions avec l’extrême-droite : si Chambéry est devenue une terre accueillante pour les néo-nazis, c’est que votre municipalité s’est toujours refusé à s’opposer au développement de ces groupuscules avec lesquelles elle entretient des relations pour le moins ambiguës.
Enfin, je tenais à vous dire que j’ai éprouvé un dégoût particulier lorsque je vous ai entendu demander la fermeture des locaux du NPA et de la Fédération Anarchiste au motif que nous constituerions une menace pour les libertés. Quand un maire en vient à demander la fermeture des locaux de ses opposants politiques, qui constitue une menace pour les libertés ? Prononcés quelques semaines seulement après l’attaque du concert de la Fédération Anarchiste que vous avez été incapable de protéger, alors même que vous êtes responsable de la sécurité de cette ville, ces propos sont indignes. Ils donnent en fait raison aux coupables contre les victimes et légitiment ainsi les attaques des groupuscules néo-nazis en réclamant la fermeture administrative des locaux que leurs commandos ont tenté de faire fermer à coups de barre de fer.
Veuillez trouver, Monsieur, l’expression de mon indignation démocratique et antifasciste.
Laurent Ripart