
Agrandissement : Illustration 1

Je ne sais pas si les mots peuvent faire arrêter l’engrenage fou de cette guerre mais peut-être qu’ils peuvent apaiser, prendre soin ou parfois sauver de l’abandon ou de la déraison.
Il est une terre que même la pluie ignore
Il est une terre
au bord d’une mer calme
où les femmes et les enfants promènent
leurs corps de noyés
emportés au large de la ville
par un tsunami de bombes qui propulsent dans le ciel
et à l’horizon des rues
immeubles et écoles, églises et hôpitaux en dessinant
d’immenses vagues grises aux reflets d’écume sang et or
mixant la terre au feu et la chair au béton
****
Il est une terre
que même la pluie ignore
où les mères qui dorment avec leurs enfants serrés
dans leurs bras de rivière d’épices
blottis contre leurs cœurs tumultueux comme la Besor
ont les membres arrachés de leurs rêves
sous la déflagration de leurs poitrines
écrasées dans le mille-feuille de la nuit effondrée
par le déluge de feu indistinct
de l’armée la plus morale du monde
****
Il est une terre
trahie par les promesses du soleil
où les femmes apaisent de leurs mains de menthe fraîche
leurs enfants brûlés vifs
par la caresse envenimée du phosphore blanc tombé du ciel
comme une malédiction divine sur leur peau de miel
et où elles consolent de leurs mains d’onguents
les moignons encore rougeoyants de la chair de leur chair
amputée court de son innocence
comme un crime de guerre sur le grand corps de l’Humanité
****
Il est une terre
brisée par la lune des vengeances
où les mères implorent leurs enfants
de ne plus offrir à l’ogre intifada la colère juste du ghetto
de leurs cœurs assoiffés de liberté
de ne plus jeter leur sac de peau et d’osselets gorgé de rage
à la face de l’occupant
de rester près d’elles à jouer à des jeux sages
sans fronde
ni balle dans la tête au bout de l’avenue du jour
****
Il est une terre
arasée par la haine coloniale
où les femmes pleurent chaque matin les corps
de leurs enfants calmes
alignés comme des offrandes drapées de lumière
sur l’autel de la cour de l’hôpital
que les officines inquisitrices
viennent encore tourmenter jusque dans la tombe
en discutaillant le chiffre exact
du décompte de l’horreur
****
Il est une terre
barbelée d’oubli occidental
où les mères emmurées dans leur prison de silence et d’azur
voient des bulldozers calmes
ensevelir vivants les ombres allongées
de leurs hommes blessés et de leurs enfants meurtris
dans des charniers bientôt putréfiés par la rancœur
que leurs cris étouffés feront résonner
pour des siècles
et des siècles
****
Il est une terre
abandonnée des Nations
où les femmes, les enfants et les hommes
n’ont plus à manger et à boire que la poussière du chemin d’un nouvel exode
sur lequel le corps martyrisé de tout un peuple avance digne
mais affaibli par les stigmates d’un nouveau génocide
que la chair, le sang, les balles et les missiles
gravent au ciel indélébile de la mémoire humaine
sous un nouveau nom
Palestine
**********************************************
A land that even the rain ignores
There is a land
by a calm sea
where women and children take for a walk
their drowned bodies
washed out to the suburbs
by a tsunami of bombs that propels to the sky
and on the horizon of the streets
buildings and schools, churches and hospitals, creating
immense grey waves covered by blood and gold foam
mixing earth with fire and flesh with concrete
****
There is a land
that even the rain ignores
where mothers that sleep with their children clasped
in their arms of spicy river
and huddled against their hearts tumultuous like the Besor
have their limbs torn from their dreams
under the deflagration of their breasts
crushed in the millefeuille of the collapsed night
under the deluge of indistinct fire
coming from the world's most moral army
****
There is a land
betrayed by the sun's promises
where women soothe with their cool peppermint hands
their children burned alive
by the envenomed caress of white phosphorus falling from the sky
like a divine curse on their honey skin
and where they comfort with the ointment of their hands
the still-glowing stumps of flesh of their flesh
amputated short of their innocence
like a war crime on the great body of Humanity
****
There is a land
shattered by the moon of vengeance
where mothers implore their children
no longer to offer the ogre of intifada the righteous anger of the ghetto
of their hearts thirsting for freedom
no longer to throw their sack of skin and small bones gorged with rage
in the face of the occupier
to stay close to them and play gentle games
without slingshot
or bullet in the head at the end of the avenue of day
****
There is a land
flattened by colonial hatred
where every morning women mourn the bodies
of their quiet children
lined up like offerings draped with light
on the altar of the hospital courtyard
where inquisitive authorities
still come to torment them down to their graves
debating the exact number
of the horror count
****
There is a land
barbwired by Western oblivion
where mothers walled up in their prison of silence and blue sky
see calm bulldozers
burying alive the recumbent shadows
of their wounded men and bruised children
in mass graves soon to be putrefied by the rancor
that their muffled cries will echo
for centuries
and centuries
****
There is a land
abandoned by the Nations
where women, children and men
have nothing left to eat and drink but the dust of the road to a new exodus
on which the martyred body of an entire people advances with dignity
but weakened by the stigmas of a new genocide
that flesh, blood, bullets and missiles
engrave on the indelible sky of human memory
under a new name
Palestine