LAURENT THINES (avatar)

LAURENT THINES

Neurochirurgien écrivant de la poésie, militant pour la Démocratie par & pour le Peuple, pour La Sociale, pour l’Hôpital Public et contre les armes (sub)létales

Abonné·e de Mediapart

48 Billets

0 Édition

Billet de blog 30 juin 2023

LAURENT THINES (avatar)

LAURENT THINES

Neurochirurgien écrivant de la poésie, militant pour la Démocratie par & pour le Peuple, pour La Sociale, pour l’Hôpital Public et contre les armes (sub)létales

Abonné·e de Mediapart

Émeutes indignes ou juste révolte ?

Message à tous mes amis qui dans leur confort ouaté s’offusquent à présent d'une juste révolte suite à une énième mort lors d’une interpellation policière : « N’oubliez pas... »

LAURENT THINES (avatar)

LAURENT THINES

Neurochirurgien écrivant de la poésie, militant pour la Démocratie par & pour le Peuple, pour La Sociale, pour l’Hôpital Public et contre les armes (sub)létales

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Serge D'Ignazio

Emeutes indignes ou juste révolte:

message à tous mes amis qui dans leur confort ouaté s’offusquent à présent de cette révolte.

N’oubliez pas que l’ampleur de la révolte faisant suite à l’acte criminel ayant entraîné la mort de Nahel est la conséquence de décennies d’abandon, de marginalisation, de stigmatisation, de répression, de harcèlement, d’humiliation par l’Etat des quartiers populaires.

N’oubliez pas que les banlieues ont été le laboratoire de la répression et du racisme étatique: contrôle au faciès, intimidations quotidiennes, arrestations ou procès abusifs, morts volontaires, suspectes ou inexpliquées, usages des armes sublétales (LBD, grenades)….dont 50 mutilés avant les Gilets Jaunes. Toutes dérives condamnées par les instances ou associations nationales ou internationales de défense des droits humains (ONU, Conseil de l'Europe, LDH, Amnesty, Human Right Watch).

N’oubliez pas qu’on ne peut pas vivre heureux dans un océan de malheur: pauvreté, désoeuvrement, déscolarisation, rejet, racisme quotidien, discrimination à l’embauche, chômage de masse sont le terreau de la violence ou de la révolte.

N’oubliez pas que ces "beaux" magasins, que vous pleurez, recèlent tout ce que notre société vend comme valeur et idéal de vie aux jeunes: le paraître, l’artificiel, la consommation, la société de l’avoir au lieu de l’être… belle sappe, belle montre, beau téléphone, beau sac…si possible avant 50ans.

N’oubliez pas que ces "beaux" magasins, que vous pleurez, recèlent tout ce que cette jeunesse ne pourra jamais s’acheter sauf à rentrer dans le deal ou dans le bal de ce capitalisme mortifère.

N’oubliez pas que ces quartiers populaires ont été les premiers à souffrir du Covid et du confinement, de l’insécurité alimentaire et de la malbouffe, de l’insécurité physique et de la violence, et ils seront aussi les premiers à souffrir bientôt de la crise climatique...

N’oubliez pas que la voyoucratie est surtout au pouvoir: détournement d’argent public, corruption, conflits d’intérêts, cabinets de conseils, lobbies. La destruction des services publics, la spoliation de notre jeunesse, de nos richesses et de nos vies, elle est aussi au pouvoir.

Vous dites: "la solidarité a des limites" ? Solidarité de circonstance ou la vraie ?…Un peu de surplomb par rapport à ce qui se passe et à l’histoire des banlieues vous aidera sûrement à comprendre ces actes qui vous paraissent indignes et vous évitera ce mépris de classe rance.

Un peu de hauteur de vue que diable. Sinon comment analyser la révolution française, les jacqueries, les émeutes populaires qui l’ont précédée ? A nous, collectivement, de proposer un autre paradigme, de redonner espoir à ces jeunes et de nous battre pour une société plus juste.

Cette révolte, c’est nous-même qui l’avons créée en fermant les yeux depuis tant d’années sur la pauvreté systémique, le déclassement, le désoeuvrement, l’ostracisme de tout un pan de notre société… c’est nous qui nous sommes laissés voler notre rêve d’équité et de démocratie par des professionnels de la politique.

Que faire maintenant ? J’entends que dans de telles circonstances ne pas appeler au calme serait totalement irresponsable. Alors appelons donc nous aussi au calme. Que la Police se calme et arrête d’humilier, harceler, mutiler, tuer des gens "illégitimement" et impunément dans notre pays. Demandons aussi à ce que l’Etat se calme et cesse d’utiliser la Police pour défendre, non pas la population mais les intérêts d’une frange minoritaire de la société et de ses alliés économiques qui ont fait sécession avec le reste de la Nation. Car appeler au calme les jeunes des quartiers populaires est vain et contre-productif tant la colère est grande. Il faut avant tout appeler à une justice exemplaire et à la réforme de la Police, puis au traitement des causes sociales profondes de cette révolte.

L’Etat français n’aurait jamais autant fait pour les banlieues… Vraiment ? Peu convaincant si on en croit l’article de Sud ouest https://www.sudouest.fr/politique/emmanuel-macron/retour-sur-40-ans-de-plans-banlieue-3041091.php. Et puis, ce sont des citoyens français, représentant près de 8% de la population, alors il est encore heureux que l’Etat fasse un minimum pour eux. Pour autant, cela ne représente sur 40ans que 73 milliards, c’est à dire la moitié des cadeaux fiscaux, aides et subventions offerts aux grandes entreprises du CAC 40 en 2022 !

On ne peut pas indéfiniment et impunément continuer d’exploiter et spolier les gens, mépriser et humilier les travailleurs, emprisonner et réprimer les manifestants, mutiler et tuer des innocents… Rémy, Zineb, Steve, Cédric, Nahel… Il faudra certainement un jour choisir un camp. Soutenir ou trembler.

Quartiers populaires, jeunesse lycéenne et étudiante, gilets jaunes, soignants, enseignants, écologistes, retraités, démocrates, républicains: un même combat pour la justice sociale, l’émancipation, l’équité, la liberté et le vivre-ensemble s’offre à nous !

Pour rappel, les quartiers défavorisés c’est aussi :

- 25% de chômages (30 à 50% chez les jeunes)

- 42% de personnes sous le seuil de pauvreté

- discrimination à l’embauche des racisés

- contrôle d’identité au faciès

- dégradation de l’habitat: refaire les peintures de façade ne suffit plus...

- déserts de services publics et de santé

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.