Après Cuba et l’État de Mexico, l’Uruguay légalise l’avortement. L’IVG sera possible les douze premières semaines de la grossesse, comme en France. Une loi historique, qualifiée « d’avancée » par Human Rights Watch, mais encore largement décriée.
Les premiers avortements légaux auraient lieu dès le mois prochain, en Uruguay. Mais attention, ce droit fondamental pour les femmes pourrait être de courte durée : la fronde des anti-avortements est en marche depuis le 17 octobre, jour du vote de la dépénalisation de l’avortement par le Sénat uruguayen à 17 voix pour, et 14 contre.
Les partis de droite font circuler une pétition, dans le but de convoquer un référendum pour annuler l’avortement. Le président de gauche, José Mujica, a fait savoir qu’il ne s’opposerait pas à la tenue de cette consultation populaire. Selon l’institut de sondages Cifra, 52 % de la population uruguayenne est pour l’avortement, 34% contre.
L’opposition uruguayenne a aussi porté plainte contre l’État uruguayen devant la CIDH, la Cour inter-américaine des Droits de l’Homme, invoquant que l’avortement intentait au droit à la vie. Et le sénateur Jorge Larrañaga a fait savoir que s’il gagnait l’élection présidentielle d’octobre 2014, il annulerait cette loi.
L’Uruguay avait pourtant été avant-gardiste en la matière. Il avait autorisé l’avortement en 1933, mais cinq ans plus tard, l’interruption volontaire de grossesse devenait à nouveau un délit, en raison du vote des partis conservateurs. L’interruption volontaire de grossesse n’a pas bonne presse en Amérique latine. Poids de la religion catholique, pression familiale, conservatisme aigu des élites politiques au pouvoir, bref les raisons pour empêcher l’avortement sont pléthore.
« Pas de rosaire dans mes ovaires »
Le Chili et le Salvador sont les seuls pays d’Amérique latine où l’avortement est interdit, dans tous les cas. En Colombie, la Cour Constitutionnelle a dépénalisé l’avortement en 2006 dans trois cas : viol, danger pour la vie de la mère et malformation du fœtus. Mais l’Église et autres mouvements « pro vida » font pression pour empêcher le vote du projet de loi qui réglemente l’avortement.
Le parquet est même accusé de demander aux juges le nom des patientes qui ont sollicité un avortement. Accusations réfutées par le procureur de la République, Alejandro Ordóñez, un farouche pourfendeur de l’avortement et du mariage homosexuel.
L’Argentine a été le premier pays latino-américain à autoriser le mariage homosexuel en mai 2010. L’avortement y est toujours interdit, bien que la question refasse régulièrement surface dans les médias. Le mois dernier, l’avortement a été légalisé dans un seul cas, celui du viol. Le 11 octobre, la Cour Suprême a en effet annulé une décision d’un tribunal inférieur qui voulait empêcher une femme de 32 ans d’avorter après un viol. Cette décision fait jurisprudence, et ouvre la voie aux premiers avortements légaux dans le pays.
Que les politiques, les religieux ou les juges le veuillent ou non, toute femme est libre de son corps et c’est à elle que revient la décision de garder le fœtus qu’elle porte. Et qu’elles soient uruguayennes, argentines, ou colombiennes, elles avortent ! 30 000 avortements clandestins par an en Uruguay (le double selon les associations), 500 000 en Argentine, 300 000 en Colombie.
Le Misoprostol est le médicament le plus utilisé pour provoquer l’expulsion du fœtus. Pas le plus sûr. En Amérique latine, les avortements non médicalisés sont responsables de 17% des décès en couches, d’après l’OMS. En voulant réparer une grossesse accidentelle, certaines femmes y laissent leur vie, ou sont condamnées à des peines de prison.
A Medellín, en Colombie, une femme a été condamnée à 14 mois de prison pour avoir avorté, à sept mois de grossesse. C'est le médecin lui-même qui s'est chargé de la dénoncer à la police.
Comme me le disait Lucía Topolansky, sénatrice uruguayenne de gauche : Laisser le droit aux femmes de décider si elles veulent être mères est une question de santé publique, et pour prévenir des morts inutiles, mieux vaut légaliser l’avortement .