Après son succès à Cannes lors de la Quinzaine des réalisateurs, le film du réalisateur chilien Pablo Larraín arrive dans les salles du pays ce jeudi. NO retrace la campagne du NON au plébiscite sur Pinochet au pouvoir.
Le 5 octobre 1988, un référendum a poussé la dictature militaire d’Augusto Pinochet vers la sortie. 54% de « No », 43% de « Sí » au dictateur. Deux ans plus tard, exit la dictature de Pinochet, Patricio Aylwin est le premier président démocratiquement élu pour la première fois depuis 1971 (Salvador Allende).
« No » est une fiction basée « à 80% sur des faits réels », indique Alfredo Castro. L’acteur, qui campe le rôle d’un chef d’entreprise pinochetiste, était présent au débat après la projection du film. En avant-première, dans la faculté d’économie de l’Université du Chili, à Santiago.
« No » retrace la campagne du « non » au plébiscite qui avait pour but de maintenir Augusto Pinochet huit années de plus à la tête du Chili. Pendant 27 jours, en septembre 1988, chaque camp dispose de 15 minutes par jour pour faire campagne à la télévision. René Saavedra réalise les spots publicitaires pour le « Non ».
Ce talentueux publicitaire n’utilisera aucun des chiffes fournis par son équipe : 200 000 exilés, 34 690 torturés, disparus, 2 110 exécutés, 1 248 disparus. Aussi horribles soient-ils. Il préfère montrer la alegría, la joie de vivre, si Pinochet quitte le pouvoir. Il est le seul de son équipe à vouloir emprunter cette voie.
Campé par l’acteur mexicain Gael García Bernal, René est tiraillé entre son travail (au sein d’une entreprise qui roule pour Pinochet) et ses activités parallèles. Son engagement dans la « dissidence » lui vaudra d’être menacé. Le film relate bien la persécution effectuée par des hommes de l’ombre : « Marxista vende patría », écrit-on à la peinture rouge sur une fenêtre de sa maison, à la nuit tombée. René est suivi. Quand il sort dans la rue, des phares de voitures s’allument brusquement.
La persécution des opposants politiques et le non-respect de la liberté d’expression, latents dans le film, culminent quand on voit la police disperser un rassemblement pacifique, frapper et arrêter des dizaines de partisans du « Non ». Ce jour-là, un concert était organisé pour soutenir le « NO ». Une activité sûrement trop « subversive » pour le régime qui était pourtant sûr de gagner le référendum. « Le peuple dort, la situation est sous contrôle », assure le dictateur dans le film.
Le montage un peu ping-pong entre les clips de campagne en faveur du « sí » et du « no » est vivant, le film largement drôle et sarcastique : les spots en faveur du « Sí » à Augusto Pinochet sont, parfois, à mourir de rire. Un rouleau-compresseur (personnification du communisme) écrase tour à tour une télévision, des lampes de chevet et même… une poussette. Dans un autre, une voix off interroge : « Les Chiliens sont plus grands et pèsent plus lourds que leurs voisins, le saviez-vous ? »
Le film « No » a un parti pris. Celui de la liberté d’expression, celui du refus de cautionner une dictature. De manière juste, le film participe à la mémoire collective au Chili, encore trop parcellaire. « Propagande communiste », entendra-t-on, peut-être, dans les jours qui viennent. Dans la rue, pas à la sortie du film qui devrait plutôt attirer des pourfendeurs du régime pinochetiste.
Pas sûr que le film rencontre un franc succès au Chili. Pourtant, à l’étranger, l’œuvre cinématographique de Pablo Larraín est reconnue. « No » a été le lauréat de la Quinzaine des Réalisateurs au dernier festival de Cannes : il a remporté le Art Cinema Award (décerné par la Confédération Internationale des Cinémas d'Art et d'Essai).
Le film a déjà été projeté à Cannes et Locarno, il le sera au festival de Toronto entre les 6 et 16 septembre. « No » devrait arriver sur les écrans français entre janvier et mars 2013.