Fernando Balda, ex-membre du Congrès équatorien, proche des milieux conservateurs et opposant notoire de l’actuel gouvernement, a été expulsé de Colombie ce mercredi. Il est poursuivi dans son pays pour « grave diffamation non calomnieuse » et « atteinte à la sécurité de l’État ».
3 décembre 2008 : Fernando Balda affirme sur un plateau de télévision de la chaîne Ecuavisa qu’Óscar Herrera est l’auteur d’un « trafic d’influences » à la tête d’une « mafia ».
12 mars 2009 : Alors PDG d’une entreprise d’assurances, Óscar Herrera aujourd’hui diplomate* proche de Rafael Correa, porte plainte contre Fernando Balda. Il gagne. Balda écope de deux ans de prison. Ce farouche opposant à Rafael Correa siégeait à l’époque au Congrès dans les rangs du PSP, parti de droite (Parti de la Société Patriotique).
En octobre 2009, Fernando Balda prend la poudre d’escampette et se réfugie en Colombie. Depuis, il se présente comme un exilé politique, et affirme avoir été victime de deux tentatives d’enlèvement en Colombie.
Sur son site internet, Le ministère des Affaires Étrangères équatorien présente cette expulsion comme une simple « opération contre l’immigration irrégulière » (le visa touriste de Fernando Balda avait en effet expiré) avant d’ajouter que Fernando Balda est accusé d’un supposé « délit contre la sécurité de l’Etat ».
Du côté colombien, la Chancellerie explique avoir reçu un courrier de l’Équateur le 27 août dernier, l’exhortant à expulser Fernando Balda Flores, condamné à deux ans de prison dans son pays. Hier le 10 octobre, la justice colombienne a appliqué la demande de son voisin, et expulsé l’ex-congressiste, ce qui a fait la Une des journaux télévisés en Colombie et en Équateur.
L’opposant politique a été transporté jusqu’à Quito par un avion des Forces Armées Colombiennes « pour sa sécurité ». Il se trouve actuellement dans la prison du Littoral, à Guayaquil, tandis que son avocat travaille à sa libération. Maître Pedro Granja considère que son client est « séquestré » par la justice car il y a prescription de la peine. Il semblerait qu’il y ait effectivement prescription d’une condamnation pour diffamation un an après le jugement, dans le droit équatorien.
Excès de pouvoir ?
L’histoire est rocambolesque. Elle mêle – très certainement – divers intérêts politiques et financiers. Il peut être dangereux de la simplifier, au risque de commettre des impasses ou des raccourcis. Certes, des zones d’ombre persistent, mais cette affaire semble dénoter un certain excès de pouvoir de la part du gouvernement Correa, qui dément toute persécution politique contre Fernando Balda,jeune loup de la droite conservatrice, et partisan de l’ex-président colombien Álvaro Uribe.
On peut blâmer les affinités politiques de Fernando Balda et considérer que l'ancien président colombien est peu fréquentable, au vu de ses liens avec les paramilitaires. Mais la liberté d’expression et la séparation des pouvoirs voudraient que même les plus farouches opposants politiques au gouvernement en place en Équateur aient le droit de s’exprimer sur un plateau de télé, sans que la diplomatie s'en mêle.
Liberté de la presse en Équateur
Fernando Balda n’était pas le seul opposant de Rafael Correa en exil. Emilio Palacio, éditorialiste au journal El Universo, a trouvé refuge à Miami. Lui aussi poursuivi pour diffamation, il risquait trois ans de prison. Les États-Unis lui ont accordé l’asile politique en août dernier.
Le président équatorien avait en effet porté plainte contre ce quotidien l'an dernier. Procès gagné, mais ô combien controversé. Beaucoup se demandent encore comment le juge en charge de l’affaire a pu rédiger les 56 pages de ses conclusions en seulement 24 heures. La juge initialement en charge de l’affaire, Mónica Encalada, estime que cela est impossible. Elle aussi est en exil, à Bogotá.
* Óscar Herrera est l’actuel conseiller économique de l’ambassade de l’Équateur en Corée du Sud.