Près de trente ans après s'être affrontés dans l'archipel des Malouines, Londres et Buenos Aires traversent une nouvelle crise diplomatique.
Alors que la presse française fait la part belle à Margaret Thatcher en ce moment, les médias des deux rives du Río de la Plata dénoncent l’attitude du gouvernement britannique à l’égard des îles Malouines. Il« militarise l’Atlantique Sud », estime la présidente argentine Cristina Fernandez. Ses « fanfaronnades » autour de la question des Malouines veulent « cacher des problèmes nationaux, comme son important taux de chômage », déclare Amado Boudou, le vice-président argentin.
Tout a commencé le mois dernier, quand la Casa Rosada a appris que les Britanniques allaient envoyer un navire de type « destroyer », un HMS Dauntless, dans l’archipel des îles Malouines. Une simple « mise à niveau » de l’appareillage militaire naval dans la région, explique Mark Lyall Grant, le représentant permanent du Royaume-Uni auprès des Nations Unies. Londres doit rendre des comptes, car vendredi l’Argentine a déposé une plainte auprès de l’ONU pour « militarisation de l’Atlantique Sud », et pour l’envoi – supposé - d’un sous-marin nucléaire dans la zone. Nous n’avons « pas l’habitude de commenter ce type d’information militaire », réplique Mark Lyall Grant.
À Cristina Fernandez qui proteste contre une mission de six semaines du Prince William dans l’archipel, David Cameron répond que « l’Argentine se montre plus colonialiste que le Royaume-Uni », arguant que les quelque 3 000 habitants des Malouines ne montrent aucune volonté de rejoindre la nation argentine.
Pour Sean Penn, c’est le Royaume-Uni qui fait montre de colonialisme ici. « Je ne ferai aucune excuse sur les propos que j’ai tenus » (ndlr : la veille en Argentine), a précisé l’acteur nord-américain, de passage en Uruguay ce mardi en tant qu’ambassadeur d’Haïti, et co-fondateur de J/P-HRO, une ONG d’aide aux victimes du séisme de février 2010 en Haïti. "C’est impensable que le Royaume-Uni prenne la décision, consciente, d’envoyer le prince William en mission dans le territoire des Malouines. Et cela, en connaissant la sensibilité émotionnelle, des pères et des mères, qui, au Royaume-Uni comme en Argentine, ont perdu leurs fils et leurs filles dans cette guerre."
Une cause régionale
Toute l’Amérique du Sud soutient Cristina Fernandez. Du Venezuela à l’Uruguay. Le voisin de l’Argentine a su mettre entre parenthèses la semaine dernière son litige relatif aux taxes douanières argentines. En guise de soutien, l’Uruguay a même organisé un forum consacré aux Malouines, dans la très chic station balnéaire de Punta del Este ce vendredi 10 février.
L’Uruguay, mais aussi les autres pays du Mercosur - Brésil et Chili-, interdisent désormais l’entrée dans leurs ports des bateaux battant pavillon des Malouines. L’OEA, l’Organisation des États Américains, fustige le ton « belliciste » du Royaume-Uni, qu’il met en garde contre la « dangerosité » de l’envoi d’un contre-torpilleur. Rafael Correa, président de l’Équateur, a même appelé l’ALBA, l’Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique, à « sanctionner » le Royaume-Uni, car il en a « assez de cette double morale, et de cette asymétrie ».
Après avoir été tour à tour peuplé par des Acadiens, des Argentins et des Anglais, l’archipel des Malouines est sous souveraineté anglaise depuis 1833, et reconnu comme territoire non-autonome par l’ONU.
« Londres défendra les Falklands », rassure David Cameron. Londres défendra aussi, certainement, le putatif revenu pétrolier au large de ces îles : l’exploitation des réserves pétrolières et gazières des Malouines pourrait rapporter 176 milliards de dollars à la Grande-Bretagne. Un chiffre avancé par l’entreprise Edison Investment Research, qui doit rendre un rapport au gouvernement britannique cette semaine.
176 milliards de dollars donc, le dernier grain de sable dans l’engrenage étant le conflit séculaire avec Buenos Aires. Pour Sean Penn, la solution se trouve dans la négociation : "On ne pourrait que regretter que l’Argentine et le Royaume-Uni n’essaient pas de partager, de manière juste, les ressources découvertes". Mais à ce prix, ni David Cameron, ni les habitants des îles Malouines, ne semblent prêts à rendre les armes.