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Billet de blog 18 février 2012

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Au Chili, un article de presse qui dérange

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Parfois, certaines Unes nous inquiètent, nous interpellent, notre œil ne s’y habitue pas. Le supplément dominical de la Tercera, quotidien du groupe Copesa, a choisi de mettre en Une, dimanche 22 janvier, le petit-fils de Erich Honecker, Président du Conseil d’État de la République Démocratique d’Allemagne de 1976 à 1989. « Le petit-fils de Honecker parle de sa vie au Chili. Roberto Yánez est poète, peintre et compositeur. Il est arrivé à Santiago en 1990, obligé de fuir après la chute du Mur. »

Quatre pages sont consacrées à un entretien exclusif de Roberto Yánez Honecker. À sa lecture, on pourrait presque éprouver de la compassion pour ce garçon de 15 ans, qui « a dû abandonner l’Allemagne » à la chute du Mur de Berlin, qui « a vu mourir ici (à Santiago du Chili) son grand-père, Erich Honecker ». On pourrait aussi s’attendrir sur cet homme qui déclare que ses camarades du Collège Allemand à Santiago du Chili se moquaient de son castillan mâtiné de tonalités étrangères.

Mais ce qui dérange avant tout, c’est la complaisance des journalistes de la Tercera  à l’égard de Erich Honecker, ce dirigeant autoritaire communiste, qui contribua à la construction du Mur de Berlin. Celui qui ordonna d’ouvrir le feu aux alentours du Mur, pour empêcher toute fuite vers l’Ouest. Celui aussi qui promut la Stasi, la police politique de la RDA.

L’article fait d’ailleurs l’impasse sur une quelconque présentation de Erich Honecker. Seule allusion à ses faits d’armes : « Il ordonna la construction du Mur en 1961 ». Margot Honecker, son épouse, qui vit toujours au Chili, est elle présentée comme « une puissante ministre de l’éducation de la RDA ». Là encore, quid des faits d’armes de l’ex Première Dame de la RDA ? Celle qui rendit obligatoires les cours d’éducation militaire et la formation aux armes. Celle qui fut aussi accusée par la justice allemande d’avoir organisé des arrestations massives d’opposants politiques.

Ce qui dérange aussi, c’est l’absence de mise en perspective des propos du petit-fils de Erich Honecker. Libre à lui, somme toute, de penser que « la chute du Mur constituait un objectif recherché depuis longtemps par le monde anticommuniste. C’est évident qu’ils ne voulaient pas la liberté des peuples, mais le pouvoir. Ils l’ont voulu, ils le veulent toujours, et ils y sont parvenus ». Un article dérangeant donc. Comme tant d’autres, au Chili, 80ème pays au monde pour sa liberté de la presse, selon le classement 2011-2012 de Reporters Sans Frontières.

Le Chili se hisse à la 5ème place en Amérique du Sud, après le Surinam (22e rang mondial), l’Uruguay (32e), l’Argentine (47e), et le Guyana (58e). Viennent ensuite le Paraguay, à la 80ème place mondiale comme le Chili, le Brésil (99e), l'Équateur (104e), la Bolivie (108e), le Venezuela (117e), et la Colombie qui ferme la marche en Amérique du Sud à la 143e place du classement.

- Retrouvez ICI le rapport complet de la liberté de la presse de RSF 2011-2012.

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