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Billet de blog 24 juin 2012

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Coup d’État déguisé au Paraguay ?

Fernando Lugo, président de gauche élu en 2008, a été destitué hier par le Sénat. Cette procédure - légale selon la Constitution- est très critiquée par les pays latino-américains. Elle aurait pour but de faciliter la campagne du parti Colorado (de droite), neuf mois avant la présidentielle.

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Fernando Lugo, président de gauche élu en 2008, a été destitué hier par le Sénat. Cette procédure - légale selon la Constitution- est très critiquée par les pays latino-américains. Elle aurait pour but de faciliter la campagne du parti Colorado (de droite), neuf mois avant la présidentielle.

« Je suis victime d’un coup d’État express », a déclaré Fernando Lugo à la chaîne vénézuélienne Telesur jeudi. En effet, la destitution a été réglée en seulement quelques jours.

- Le 15 juin, des affrontements entre policiers et paysans qui occupent des terres au Nord du Paraguay font dix-sept morts - onze paysans, et six policiers. L’opposition accuse Fernando Lugo de complaisance à l’égard du mouvement des sans-terres. Le parti libéral (PRLA) quitte la coalition formée du parti de Lugo.

- Mercredi 20 juin, la Chambre des députés approuve le pamphlet accusateur contre le président l’« évêque des pauvres ». Le président Lugo dispose de 24 heures pour préparer sa défense.

- Vendredi 22 juin, Lugo « comparaît » devant le Sénat. Sans surprise, la destitution est votée à 39 voix pour, et quatre contre, en l’absence de deux sénateurs. Sans surprise car la coalition de Fernando Lugo ne dispose plus de l’appui du PRLA, le Parti Radical libéral Authentique. Dans les rangs des assemblées, on peine à distinguer les élus du parti de Fernando Lugo : trois sénateurs sur 48, et deux députés sur 80.

Le vice-président du parti libéral (PRLA), Federico Franco, devient donc le nouveau président du Paraguay, après ce « procès politique hautement discutable », estime aujourd’hui la CIDH, la Commission Inter-américaine des Droits de l’Homme.

« Ceci n’est pas un coup d’État », se défend Federico Franco, qui assure même que « Dieu et le destin ont voulu que j’assume la présidence de la République ». Dieu ? Ou Horacio Cartes ?

La voie libre pour la présidentielle ?

Horacio Cartes est l’actuel dirigeant de l’historique parti Colorado, protecteur de l’oligarchie paraguayenne. (Le parti Colorado a gouverné le Paraguay sans interruption 63 ans, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Fernando Lugo.) Horacio Cartes est aussi le grand favori de la présidentielle d’avril 2013. Plusieurs experts affirment que derrière la destitution de Lugo, et l’excuse de l’occupation de terres qui a mal tourné, se cache la volonté de contrôler les arcanes du pouvoir pendant la campagne présidentielle, et le soir de l’élection.

Les cas de corruption et de clientélisme sont un secret de Polichinelle au Paraguay. Ce mois-ci, une polémique a éclaté suite à la publication sur Youtube d’un extrait du documentaire « Dieu bénisse le Paraguay » du français Grégory Schepard.

Cette vidéo (retirée par Youtube) montre un militant du parti Colorado, le jour de l’élection de Fernando Lugo. José Alvarenga distribue de l’argent aux habitants d’un quartier pauvre d’Asunción, et les amène aux bureaux de vote. Le militant en question accuse le gouvernement – de Lugo – d’avoir acheté ces images afin de les manipuler.

L'Amérique latine divisée

La Bolivie, l’Équateur, et le Venezuela, ne reconnaissent pas le nouveau président libéral Franco. Pas plus que la présidente argentine Cristina Fernández. Le Brésil se prononcera lors du sommet du Mercosur, dès jeudi prochain en Argentine. Dilma Roussef, la présidente brésilienne, a déjà proposé d’expulser le Paraguay du Mercosur.

Le Chili et la Colombie, gouvernés à droite, se sont montrés plus cléments dans leurs critiques. Juan Manuel Santos, le président colombien, a d’ailleurs assuré que « formellement, l’ordre démocratique n’avait pas été brisé » au Paraguay.

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