À la différence de l’Argentine et la Bolivie, le Chili privatise son lithium. « L’or blanc du XXIe siècle » se vend à 7 000 dollars la tonne aujourd’hui. Un prix qui pourrait augmenter avec l’essor des voitures électriques.
Le Chili a toujours fait preuve d’exception en Amérique latine. Aujourd’hui encore, sa gestion des ressources naturelles diffère de celles de ses voisins. Le 12 juin dernier, le pays a ouvert à la vente des concessions de lithium à des entreprises chiliennes ou étrangères, pour une durée de 20 ans.
Il reste huit jours aux entreprises pour se faire connaître (jusqu’au 31 juillet). Plus d’une quarantaine sont sur les rangs : françaises - avec le groupe Bolloré -, américaines, chinoises, sud-coréennes.
Face à cette privatisation déguisée du lithium, les critiques fusent. Avant tout, la constitution chilienne interdit la privatisation de ce minerai considéré comme stratégique dans les années 80 pour son éventuelle utilisation dans des armes nucléaires. Qu’importe, par ce joli tour de passe-passe que constitue l’appel d’offres du 12 juin dernier, le gouvernement passe outre le code minier.
7% des bénéfices seraient reversés au Chili
Pour beaucoup, le corollaire de cet appel d’offres n’est autre qu’une gigantesque fuite des capitaux vers l’étranger, et cela alors que « le gouvernement nous a toujours dit qu’il n’avait pas les moyens de financer notre réforme structurelle de l’éducation », déplore Camila Vallejo, la vice-présidente de la FECH, la fédération des étudiants de l’université du Chili. « Nous avons besoin de moyens », ajoute la dirigeante étudiante. « Ces ressources existent, c’est juste que le gouvernement ne les utilise pas pour répondre aux besoins élémentaires du peuple chilien. »
Le 11 juillet, les salariés du cuivre ont manifesté dans tout le pays pour protester contre cette privatisation déguisée, et aussi pour réclamer la renationalisation du cuivre, devenu un bien national le 11 juillet 1971, quelques années avant que la dictature de Pinochet ne le privatise. Aujourd’hui, 70% du cuivre chilien est extrait par des entreprises étrangères.
Manuel Ahumada, le vice-président de la confédération des salariés du cuivre, évoque un « vol » des ressources naturelles du pays, et regrette le manque de « logique d’indépendance économique » du pays. Car les entreprises étrangères qui extrairont le lithium devront reverser 350 millions de dollars par an à l’État chilien. Une somme, en apparence, qui ne représente que 7% de leurs bénéfices. Felipe Ramirez, un autre dirigeant de la FECH, estime qu’il faudrait « créer un impôt sur ces sociétés, à hauteur de 40% sur leurs bénéfices par exemple ».
Mais pourquoi l’État ne s’occupe-t-il pas lui-même d’extraire ce métal rare, pour ainsi profiter de ses retombées économiques ? Manque d’experts, et non-maîtrise de la technologie, avance le gouvernement. Quid de l’investissement dans ces technologies, ou dans l’enseignement pour, par exemple, former le personnel compétent dont le Chili affirme manquer aujourd’hui ?
La Bolivie a nationalisé son lithium et établi un partenariat avec la Corée du Sud pour pouvoir fabriquer les batteries de lithium. Car au-delà de la simple extraction du minerai, c’est la production de biens manufacturés qui est rentable.