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L’antisionisme est-il un antisémitisme ? En réalité, c’est tout le contraire : le sionisme est un antisémitisme.
C’est en tout cas ce que pensaient la majorité des citoyens juifs qui ont vu émerger et se construire l’idée sioniste. Lord Montagu est l’un deux : seul ministre juif du cabinet de Lloyd George, auquel appartenait Lord Balfour, il s’oppose au texte que le ministre des Affaires étrangères britannique est en train de préparer.
Expédiée le 2 novembre 1917 par Lord Arthur Balfour à Lord Lionel Walter Rotschild, baron et récent vice-président du Board of Deputies of British Jews, la lettre du ministre britannique est courte :

Agrandissement : Illustration 1

Cher Lord Rothschild,
Au nom du gouvernement de Sa Majesté, j’ai le plaisir de vous adresser ci-dessous la déclaration de sympathie à l’adresse des aspirations juives et sionistes, déclaration soumise au Parlement et approuvée par lui.
Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et fera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera accompli qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste.
Arthur James Balfour
Cette lettre, rédigée méticuleusement, est en réalité en préparation depuis plusieurs mois. Le mouvement sioniste bénéficie de relais importants en Angleterre en la personne du baron Rotschild et d’Haim Weizmann.
Ce dernier, arrivé sur le sol britannique en 1904 de l’actuelle Biélorussie, est un sioniste convaincu. En 1897, il participe au 1er Congrès sioniste organisé à Bâle, suite au refus de la communauté juive munichoise que ce congrès soit organisé en Allemagne. Sioniste, Weizmann est aussi chimiste. Cela a son importance : titulaire d’un poste d’enseignant à l’université de Manchester, il réussit en 1915 à synthétiser l’acétone par fermentation bactérienne à partir d’amidon. Or l’acétone est un composant indispensable à la cordite, un explosif employé par l’artillerie anglaise, et les Allemands ont justement coupé la route d'approvisionnement de ce solvant. Quand Weizmann réussit à produire les 30 000 tonnes d’acétone que Winston Churchill lui demande, la cause du sionisme avance d’un grand pas.
Comment l’idée d’une déclaration en faveur d’un foyer juif en Palestine a-t-elle émergée au sein de l’establishment britannique ?
En novembre 1915, un chroniqueur ami de Weizmann émet l’idée d'un bastion palestinien, « une Palestine amie formant un état tampon, [...] indispensable à la défense de Suez et de l'Égypte » dans le Manchester Guardian. Le ballon d’essai est lancé, et les hommes politiques britanniques le rattrapent très vite au vol, y voyant une occasion de remettre en cause les accords dits de Sykes-Picot. Cette idée de bastion britannique visant à protéger Suez faisait directement écho à l’idée émise par Herzl dans L’État des Juifs, pour qui une Palestine colonisée par les juifs européens formerait « un élément du mur contre l’Asie ainsi qu’un avant-poste de la civilisation contre la barbarie. »
L’idée est également de s’assurer du soutien des milieux juifs, que les dirigeants britanniques croient influents et acquis à la cause du sionisme. Il s’agit de consolider l’appui américain à la guerre en donnant des gages au sionisme. En mai 1917, suite à la première révolution russe, Balfour déclare : « Le judaïsme mondial, généralement froid et même hostile à la cause alliée, renversera son attitude, maintenant que le tsarisme est aboli en Russie, si les Alliés se prononcent en faveur du Sionisme ».
C’est ainsi qu’au printemps 1917, Balfour reçoit Rothschild et Weizmann et les invite à proposer un texte de déclaration qu'il pourrait soumettre au gouvernement ; la demande est formulée officiellement le 13 juillet. Lord Rothschild lui fait parvenir un projet dès le 18 juillet 1917, résultat de trois versions successives. Une version, signée Sokolov, propose que « soient accordées une autonomie interne à la nation juive en Palestine, la liberté de l'immigration juive, et la création d'une compagnie nationale juive de colonisation pour l'établissement (des immigrants) et le développement économique du Pays. » Le projet, légèrement remanié, est présenté le 3 septembre au Cabinet de guerre. La séance n’est pas favorable : deux personnalités s’opposent, Lord Curzon et Lord Edwin Montagu.
Auparavant, Lord Montagu a fait parvenir un « Mémorandum » indiquant qu’il condamne le projet de déclaration sioniste qui se trame entre Rothshild, Weizmann, et Balfour. C’est ce Mémorandum que nous présentons ici.
On sait que les arguments de Montagu ne suffiront pas, et que la « Déclaration de Sympathie – La Palestine aux Juifs », selon le titre que le Times lui donnera en la publiant le 9 novembre, verra le jour.
Les arguments de Montagu méritent cependant d’être connus, et médités.
Montagu considère d’abord que les Juifs ne forment pas une nation. Il considère ensuite que les juifs d’Europe de l’Est, de l’Ouest, ou des États-Unis, n’ont aucun lien charnel avec la terre de Palestine : il ne voit chez eux ni l’âme de planteurs d’oliviers ni celle de gardiens de moutons. Il craint en outre que lorsque les juifs auront leur « foyer » en Palestine, ils s’y trouvent rejetés par les pays dans lesquels ils ont jusque-là essayé de s’intégrer : « la Palestine deviendra le ghetto du monde ».
Ses arguments sont sans doute renforcés par le fait qu’il connaît les raisons qui poussent les chrétiens évangéliques que sont Balfour et Lloyd George à supporter le projet d’une émigration juive en Palestine : Balfour est favorable aux théories eugénistes, ce qui le poussera à prononcer le discours d’ouverture du 1er congrès international d’eugénisme à Londres en 1912. Par ailleurs, le christianisme protestant, bien avant Theodor Herzl, encourage le départ des juifs pour la Palestine, condition indispensable pour le retour de Jésus Christ sur terre. William Henry Hechler, pasteur anglican, futur ami d’Herzl, n’a-t-il publié dès 1884 un petit traité intitulé The Restoration of the Jews to Palestine ?
Dès lors, pour Montagu, le projet de déclaration d’un foyer juif en Palestine est profondément antisémite.
Nous devons nous en souvenir.
Références :
Alem Jean Pierre, La Déclaration Balfour : aux sources de l’État d’Israël, Bruxelles, Ed. Complexe (coll. « La mémoire du siècle 1917 »), 1991, 151 p.
Charbit Denis, « La Déclaration Balfour », Tsafon, 1 décembre 2017, no 74, p. 31‑38.
Orès Béatrice, Sibony Michèle et Fayman Sonia, Antisionisme, une histoire juive, Paris, Éditions Syllepse, 2023, 368 p.
Philpot Robert, « Un triangle amoureux à l’origine de l’adoption de la déclaration Balfour », The Times of Israël, 2 août 2019. https://fr.timesofisrael.com/un-triangle-amoureux-a-lorigine-de-ladoption-de-la-declaration-balfour/
Rabkin Yakov, « La Déclaration Balfour : contexte et conséquences », Histoire Engagée, 2 novembre 2017. https://histoireengagee.ca/la-declaration-balfour-contexte-et-consequences/
Rota Olivier, « La Déclaration Balfour, du « triomphe juif » au réveil du nationalisme arabe (1917-1920). Entre illusions et malentendus ? », Tsafon, 1 décembre 2017, no 74, p. 65‑84.
L’antisémitisme du gouvernement actuel
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Lord Edwin Samuel Montagu
Soumis au cabinet britannique le 23 août 1917
J’ai choisi le titre ci-dessus pour ce mémorandum, non dans un sens hostile, pas du tout pour me quereller avec un point de vue antisémite qui pourrait être tenu par mes collègues, pas avec le désir de nier que l’antisémitisme puisse être éprouvé par des hommes rationnels, même pas en vue de suggérer que le gouvernement est délibérément antisémite ; mais je tiens à exprimer officiellement mon opinion selon laquelle la politique du gouvernement de Sa Majesté est antisémite et, par conséquent, constituera un terrain de ralliement pour les antisémites dans tous les pays du monde.
Ce point de vue est motivé par la réception hier d’une correspondance entre Lord Rothschild et M. Balfour.
La lettre de Lord Rothschild est datée du 18 juillet et la réponse de M. Balfour datée d’août 1917. Je crains que ma protestation n’arrive trop tard, et il se peut que le gouvernement ait été pratiquement engagé quand Lord Rothschild a écrit et avant même que je devienne membre du gouvernement, car il y a évidemment eu une correspondance ou une conversation avant cette lettre. Mais il me semble qu’en tant que seul ministre juif du gouvernement, mes collègues peuvent me donner l’occasion d’exprimer des opinions qui peuvent m’être particulières, mais auxquelles je tiens très fermement et que je dois demander la permission d’exprimer lorsque l’occasion se présente.
Je crois très fermement que cette guerre a porté un coup mortel à l’internationalisme, et qu’elle s’est révélée être une occasion de renouveler le sens de la nationalité, car non seulement la plupart des hommes d’État de la plupart des pays ont tacitement accepté la redistribution du territoire résultant de la guerre pour des raisons plus ou moins nationales, mais nous avons appris à comprendre que notre pays représente des principes, des buts, une civilisation qu’aucun autre pays ne défend dans la même mesure, et qu’à l’avenir, quel qu’ait été le cas par le passé, nous devons vivre et combattre en temps de paix comme en temps de guerre pour ces objectifs et ces aspirations, et ainsi équiper et réglementer nos vies et nos industries pour être prêts chaque fois que nous sommes contestés. Pour prendre un exemple, la science de l’économie politique, qui dans sa pureté ne connaît pas de nationalisme, sera tempérée et considérée à la lumière de ce besoin national de défense et de sécurité. La guerre a en effet justifié le patriotisme comme motif premier de la pensée politique .
C’est dans cette atmosphère que le gouvernement propose d’entériner la formation d’une nouvelle nation avec un nouveau foyer en Palestine. Cette nation sera vraisemblablement formée de Russes juifs, d’Anglais juifs, de Roumains juifs, de Bulgares juifs et de citoyens juifs de toutes les nations – survivants ou parents de ceux qui ont combattu ou donné leurs vies pour les différents pays que j’ai mentionnés, à un moment où les trois années qu’ils ont vécues ont uni leur point de vue et leur pensée plus étroitement que jamais aux pays dont ils sont citoyens.
Le sionisme m’a toujours semblé être un credo politique malveillant, indéfendable par n’importe quel citoyen patriote du Royaume-Uni. Si un Anglais juif jette les yeux sur le Mont des Oliviers et aspire au jour où il secouera le sol britannique de ses chaussures et reprendra ses activités agricoles en Palestine, cet homme m’a toujours semblé avoir des objectifs reconnus comme incompatibles avec la citoyenneté britannique et avoir admis qu’il est inapte à prendre part à la vie publique en Grande-Bretagne ou à être traité comme un Anglais. J’ai toujours compris que ceux qui se livraient à ce credo étaient en grande partie motivés par les restrictions et le refus de liberté dont sont victimes les juifs en Russie. Mais au moment même où ces juifs ont été reconnus comme des russes juifs et ont reçu toutes les libertés, il semble inconcevable que le sionisme soit officiellement reconnu par le gouvernement britannique, et que M. Balfour soit autorisé à dire que la Palestine devait être reconstituée comme “la maison nationale du peuple juif”. Je ne sais pas ce que cela implique, mais je suppose que cela signifie que les Mahométans et les Chrétiens doivent faire place aux Juifs et que les Juifs devraient être placés dans toutes les positions de préférence et devraient être particulièrement associés à la Palestine de la même manière que l’Angleterre est avec les Anglais ou la France avec les Français, que les Turcs et autres Mahométans en Palestine seront considérés comme des étrangers, tout comme les Juifs seront traités comme des étrangers dans tous les pays sauf la Palestine. Peut-être aussi que la citoyenneté ne devra être accordée qu’à la suite d’un test religieux.
J’insiste de manière emphatique sur quatre principes :
- J’affirme qu’il n’y a pas de nation juive. Les membres de ma famille, par exemple, qui sont dans ce pays depuis des générations, n’ont aucune sorte de communauté de pensée ou de désir avec une famille juive d’un autre pays, hormis le fait qu’ils professent plus ou moins la même religion. Il n’est pas plus vrai de dire qu’un Juif anglais et un Maure juif sont de la même nation que de dire qu’un Anglais chrétien et un Français chrétien sont de la même nation : de la même race, peut-être, suivie à travers les siècles – à travers les siècles de l’Histoire d’une race particulièrement adaptable. Le premier ministre et M. Briand peuvent être reliés, je suppose, à travers les âges, l’un aux Gallois et l’autre aux Bretons, mais ils n’appartiennent certainement pas à la même nation.
- Quand on dit que la Palestine est la patrie nationale des Juifs, chaque pays voudra immédiatement se débarrasser de ses citoyens juifs, et vous trouverez une population en Palestine chassant ses habitants actuels, s’appropriant le meilleur du pays, venue de tous les côtés du globe, parlant toutes les langues sur la surface de la terre, et incapables de communiquer les uns avec les autres, sauf au moyen d’un interprète. J’ai toujours compris que c’était la conséquence de la construction de la Tour de Babel, si jamais elle avait été construite, et je ne suis certainement pas en désaccord avec l’opinion communément admise par les Juifs avant l’invention du sionisme, que ramener les Juifs pour former une nation dans le pays d’où ils s’étaient dispersés exigerait une direction divine. Je n’ai jamais entendu dire, même par leurs admirateurs les plus fervents, que M. Balfour ou Lord Rothschild se révèleraient être le Messie. Je prétends que les vies que les Juifs britanniques ont menées, que les objectifs qu’ils ont devant eux, que le rôle qu’ils ont joué dans notre vie publique et dans nos institutions publiques les ont autorisés à être considérés, non comme des Juifs britanniques, mais comme des Britanniques Juifs. Je discréditerais volontiers chaque sioniste. Je serais presque tenté de proscrire l’organisation sioniste comme illégale et contre l’intérêt national. Mais je demanderais d’un gouvernement britannique une tolérance assez grande pour refuser une conclusion qui fait de tous leurs concitoyens juifs des étrangers, les excluant de la nationalité de manière implicite, sinon tout de suite par la loi.
- Je nie que la Palestine soit aujourd’hui associée aux Juifs ou qu’elle soit considérée comme un lieu de vie convenable pour eux. Les Dix Commandements ont été livrés aux Juifs sur le Sinaï. Il est bien vrai que la Palestine joue un grand rôle dans l’histoire juive, mais c’est le cas dans l’histoire moderne Mahométane et, après le temps des Juifs, elle joue certainement un rôle plus important que tout autre pays dans l’histoire chrétienne. Le Temple était peut-être en Palestine, mais le Sermon sur la montagne et la crucifixion l’étaient aussi. Je ne refuserais pas aux juifs en Palestine des droits égaux à la colonisation avec ceux qui professent d’autres religions, mais un test religieux de citoyenneté me semble être le seul admis par ceux qui adoptent une vision bigote et étroite d’une époque particulière de l’histoire et revendiquent pour les Juifs une position à laquelle ils n’ont pas droit.
Si ma mémoire est bonne, il y a trois fois plus de juifs dans le monde qu’il serait possible de faire entrer en Palestine si l’on en chassait toute la population qui y vit maintenant . Si bien qu’un tiers des juifs y retourneront tout au plus, et qu’adviendra-t-il des autres ?
- Je peux facilement comprendre que les rédacteurs du Morning Post et du New Witness soient des sionistes, et je ne suis pas du tout surpris que les non-juifs d’Angleterre puissent se féliciter de cette politique. J’ai toujours été conscient de l’impopularité, beaucoup plus grande que certaines personnes ne pensent, de ma communauté. Nous avons obtenu une bien plus grande part des biens et des opportunités de ce pays que notre nombre ne nous y donne droit. Globalement, nous atteignons plus tôt la maturité, et donc nous rivalisons injustement avec les gens de notre âge. Beaucoup d’entre nous ont été exclusifs dans nos amitiés et intolérants dans notre attitude, et je peux facilement comprendre que beaucoup de non-Juifs en Angleterre veuillent se débarrasser de nous. Mais de même qu’il n’y a pas de communauté de pensée et de mode de vie entre les Chrétiens anglais, il n’y en pas non plus entre les Juifs anglais. De plus en plus, nous sommes éduqués dans les écoles publiques et dans les universités, et nous prenons notre part dans la vie politique, dans l’armée, dans la fonction publique, dans notre pays. Et je suis heureux de penser que les préjugés contre le mariage mixte s’estompent. Mais quand les Juifs auront un foyer national, il s’ensuivra sûrement que l’inclination à nous priver des droits de la citoyenneté britannique sera énormément accentué. La Palestine deviendra le ghetto du monde. Pourquoi le Russe devrait-il donner au Juif des droits égaux ? Son foyer national est la Palestine.
Pourquoi lord Rothschild attache-t-il autant d’importance à la différence entre Juifs britanniques et étrangers ? Tous les Juifs seront des Juifs étrangers, habitants du grand pays de Palestine. Je ne sais pas comment le tiers chanceux sera choisi, mais tout Juif aura le choix, quel que soit le pays auquel il appartient, quel que soit le pays qu’il aime, quel que soit le pays qu’il considère comme partie intégrante de lui-même, entre aller vivre avec un peuple qui lui est étranger, mais auquel ses compatriotes chrétiens lui ont dit qu’il appartenait, ou rester dans le pays auquel il pensait appartenir comme un hôte indésirable.
Je ne suis pas étonné que le gouvernement prenne cette mesure après la formation d’un Régiment Juif, et je m’attends à apprendre que mon frère, qui a été blessé dans la division navale, ou mon neveu, qui est dans les Grenadiers, seront forcés par l’opinion publique ou par les règlements de l’Armée à devenir officier dans un régiment qui sera principalement composé de personnes qui ne comprendront pas la seule langue qu’il parle – l’anglais. Je peux bien comprendre que quand il a été décidé, et à juste titre, de forcer les Juifs étrangers dans notre pays à servir dans l’armée, il était difficile de les placer dans les régiments britanniques à cause de la difficulté linguistique, mais c’est parce qu’ils étaient étrangers et non parce qu’ils étaient juifs, et il me semble que c’est une Légion étrangère qu’il aurait fallu créer. Une Légion Juive rend plus difficile la position des Juifs dans d’autres régiments et impose une nationalité à des personnes qui n’ont rien en commun.
Je pense que le gouvernement est invité à être l’instrument de la réalisation des souhaits d’une organisation sioniste en grande partie gérée, selon mes informations, en tout cas dans le passé, par des hommes d’origine ou de naissance ennemie, qui par ce moyen ont infligé un coup sévère aux libertés, au statut et aux possibilités de service de leurs compatriotes Juifs.
Je dirais à Lord Rothschild que le gouvernement sera prêt à faire tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir que les Juifs en Palestine jouissent d’une liberté complète d’établissement et de vie sur un pied d’égalité avec les habitants de ce pays qui professent d’autres croyances religieuses. Je demanderais au gouvernement de ne pas aller plus loin.
E.S.M., 23 août 1917
Source : Grande-Bretagne, Public Record Office, Cab. 24/24, 23 août 1917.
Lord Edwin Samuel Montagu (1879-1924), homme d’État « anglais et juif », était ministre britannique des Munitions (1916), et secrétaire d’État pour l’Inde (1917-1922).
Ce texte a été publié par Béatrice Orès, Michèle Sibony et Sonia Fayman dans Antisionisme, une histoire juive, paru aux éditions Syllepse (2023) p. 107-112, sous le titre « Mémorandum d’Edwin Montagu sur l’antisémitisme du gouvernement actuel [britannique] ». La traduction française a également été publiée en ligne sur le site de l’Union Française Juive pour la Paix : https://ujfp.org/memorandum-dedwin-montagu-sur-lantisemitisme-du-gouvernement-actuel-britannique/
Le texte en anglais est disponible sur https://balfourproject.org/edwin-montagu-and-zionism-1917/ sous le titre « Memorandum of Edwin Montagu on the Anti-Semitism of the Present (British) Government ».
Le scan de l’original peut être téléchargé sur le site archive.org à l’adresse : https://archive.org/details/the-anti-semitism-of-the-present-government/mode/2up
The Antisemitism of the Present Government
Circulated by the Secretary of State for India
Lord Edwin Samuel Montagu
(Submitted to the British Cabinet, 23rd August 1917)
Edwin Samuel Montagu - The Anti-Semitism of the Present Government (23rd Aug. 1917)I have chosen the above title for this memorandum, not in any hostile sense, not by any means as quarrelling with an anti-Semitic view which may be held by my colleagues, not with a desire to deny that anti-Semitism can be held by rational men, not even with a view to suggesting that the Government is deliberately anti-Semitic; but I wish to place on record my view that the policy of His Majesty’s Government is anti-Semitic and in result will prove a rallying ground for Anti-Semites in every country in the world.
This view is prompted by the receipt yesterday of a correspondence between Lord Rothschild and Mr. Balfour.
Lord Rothschild’s letter is dated the 18th July and Mr. Balfour’s answer is to be dated August 1917. I fear that my protest comes too late, and it may well be that the Government were practically committed when Lord Rothschild wrote and before I became a member of the Government, for there has obviously been some correspondence or conversation before this letter. But I do feel that as the one Jewish Minister in the Government I may be allowed by my colleagues an opportunity of expressing views which may be peculiar to myself, but which I hold very strongly and which I must ask permission to express when opportunity affords.
I believe most firmly that this war has been a death-blow to Internationalism, and that it has proved an opportunity for a renewal of the slackening sense of Nationality, for it is has not only been tacitly agreed by most statesmen in most countries that the redistribution of territory resulting from the war should be more or less on national grounds, but we have learned to realise that our country stands for principles, for aims, for civilisation which no other country stands for in the same degree, and that in the future, whatever may have been the case in the past, we must live and fight in peace and in war for those aims and aspirations, and so equip and regulate our lives and industries as to be ready whenever and if ever we are challenged. To take one instance, the science of Political Economy, which in its purity knows no Nationalism, will hereafter be tempered and viewed in the light of this national need of defence and security.The war has indeed justified patriotism as the prime motive of political thought.
It is in this atmosphere that the Government proposes to endorse the formation of a new nation with a new home in Palestine. This nation will presumably be formed of Jewish Russians, Jewish Englishmen, Jewish Roumanians, Jewish Bulgarians, and Jewish citizens of all nations – survivors or relations of those who have fought or laid down their lives for the different countries which I have mentioned, at a time when the three years that they have lived through have united their outlook and thought more closely than ever with the countries of which they are citizens.
Zionism has always seemed to me to be a mischievous political creed, untenable by any patriotic citizen of the United Kingdom. If a Jewish Englishman sets his eyes on the Mount of Olives and longs for the day when he will shake British soil from his shoes and go back to agricultural pursuits in Palestine, he has always seemed to me to have acknowledged aims inconsistent with British citizenship and to have admitted that he is unfit for a share in public life in Great Britain, or to be treated as an Englishman. I have always understood that those who indulged in this creed were largely animated by the restrictions upon and refusal of liberty to Jews in Russia. But at the very time when these Jews have been acknowledged as Jewish Russians and given all liberties, it seems to be inconceivable that Zionism should be officially recognised by the British Government, and that Mr. Balfour should be authorized to say that Palestine was to be reconstituted as the “national home of the Jewish people”. I do not know what this involves, but I assume that it means that Mahommedans and Christians are to make way for the Jews and that the Jews should be put in all positions of preference and should be peculiarly associated with Palestine in the same way that England is with the English or France with the French, that Turks and other Mahommedans in Palestine will be regarded as foreigners, just in the same way as Jews will hereafter be treated as foreigners in every country but Palestine. Perhaps also citizenship must be granted only as a result of a religious test.
I lay down with emphasis four principles:
- I assert that there is not a Jewish nation. The members of my family, for instance, who have been in this country for generations, have no sort or kind of community of view or of desire with any Jewish family in any other country beyond the fact that they profess to a greater or less degree the same religion. It is no more true to say that a Jewish Englishman and a Jewish Moor are of the same nation than it is to say that a Christian Englishman and a Christian Frenchman are of the same nation: of the same race, perhaps, traced back through the centuries – through centuries of the history of a peculiarly adaptable race. The Prime Minister and M. Briand are, I suppose, related through the ages, one as a Welshman and the other as a Breton, but they certainly do not belong to the same nation.
- When the Jews are told that Palestine is their national home, every country will immediately desire to get rid of its Jewish citizens, and you will find a population in Palestine driving out its present inhabitants, taking all the best in the country, drawn from all quarters of the globe, speaking every language on the face of the earth, and incapable of communicating with one another except by means of an interpreter. I have always understood that this was the consequence of the building of the Tower of Babel, if ever it was built, and I certainly do not dissent from the view, commonly held, as I have always understood, by the Jews before Zionism was invented, that to bring the Jews back to form a nation in the country from which they were dispersed would require Divine leadership. I have never heard it suggested, even by their most fervent admirers, that either Mr. Balfour or Lord Rothschild would prove to be the Messiah. I claim that the lives that British Jews have led, that the aims that they have had before them, that the part that they have played in our public life and our public institutions, have entitled them to be regarded, not as British Jews, but as Jewish Britons. I would willingly disfranchise every Zionist. I would be almost tempted to proscribe the Zionist organisation as illegal and against the national interest. But I would ask of a British Government sufficient tolerance to refuse a conclusion which makes aliens and foreigners by implication, if not at once by law, of all their Jewish fellow-citizens.
- I deny that Palestine is to-day associated with the Jews or properly to be regarded as a fit place for them to live in. The Ten Commandments were delivered to the Jews on Sinai. It is quite true that Palestine plays a large part in Jewish history, but so it does in modern Mahommendan history, and, after the time of the Jews, surely it plays a larger part than any other country in Christian history. The Temple may have been in Palestine, but so was the Sermon on the Mount and the Crucifixion. I would not deny to Jews in Palestine equal rights to colonisation with those who profess other religions, but a religious test of citizenship seems to me to be the only admitted by those who take a bigoted and narrow view of one particular epoch of the history of Palestine, and claim for the Jews a position to which they are not entitled. If my memory serves me right, there are three times as many Jews in the world as could possible get into Palestine if you drove out all the population that remains there now. So that only one-third will get back at the most, and what will happen to the remainder?
- I can easily understand the editors of the Morning Post and of the New Witness being Zionists, and I am not in the least surprised that the non-Jews of England may welcome this policy. I have always recognised the unpopularity, much greater than some people think, of my community. We have obtained a far greater share of this country’s goods and opportunities than we are numerically entitled to. We reach on the whole maturity earlier, and therefore with people of our own age we compete unfairly. Many of us have been exclusive in our friendships and intolerant in our attitude, and I can easily understand that many a non-Jew in England wants to get rid of us. But just as there is no community of thought and mode of life among Christian Englishmen, so there is not among Jewish Englishmen. More and more we are educated in public schools and at the Universities, and take our part in the politics, in the Army, in the Civil Service, of our country. And I am glad to think that the prejudices against inter-marriage are breaking down. But when the Jew has a national home, surely it follows that the impetus to deprive us of the rights of British citizenship must be enormously increased. Palestine will become the world’s Ghetto. Why should the Russian give the Jew equal rights? His national home is Palestine. Why does Lord Rothschild attach so much importance to the difference between British and foreign Jews? All Jews will be foreign Jews, inhabitants of the great country of Palestine. I do not know how the fortunate third will be chosen, but the Jew will have the choice, whatever country he belongs to, whatever country he loves, whatever country he regards himself as an integral part of, between going to live with people who are foreigners to him, but to whom his Christian fellow-countrymen have told him he shall belong, and of remaining as an unwelcome guest in the country that he thought he belonged to.
I am not surprised that the Government should take this step after the formation of a Jewish Regiment, and I am waiting to learn that my brother, who has been wounded in the Naval Division, or my nephew, who is in the Grenadier Guards, will be forced by public opinion or by Army regulations to become an officer in a regiment which will mainly be composed of people who will not understand the only language which he speaks – English. I can well understand that when it was decided, and quite rightly, to force foreign Jews in this country to serve in the Army, it was difficult to put them in British regiments because of the language difficulty, but that was because they were foreigners, and not because they were Jews, and a Foreign Legion would seem to me to have been the right thing to establish. A Jewish Legion makes the position of Jews in other regiments more difficult and forces a nationality upon people who have nothing in common.
I feel that the Government are asked to be the instrument for carrying out the wishes of a Zionist organisation largely run, as my information goes, at any rate in the past, by men of enemy descent or birth, and by this means have dealt a severe blow to the liberties, position and opportunities of service of their Jewish fellow-countrymen.
I would say to Lord Rothschild that the Government will be prepared to do everything in their power to obtain for Jews in Palestine complete liberty of settlement and life on an equality with the inhabitants of that country who profess other religious beliefs. I would ask that the Government should go no further.
E.S.M.
23 August 1917
Source: Great Britain, Public Record Office, Cab. 24/24, Aug. 23, 1917. Lord Edwin Samuel Montagu (1879-1924), Anglo-Jewish statesman, was British Minister of Munitions, 1916, and Secretary of State for India, 1917-22.