Texte lu au Procès du 6 Avril 2023 « Notre Santé En Danger »
Nous vous accusons de forfaiture et de trahison des devoirs de votre charge, de n’avoir pas rempli votre mission de solidarité et de santé publique. D’avoir manqué à assurer la continuité des soins en psychiatrie, d’avoir déguisé les manques criants de structures, leur fermeture et leur liquidation sous le prétexte fallacieux de l’organisation d’un « parcours de soin », dont le nom masque mal la discontinuité et l’insuffisance.
Nous vous accusons d’hypocrisie et de double langage : sous « le virage ambulatoire », il faut entendre la fermeture des lits d’hôpital, et jusqu’à la fermeture des structures d’accueil ambulatoire ; sous « la santé mentale pour tous », il faut entendre l’enfermement de ceux qui ne se plient pas à la « compliance » vis-à-vis de la sur- médication ; sous le discours de « l’inclusion », de « la co-construction », il faut entendre la maltraitance de ceux qui s’obstinent à être fous, et la contention des « agité.e. s » dans les lieux où ils devraient être soignés.
Nous vous accusons d’ignorance et de bêtise, de ne jurer que par les dysfonctionnements du cerveau, d’y réduire le malade (le cerveau, vous dis-je), d’ignorer délibérément le psychisme et l’être de langage qui fait notre humanité.
Nous vous accusons d’avoir réduit le rôle des infirmiers à un rôle de gardiens. Nous vous accusons d’avoir ainsi reconstitué, sous les caméras de surveillance, l’asile d’autrefois
Nous vous accusons de médiocrité, d’avoir, par opportunisme politique, multiplié les mesures sécuritaires, recréé le grand enfermement, assimilé folie et dangerosité, créé la peur jusque dans les équipes soignantes, incité à des formations au combat plutôt qu’à la psychopathologie et à la thérapie.
Nous vous accusons d’avoir sabordé la clinique, le soin au chevet du malade et de son délire. D’avoir réduit le soin à la distribution « des gouttes » de psychotropes sans donner aux soignants les moyens de l’écoute du patient.
Nous vous accusons de livrer la psychiatrie aux puissances d’argent, aux lobbies, aux industriels de la pharmaceutique et du numérique et aux petits profiteurs de votre politique de l’offre.
Nous vous accusons de sacrifier les équipes qui ont bâti leur savoir clinique et leur savoir-faire au cours d’années de travail, en fermant les structures qu’ils ont animées, au profit d’officines et de plateformes d’e-santé aussi ineptes que juteuses.
Nous vous accusons de livrer la santé et la santé psychique aux marchands. Nous vous accusons de réduire l’humain à ses « fonctionnements organiques », et à ses compétences tel qu'on les nomme dans l'entreprise, de réduire le soin à la « psycho -éducation ».
Nous vous accusons d’ignorer la dimension existentielle de la folie, de ceux et celles qui se sont brûlé.e. s à la question de l’être et à la difficulté d’exister.
Nous vous accusons d’inhumanité.