Le pouvoir confirme ses objectifs affichés :
- « Faire de la santé mentale une réalité tangible de la vie quotidienne de chacun »
- « L’intégrer dans l’ensemble des politiques publiques »
- « Amplifier le soutien aux familles, aux associations et aux territoires »
- « Poursuivre l’élan collectif qui a émergé en 2025 - 3000 évènements recensés. » [1]
Comment ? En parlant santé mentale : le pouvoir nous parle santé mentale, saturant médias classiques et réseaux sociaux. Un exemple, cet encart publicitaire à la télé :
« A qui ressemble quelqu’un qui souffre de mal être … à chacun d’entre nous, à personne en particulier, à tout le monde,
A qui ressemble quelqu’un qui peut écouter quelqu’un qui souffre de mal être… à personne en particulier, à tout le monde.
La santé mentale est l’affaire de tous. Écoutons-nous ».
Dans le même temps, le même pouvoir, par la voix de la HAS[2], jette l’anathème sur la psychanalyse ou les thérapies inspirées par la psychanalyse, dont le principe même est l’écoute des patients. Et d’appeler à renouveler pour l’année 2026 « l’engagement collectif » pour « libérer la parole, décomplexer les conversations et promouvoir l’écoute et l’inclusion dans tous les pans de la société ».
Donc, dans le monde de tout le monde.
PRIMO, on peut se passer des psys.
DEUXIO, on peut économiser - c’est en cours - les lits d’hôpital, les Centres d’accueil, les CMP, les clubs thérapeutiques, les CMPP, les machins trop couteux, puisque tout le monde écoute tout le monde.
Si tout le monde écoute tout le monde, d’autant que certains seront diplômés en PSSM (Premiers Secours en Santé Mentale)[3], la fonction psy, en ce qu’elle a d’invisible et d’immatériel, est remplie. Sage concession au côté psy de la psychiatrie.
Reste la paix et l’ordre public, fonction sérieuse de la santé mentale. Une fois qu’on a livré la fonction psy à chacun, même si la violence des réseaux sociaux peut faire douter de la bienveillance de tout le monde, il reste à traiter médicalement et à éradiquer avec « précision » les troubles psychiques, considérés comme d’origine biologique. Les centres experts, crées par Fondamental[4] depuis 2007 et implantés sur tout l’hexagone, délivrant en une fois un diagnostic prétendument « scientifique » prétextant s’appuyer sur des données mesurables, promettent pour l’avenir des molécules chimiques adaptées à chacun, complétées par un parcours d’éducation et de surveillance sur les plateformes numériques, alimentées par les données médicales des patients invités à signer un contrat avec le centre expert.
TERTIO, TERTIO … Résistent tout de même des angoisses irréductibles, l’angoisse existentielle, le sentiment du manque et de l’inachèvement, et la violence du monde, ou la violence sociale qui les exaspèrent. Reste l’histoire de chacun dans la grande Histoire. Résiste la souffrance psychique.
TERTIO, TERTIO…on a oublié, …on a oublié les désespérés, ceux qui n’ont pas réussi leur folie (à trouver leur voie dans l’inachevé), ceux qui n’entendent plus que le chaos en eux- mêmes, ceux qui ne veulent pas s’inclure dans le meilleur des mondes possible, ceux qui en éprouvent l’illusion, ceux qu’on ne veut pas entendre, ceux qui s’agitent, qu’on enferme et qu’on attache encore pieds et poings liés. Ceux qui crient, ceux qui sont hors d’eux, ceux qui s’affrontent à l’effondrement du monde, à leur effondrement, ceux qui veulent le sauver et se sauver, ceux qui n’ont plus la parole, ceux qui ne sont plus tout le monde.
Ceux qui quelquefois font œuvre.
Ceux qu’on abandonnerait à la psychiatrie, si on veut bien lui laisser les moyens de vivre.
Ce 16 Décembre, le Sénat débat d’une proposition de loi visant à intégrer les Centres experts dans le Code de la santé publique
Cela permettrait de diriger vers les centres experts les financements dédiés à la psychiatrie de secteur. Ainsi le pouvoir imposerait autoritairement et idéologiquement une vision neurobiologique exclusive de la « santé mentale » contre une appréhension complexe du psychisme (cf la position du CCNE, Comité consultatif national d’éthique, analysée sur ce blog) et contre la psychiatrie comme discipline à part entière.
Voilà pourquoi le pouvoir en place, sans majorité actuellement à l’Assemblée Nationale, a besoin d’une année de plus.
Comme nous y engage nombre de communiqués et tribunes de presse,
Signez massivement, avant le 16 décembre, la pétition en cliquant sur le lien :
[1] Info.gouv.fr. « Parlons santé mentale », 27 novembre 2025
[2] Haute Autorité de Santé
[3] Tout à chacun, soit tout le monde, est censé aider toute personne susceptible de présenter une souffrance psychique par une formation sur 2 jours conçue comme un copié-collé des premiers gestes de secours en cas d’accident physique. AXA, entre autres, finance ce programme d’origine australienne qui vise à réduire l’absentéisme dans les entreprises. Vous suivez la formation, vous êtes décrété.e secouriste !
[4] Lié au think thank néolibéral de l’Institut Montaigne, financé par des fonds publics et les plus grosses multinationales du CAC 40, dont Dassault, et les plus importants laboratoires pharmaceutiques