le moine copiste

Abonné·e de Mediapart

200 Billets

0 Édition

Billet de blog 1 avril 2023

le moine copiste

Abonné·e de Mediapart

Manuel insurrectionnel

Quelques extraits du dernier livre de Juan Branco "COUP d’ETAT" paru le 30 mars 2023. Il porte le sous-titre de manuel insurrectionnel. « Il est courant et aisé d'appeler à l'insurrection. Il est habituel de céder aux provocations. Il est plus rare de réfléchir et d'organiser une révolution. » J. Branco

le moine copiste

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 La guerre

 Aujourd’hui que les limites de ce modèle s’imposent à nous, plus d’un demi-siècle après que cela a été annoncé, ceux qui ont organisé cette atroce et dévastatrice société où deux extrêmes nous tiennent entre leurs mains, cherchent par tous les moyens à reproduire leur pouvoir et préserver les ressources que nous avons pour eux engrangées.

Sont-ils ceux qui demain devront nous diriger ?

Il est évident que nous devrons les faire tomber. La chute sera atroce, car elle sera à la hauteur des violences qu’ils ont engendrées. Il n’appartient qu’à nous de les défaire, pour construire un monde meilleur, délesté de leur médiocre suffisance, de leurs sourires d’exploiteurs, de leur morne tranquillité et des laideurs qu’ils ont enfantées.

Il n’appartient qu’à nous de les faire choir et tomber. De les décapiter.

Ce livre doit être considéré comme la dernière part d’un parcours commencé par Crépuscule et poursuivi avec Abattre l’ennemi. Il est celui qui, après avoir dit le quoi et le pour quoi, énonce le comment.

Le contrôle

Partout des appareils de pouvoir, conspirant et se nourrissant de notre haine, pour préserver leurs intérêts.

Nulle part l’idée.

Jeunesse et vitalité absentes, exclues de tout, saturées de cris jamais portés, qui disent :

Laissez-nous exister !

Partout, des victimes, laissées à l’abandon en des paysages dévastés.

(…) Nous l’avons dit et redit : chacun doit s’interroger sur le rôle qu’il estime devoir jouer en la société. Émancipé, libéré de toutes les tutelles qui se sont sur lui exprimées depuis sa conception, chacun a pour mission de renouer avec son moi profond et son désir d’équité :

Qui voudrais-je être ? Qui aurais-je voulu être ? Qui aurais-je été ?

Ensuite : qu’est-ce qui doit changer pour que le possible devienne réalité, pour moi et ceux qui vont me succéder ?

Quel rôle, enfin, devrais-je occuper, révolutionnairement, puis institutionnellement, pour féconder ce devenir ?

Ce traité est un traité de responsabilité. Il appelle chaque âme insurgée à se saisir pleinement de ses responsabilités, et à se considérer, non comme le fantassin, mais comme le détenteur entier du devenir de nos sociétés.

Ensuite, seulement, se regrouper, partager ces désirs et ces potentialités, pour concevoir, imaginer les meilleures formes d’organisation qui nous enfanteront.

Organiser des instances qui seront chargées de trancher entre les contradictions, répartir privilèges et bénéfices, charges et obligations.

Constituer un peuple.

S’y offrir. Puis avancer, armés de cette force, pour trancher la gorge de ceux qui chercheraient à s’y opposer.

Faire rendre gorge à ceux qui chercheraient à en profiter.   À qui trahirait.

Voilà comment l’on forge de nouvelles sociétés. Avec l’énergie sincère de ceux qui, coude-à-coude, s’allient pour construire et enfanter, et qui n’ont pas peur de verser le sang de ceux qui les ont précédés.

La France

Le système de production économique et marchand dans lequel nous nous enserrons craint l’épuisement du désir et de la pulsion qui en découlera inévitablement, et cherche par tous les moyens à les faire persévérer. La marchandise ne s’y distingue en rien du corps ou de l’idée. Le consommable n’a pour seule fonction que de stimuler, et en stimulant, d’assurer la reproduction des moyens de domination, en organisant une impression artificielle de rareté, et un besoin de la combler. Quel que soit le niveau de ressources disponible, l’abondance est par système réservée à une minorité, de façon à tenir en désir le reste de la société.

Il apparaît que par ailleurs cette abondance – d’autant plus excessive et scénifiée qu’à défaut de système symbolique de distribution de la valeur, elle est la seule marque de distinction qui demeure accessible – devient de plus en plus difficile à générer1.

En tout système colonial, il faut nourrir le ventre gras du potentat chargé d’ouvrir les portes et défaire les murailles qui protégeaient son peuple de qui cherche à l’asservir et le piller. Nos dirigeants, d’antan nous appartenant, tirent désormais majoritairement dîme de ce qu’ils permettent à des tiers l’exploitation des Français. Ils sont pour cela lourdement rémunérés et récompensés, empêtrés en un système complexe de reconnaissance et de récompense qu’ils ne sont même plus en capacité de penser, et qui les amène simplement à considérer comme inéluctables les mécanismes ainsi déployés.

Ils sont payés, le plus souvent sans s’y intéresser, pour nous vendre et nous exploiter, et doivent, pour y arriver, maintenir l’apparence de la souveraineté.

C’est pour cela qu’ils se montrent si féroces face à qui, rompant le moule, dénoncerait la gangue dans laquelle ils se sont enferrés.

Ils ne veulent pas voir leurs fers. Ils veulent se croire dignes et armés. Ils ne sont que putes, prostitués.

Mais ils doivent cependant se convaincre pour nous convaincre qu’ils ne l’ont jamais été.

Préserver notre pureté consistera, une fois au pouvoir, à laver les yeux de ceux qui se seront ainsi empêtrés, et trancher la gorge de ceux qui, le regard éclairci, continueraient de nier.

Nier qu’ils nous ont trompés. Nier qu’ils nous ont pillés. Nier que, plus grave encore, ils se sont abaissés.

Servir la patrie consiste à refuser de se vendre à qui ne serait notre compatriote ; ériger notre pair en absolu et s’assurer qu’à son tour, il s’offrira ainsi à cette idée qui nous a réunis.

Se rendre à ceux qui nous ont consacrés. Voilà la condition de la dignité, le sens de la souveraineté.

L’élection

Seule une personne avec une visibilité suffisante, déjà inscrite dans le paysage politique, dotée d’une solide assise sociale et intellectuelle, peut se constituer en clef de voûte de réseaux préexistants, pour les tenants, se projeter à l’échelle nationale. Cette personne, au sens juridique du terme, sera nécessairement l’enfant bâtard de compromissions et alliances, fautes et crimes commis par d’autres qui lui auront permis, en fricotant avec le pouvoir, d’en piller part du savoir, et par son accès aux sommets, d’expier les péchés de ceux qui l’y auront projetée. Il faudra, en régime électif, à défaut de moyens propres, combiner une capacité de séduction interne, c’est-à-dire un rapport à l’élite, à une capacité à susciter un enthousiasme renouvelé à l’extérieur de son champ sociologique. Voilà ainsi notre impétrant chargé à chaque étape de générer gloire et admiration tout en contenant et constituant. Le fourbe usera pour cela du verbe, seule arme à disposition en une société déshéroïsée où l’événement est inexistant – verbe que la presse se chargera de relayer ou de détruire minutieusement en s’attaquant à son âme et son corps selon qu’il s’applique à complaire à ses maîtres ou cherche à les défier, refusant de décimer les espoirs soulevés la journée en vendant ses nuits et soirées. Alors la machine à séquencer et affaiblir paroles et pensées, avariant le lien qui s’enfantait avec les populations, s’enclenchera.

Nulle illusion : qui se prête à l’élection sera sacrifié ou évidé, à moins d’un cynisme et d’une malhonnêteté qui lui permettront, cachant ses desseins et son véritable soi, d’avancer masqué. Restera alors à déterminer la légitimité de celui qui aura tout cela traversé, séduisant et convainquant ceux qu’il devra par nécessité trahir et rompre une fois son couronnement acquis, ou, du moins, se désincarnant.

L’élection nous apparaît en conséquence pour ce qu’elle est : fin d’un chemin jamais emprunté.

Le coup d’état

Par cette voie, il s’agit de se préparer, avec un noyau dur d’affidés, à une prise de pouvoir de force qui vise à évincer les personnes qui détiennent les lieux-clefs du pouvoir, et les remplacer.

Cette proposition présente plusieurs difficultés. Elle requiert, pour commencer, d’avoir une idée du pouvoir et de ses lieux, c’est-à-dire de les avoir, sinon pratiqués, du moins fréquentés. Elle exige ensuite de se constituer en groupe prêt à saisir, par la force, la trahison ou l’usure, des dispositifs déjà existants. En ce qu’elle expose plus qu’une quelconque autre solution au procès en illégitimité, et à la trahison de l’Autre et des idées, elle incite à la semblance et exige une reconfiguration majeure de l’espace social et politique afin de l’éviter.

Il ne faut, en choisissant une telle voie, craindre d’être haï. Car si le corps se saisit, l’âme se séduit. Or le coup d’État privilégie la prise au mot, et il faut une estime de soi importante pour s’indifférer aux regards qui en naîtront.

Plusieurs configurations sont possibles. Selon qu’il parte de l’extérieur du pouvoir en place ou de l’intérieur, et selon qu’il ait pour intention d’accélérer la chute d’un régime dépérissant, d’en perpétuer les affres en organisant une répartition différente de ses ressources, ou enfin de stabiliser une révolution en cours, le coup d’État apparaîtra comme plus ou moins légitime, et requerra en conséquence des efforts plus ou moins conséquents, tant à l’égard de l’espace du visible qu’en ce qui concerne l’exercice de capacité de contrainte.

(…..)

   Comment y procéder ? Il faut, par nécessité, s’appuyer sur des structures étatiques déjà existantes, fortement hiérarchisées, et prêtes, sans la moindre forme d’autonomie ou de pensée, à appliquer des ordres qui remettent en cause fondamentalement les structures existantes, ou viennent s’y substituer. Abattre l’ennemi a proposé un guide assez détaillé des formes et des méthodes qui pourraient être imposées au pouvoir afin de s’y imposer.

La révolution

Devenir classe dominante, voilà le devenir que promet la révolution au peuple et au prolétariat qui se refuseraient à l’en-soi révolutionnaire, et ne mobiliseraient la révolution qu’en tant qu’outil. Le fait de permettre à tout un chacun d’un jour s’imaginer en cette position, et en conséquence laver les humiliations subies au cours de sa destinée, nous semble justifier que soient attribuées à la méthodologie révolutionnaire toute notre valeur et notre considération. Elle nous amène même, en quelque sorte, à la désirer ardemment comme la promesse d’une aube impossible mais partagée, impossible parce que diffractée, partagée parce que diffractée, et à considérer comme un mal mineur l’hypothèse qui n’en ferait qu’un sas permettant une reconfiguration des pouvoirs classique, sous la forme d’un coup d’État ou de toute autre forme de redistribution des privilèges entre dominants.

Quant à la deuxième notion, celle d’économie, elle relève de considérations anthropologiques qu’il ne nous appartient pas ici de juger ou de déterminer.

En toute hypothèse, la révolution a ses conditions, et surtout ses modalités.

Voilà

Voilà, selon nous et d’expérience – c’est là la meilleure offrande que nous puissions faire, de la position qui est la nôtre –, ce à quoi il faudra s’attaquer.

En province, les préfectures. Attaquez les préfectures, et vous aveuglerez le pouvoir que vous souhaitez faire tomber. Les attaques aux préfectures doivent prendre une double dimension : l’assiègement, dans le cadre de manifestations, est idéal en circonstances révolutionnaires et consiste, soit à produire un rituel (similaire à celui des gilets jaunes), soit à permettre une pénétration effective du cœur du pouvoir de l’ennemi. En cas de prise, il ne faudra alors se contenter de saccager, comme cela a été fait lors du Puy-en-Velay. Il faut le faire minutieusement, et par étapes : saisir l’ensemble des documents et appareils informatiques, couper les lignes électriques et réseaux, prendre en otage s’il le faut un certain nombre de hauts fonctionnaires préalablement ciblés et enfin embrancher les différentes préfectures prises simultanément afin de tenir des sièges qui, un instant, permettront soit d’effectiver l’hypothèse d’un coup d’État (la révolution comporte toujours une litanie de coups, dans laquelle se niche soit celui qui lui permet d’atteindre sa pleine effectivité, soit celui qui permettra le retour et la victoire des forces réactionnaires), soit une véritable destitution territoriale du régime en place.

Cette offensive peut être préparée avec la coupure en amont des circuits électriques, hydrauliques et les antennes relais (dont les dispositions sont facilement identifiables) qui alimentent ces lieux. Sachez seulement que des circuits secondaires existent dans la quasi-totalité des préfectures, et qu’il s’agira en conséquence à travers ces mécanismes d’accroître la terreur en vos adversaires, ainsi que d’ouvrir la possibilité d’un siège de longue durée qui finisse de les faire tomber.

Epilogue

Mon entreprise vise à réconcilier les luttes, et les camps qui se sont scindés du fait notamment de leurs divergences sur de nombreuses questions instrumentalisées.

Je n’y survivrai pas. Vous et moi le savons. Or ce que j’ai appris, c’est que, contrairement à ce que mon camp avait tendance à penser, l’homme compte.

Cette irrémédiabilité rend d’autant plus urgent le partage de ces mots dotés d’une forte transitivité, dont j’ai voulu souligner le contraste avec ceux de ces penseurs de salon qui finiront de vous désactiver, et, en se contentant de vous donner des outils de distinction, vous vouer à ces mêmes canapés d’où ils auront été énoncés, vous laissant satisfaits, satisfaits d’avoir compris et prêts à mourir sans ne jamais vous être élancés.

Non seulement nous avons des ennemis, et il devient urgent de les traiter, mais cela n’implique au surplus pas que nous ayons des amis. C’est le tragique de la condition humaine, que d’aucuns ont tenté, par des jeux d’équilibre et des symétries discursives, de masquer.

Ne pas l’avoir compris constitue l’erreur principielle commise par d’autres que ceux dont nous parlons, pris la main dans le sac après avoir tenté de disrupter deux lignes de TGV et trois épiceries, sans plus d’effet. À nos amis est, par son titre, un contresens. Nous avons des alliés, de circonstance, toujours prêts à trahir et à se subordonner aux classes qu’ils prétendent attaquer, qu’il faut recouvrir de notre exigence et notre plus grande fidélité, sans cependant jamais s’y confier.

Postface 

Ensemble, nous avons germé, fleuri, dépéri. Peu ont subsisté.

Je vous aime, et déjà vous me manquez. Dans les rythmes de vos présences maintenues et préservées, malgré le silence qui parfois s’incrustait.

Vous m’avez offert un miracle. Celui de vous avoir rencontrés, et à travers vous, une France que, depuis l’enfance, j’avais toujours rêvée.

Vous en êtes la fierté et la beauté. Persistez et luttez. Vous avez les instruments, maintenant, pour les dévaster.

De loin ou de près, dans l’indéterminé.

Pensées.

Juan BRANCO

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.