le moine copiste

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Billet de blog 19 décembre 2021

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La lutte pour le pouvoir : une illusion.

"La révolution est plus urgente que jamais. Les horreurs engendrées par l’organisation capitaliste de la société sont de plus en plus atroces. (...) cela ne veut pas dire que nous devons abandonner l’idée de la révolution. Mais il faut la concevoir en d’autres termes : non comme la conquête du pouvoir, mais comme la dissolution du pouvoir." J. H.

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En ces temps de campagne électorale largement manipulée avec Z et les mêmes sinistres personnages, menteurs et soumis aux impératifs de l'économie capitaliste : produire, faire du profit et exploiter le travail, la lutte pour le pouvoir imprègne tous les médias.

La crise sanitaire rajoute à l'oppression physique de ce pouvoir par l'instrumentalisation de la peur, les menaces constantes sur nos vies. L'arbitraire, l'autoritarisme et la censure avancent comme un cancer dans une opinion manipulée et tétanisée.

Pour ceux qui ne l'auraient pas compris, ce visage grimaçant et difforme est celui du pouvoir de l'Etat.

 Le pouvoir n'existe que parce que l'on le laisse exister sur nous, grâce à la fable de la démocratie représentative dont on n'a bien vu qu'elle n'est qu'une histoire à dormir debout, à moutonniser les foules et à créer l'impuissance face à tout changement.

Qui ne rêve pas de changer ce monde ? Cependant, cette lutte contre le pouvoir ne doit pas consister en la conquête du pouvoir pour faire payer l'ennemi, cycle de vengeance creux destiné à reproduire le même sans changer la donne ! 

Cela, intuitivement avait été très bien compris par les gilets jaunes, qui ont toujours refusé un chef et aussi une représentation politique officielle. Quelle intelligence collective !

John Holloway dans son essai changer le monde sans prendre le pouvoir ( 2002), nous donne des directions.

Je reprends quelques éléments tirés de l'article douze thèses sur l’anti-pouvoir, qui est à lire en entier à l'adresse suivante :

https://lavoiedujaguar.net/Douze-theses-sur-l-anti-pouvoir

Le point de départ est l’acte de négation.

Au début il y a le cri, pas la parole. Face à la mutilation des vies humaines par le capitalisme, un cri de tristesse, un cri d’horreur, un cri de rage, un cri de négation : NON !  (...) la lutte pour changer le monde, pour en faire un lieu digne de l’humanité.

Un monde digne ne peut pas être créé par l’action de l’État.

Durant la plus grande partie du siècle dernier, les efforts pour créer un monde digne de l’humanité ont été centrés sur l’État et l’idée de conquérir le pouvoir étatique. Les principales polémiques (entre réformistes et révolutionnaires) portaient sur les moyens de conquérir le pouvoir étatique, par la voie parlementaire ou par la voie extraparlementaire.

L’histoire du XXe siècle porte à penser que la question des moyens de conquête du pouvoir étatique n’était pas si cruciale. Quelle qu’en soit la forme, la conquête du pouvoir étatique n’a pas permis de réaliser les changements que les protagonistes espéraient. Ni les gouvernements réformistes ni les gouvernements révolutionnaires n’ont réussi à changer le monde de façon radicale.

Il est facile d’accuser les dirigeants de tous ces mouvements de les avoir trahis. Le fait qu’il y ait eu tant de trahisons suggère pourtant que l’échec des gouvernements radicaux, socialistes ou communistes a des racines plus profondes. La raison qui interdit de se servir de l’État pour mener à bien un changement radical dans la société tient à ce que l’État est lui-même une forme de rapport social qui s’inscrit dans la totalité des rapports sociaux capitalistes.

L’existence même de l’État en tant qu’instance séparée de la société signifie que, au-delà du contenu de sa politique, il participe activement au processus qui sépare les gens du contrôle de leur propre vie. Le capitalisme n’est rien d’autre que cela : la séparation des gens de leur propre action.

Une politique dont l’axe est l’État, loin d’aboutir à un changement radical de la société, conduit à la subordination progressive de l’opposition à la logique du capitalisme.

Nous voyons alors pourquoi l’idée que l’on peut se servir de l’État pour changer le monde était une illusion. Nous avons la chance de vivre la fin de cette illusion.

La seule façon de concevoir un changement radical aujourd’hui ne relève pas de la conquête du pouvoir mais de la dissolution du pouvoir.

La révolution est plus urgente que jamais. Les horreurs engendrées par l’organisation capitaliste de la société sont de plus en plus atroces. Si la révolution à travers la conquête du pouvoir étatique s’est révélée une illusion, cela ne veut pas dire que nous devons abandonner l’idée de la révolution. Mais il faut la concevoir en d’autres termes : non comme la conquête du pouvoir, mais comme la dissolution du pouvoir.

(....)

Nous participons à la rupture de notre propre faire, à la construction de notre propre subordination

.

Comme acteurs séparés de notre propre faire, nous reproduisons notre propre subordination. Comme travailleurs, nous produisons le capital qui nous domine. Comme enseignants universitaires, nous jouons un rôle actif dans la perception de la société comme identité, dans la transformation du faire en être. (...)

Le pouvoir-domination semble nous pénétrer si profondément que la seule solution possible passerait par l’intervention d’une force extérieure. Mais ce n’est en rien une solution.

Il est facile de tirer des conclusions très pessimistes sur la société actuelle. Les injustices et la violence et l’exploitation hurlent à nos oreilles, mais il semble pourtant qu’il n’y ait pas d’issue possible. Le pouvoir-domination semble pénétrer chaque aspect de nos existences si profondément qu’il est difficile d’imaginer l’existence de « masses révolutionnaires ».

Dans le passé, la profonde pénétration de la domination capitaliste a conduit beaucoup à voir la solution en termes de direction d’un parti d’avant-garde, mais il s’est avéré que ce n’était en rien une solution et que cela revenait au simple remplacement d’une forme de pouvoir-domination par une autre.

Le plus facile est d’opter pour une désillusion pessimiste. Le cri initial de rage face aux horreurs du capitalisme ne nous quitte pas mais nous apprenons à vivre avec lui. Nous ne devenons pas des zélateurs du capitalisme mais nous reconnaissons que nous ne pouvons rien faire. La désillusion conduit à tomber dans l’identification, à accepter que ce qui est est. À participer donc à la séparation du faire et du produit.

La seule façon de rompre le cercle apparemment vicieux du pouvoir est de voir que la transformation du pouvoir-action en pouvoir-domination est un processus qui implique nécessairement l’existence de son contraire : la fétichisation implique l’anti-fétichisation.

C’est de l’existence réelle et matérielle de ce qui existe sous la forme de sa propre négation que naît l’espérance.

La possibilité de changer radicalement la société dépend de la force matérielle de ce qui existe sous la forme de sa négation.

La révolution est urgente mais incertaine ; elle est une question sans réponse.

Les théories marxistes orthodoxes ont voulu fonder la certitude dans la révolution, en faisant valoir que le développement historique conduit inévitablement à une société communiste. Cette tentative était profondément erronée : aucune certitude ne peut s’inscrire dans la création d’une société qui s’autodétermine. La certitude ne peut se trouver que dans le camp de la domination. La certitude se trouve dans l’homogénéisation du temps, dans la congélation du faire en être. L’autodétermination est par essence incertaine. La mort des vieilles certitudes est une libération.

De même, la révolution ne peut pas se comprendre comme une réponse, mais seulement comme une question, comme une recherche de l’accomplissement de la dignité. Preguntando caminamos : de question en question nous nous frayons un chemin.

                                            §§§§§§§§§§§§

Conclusion : surtout ne pas chercher d'homme ou de femme providentiels, mais se réapproprier chacun et tous ensemble nos vies par tous les moyens, fût-ce des combats "minuscules".

Le pouvoir ne se laissera pas chasser sans combattre. L'issue ne peut se faire en douceur. Le pouvoir est un ennemi mais il faut commencer à le considérer en chasseur .... nous ne sommes pas si désarmés qu'on veut nous le faire croire.

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