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Originaire de Bristol, Beth Gibbons écumait les clubs de la ville en reprenant du Janis Joplin avant de marquer un pan du paysage musical et populariser le trip-hop avec Portishead. « I just wanna be a woman » chanté en 1994 dans « Glory Box » résonne encore comme un bout d’une bande-son de la fin des années 90.
Portishead nous quitte en 2008 dans un coup de Trafalgar magnifique avec l’album « Third » comme dernier héritage. Orphelin mais heureux dans l’attente d’un retour ; même bâclé. Il y a eu quelques signes de vie la veille du vote sur le Brexit avec cette reprise polaire de Abba avec Portishead, un prétexte pour citer Jo Cox la députée assassinée en 2016 par un sympathisant d’extrême droite. Beth Gibbons dénote dans cette industrie musicale algorithmisée accro à la nostalgie.
Elle peut à la fois aligner dans sa frêle discographie un featuring avec le rappeur américain Kendrick Lamar ou une collaboration avec le chef d’orchestre Krzysztof Penderecki et participer discrètement à une reprise de Joy Division avec un groupe de jeunes femmes ayant fui le retour de des talibans en 2021.
Avec « Lives outgrown », on s’attendait à être conquis mais on est quand même surpris. Complexe, doux, sophistiqué, flamboyant, de quoi faire saturer la liste d’adjectifs jusqu’à l’écœurement tant l’album est fourni en superbes morceaux comme « Tell Me Who You Are Today », « Lost Changes » ou l’épique « Rewind ».
La voix de Beth Gibbons parait si familière, comme si elle ne nous avait jamais quitté·es, nous amenant plus facilement dans ce conte acoustique perdu non loin de Dead Can Dance ou de Nick Drake.
Les dix ans de travail sur cet album se sentent à chaque instant et sonnent juste tant dans son intention ou sa qualité sonore.
« I just wanna be a woman », chantait Beth Gibbons en 1994.
Elle avait raison.
« Lives outgrown », Beth Gibbons (Domino), 2024
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