King Krule [ Space heavy ]

Ma première rencontre avec la voix de ce King se fit par l'entremise du duo anglais de musique électronique Mount Kimbie avec le  morceau Blues Train Lines de l'album Love what survives où King Krule assure la partie vocale dans une collab assez efficace. La claque fut grande en entendant cette voix qui hurle, rappe ,chante avec une telle ferveur punk, comme l'impression de découvrir un cousin caché de Tom Waits en «Kway» avec un fort accent londonien.

Après mes propres recherches comme dirait les conspis, je suis vite tombé sur une vidéo d'un live au David Letterman Show du morceau Easy Easy  issu du génial 6 Feet Beneath the Moon (2013), premier vrai album après un premier EP et un début de carrière sous différents noms, notamment celui de Zoo Kid. Je fut surpris de voir une silhouette d'enfant roux et chétif dans une vielle veste marron, télécaster blanche à la main avec une énorme voix  qui aurait vu passer deux paquets de "Gauloises" par  jour, bref pas à ce quoi je m'attendais, la fascination pouvait commencer et la séance de rattrapage d'une riche discographie aussi. 

Et pour celles et ceux qui baragouine une poignée de mots en english et savent jouer qu'une seule corde à la guitare voici un petit cadeau avec cette géniale intro du morceau Easy Easy qui résume en quelques lignes et notes  la simplicité et la beauté de ce que peut donner King Krule :

Well same old Bobby, same old beat

Well yeah they got nothing on me

The same old clutch, same old streets

But yeah they got nothing on me

A seulement 28 ans King Krule a déjà imprimé son propre style et singularité à travers ces précédents album avec des fulgurances comme Dum Sufer de l'album The Ooz (2017) ou encore le morceau bien lourd Stoned Again ou Alone, Omen 3 issu de Man Alive ! (2020). C'est riche, varié bien perché avec de multiples et larges influences. 

Ce quatrième album Space Heavy composé entre 2020 et 2022 est sorti sur le label XL Recording, une maison de disques qui a parfaitement su s’extraire du milieu des raves des 90's, dans lequel elle est apparue, pour produire des poids lourds de la pop pointus (The xx, Vampire Weekend, Radiohead, Arca) tout en gardant une certaine exigence éthique. 

Le morceau Seaforth donne le ton en faux tube de l'été clippé dans un paysage typique du bord de mer déprimant de la côte anglaise, probablement Liverpool.

Liverpool est l'autre ville importante tout comme Londres pour King Krule car Space Heavy a pris forme au fil des déplacements entre les deux villes où Archy Marshall partageait son temps. Un album littéralement écrit sur le trajet entre les deux endroits qu'il appelait chez lui, fasciné par la notion de « l'espace entre », ce « Space Heavy » selon la petite histoire qui accompagne la promo du disque. La patte King Krule est bien là sur  Seaforth  avec ces guitares bouffis de réverbe et un tempo badin, tout en simplicité comme pour mieux nous égarer plus tard.

L'album Space Heavy déboussole, dérange un peu tant il est compliqué de distinguer une direction ou une volonté d'efficacité clairement fuit mais la recette fonctionne et on se laisse embarquer voir endormir d'un spleen chaleureux ( Flimsier,  If Only It Was Warmth ) pour mieux se faire secouer par une ligne de basse baveuse et "chorusé" dans le jazzy-punk  Pink Shell ou le nirvanesque  Space Heavy. A noter par rapport au précédent disque la présence plus forte encore du saxophone sur plusieurs morceaux notamment le free-jazzien Hamburgerphobia ou le superbe morceau instrumentale When Vanishing et aussi heureuse surprise avec la collaboration avec la chanteuse compositrice Raveena sur Seagirl. Space Heavy est d'ors et déjà l'un de ces disques les plus articulés, utilisant chaque détails pour créer une atmosphère profonde, révélant de nouvelles facette à chaque écoute. 

Et pour les parisiens ou plus motivés d'entre-vous, il sera en concert cet automne en France dont deux dates au Trianon déjà complètes et une date supplémentaire à l'Elysée Montmartre. 

L'album en écoute