Au tout début décembre 2010, on pouvait découvrir sur le site diplomatie.gouv.fr une sorte de webdocumentaire que le Quai d’Orsay venait de mettre en ligne : DESTINATIONS, CHRONIQUES D’UNE DIPLOMATIE DE TERRAIN.
Intrigué, je m’aventurais dans ce site multimédia flambant neuf…
Dans la version d’alors, (qui fut modifiée peu après) à la rubrique « ALGERIE : TERRE D’HISTOIRE », on pouvait y lire quelques mots d’introduction qui me laissèrent perplexe. Cela débutait ainsi :
La France est présente en Algérie depuis 132 ans […] .
Comment était-il possible d’écrire cela en 2010, près de 50 ans après la signature des accords d’Évian ? Était-ce une bourde d’un stagiaire qui avait par mégarde collé un texte brouillon sur le site mis en ligne ?
D’un seul coup, l’indépendance de l’Algérie occultée, le site vantant les mérites de l’action du Ministère des Affaires étrangères et européennes « fleurait bon la nostalgie de l'Algérie française »…
À y regarder de près, ce qui au premier abord pouvait sembler être une erreur, n’en était pas une, tout du moins n’était-elle pas la seule.
Dans un article daté du 19-12-2010, intitulé Le drapeau algérien et la diplomatie française publié sur le site du journal Le Temps d'Algérie, un journaliste après avoir loué la qualité indéniable de la réalisation de cet objet de communication, s’insurgeait contre la présence d’un drapeau Algérien déchiré sur la page d’accueil (il a aujourd’hui disparu, voir la capture d’écran datant du 20-12-2010). Il affirmait :
Certes, la négligence envers cet emblème et l'outrage qui lui est fait relève de la seule responsabilité de l'institution algérienne concernée, […] ceci pour dire que le mal est d'abord en nous-mêmes. Cela étant entendu, il n'en reste pas moins que le choix précis de ce drapeau, à l'exclusion de milliers d'autres […] est donc loin d'être innocent, et ne répond ni aux usages diplomatiques ni à la morale. Il va au-delà de l'irrévérence et constitue une atteinte aux sentiments des Algériens.
Plus loin :
Il est presque clair que ce documentaire dégouline d'arrière-pensées.

Dans un des reportages titré « LES ANCIENS COMBATTANTS » il faut regarder cette scène où le fonctionnaire Français (Philippe Pagès, Directeur des Anciens Combattants d’Algérie) octroie une pension à un vieil Algérien qui vient faire valoir ses droits.
À la question « Pourquoi peut-on parler d'anciens combattants Français d'Algérie », le directeur nous dit, sans rire (vidéo 1) :
L’explication, ben elle vient tout simplement de cette histoire commune entre ces deux pays. Cette histoire militaire a été longue riche, variée et glorieuse. (sic) […]
Bien sûr, on nous parle ici des soldats de la première guerre mondiale, des combattants de la libération lors de la seconde guerre mondiale, de ceux qui servirent en Indochine mais également de ceux (enrôlés de force) qui combatirent du côté des français pendant la guerre d'Algérie... Il faut voir ensuite le fonctionnaire glisser un conseil à son subalterne qui s’entretient en arabe avec ce vieux Monsieur, (Abdallah BelKacem, vidéo 2) :
[…] Ça fait deux ans qu’il a fait la demande ? […] Datez à la date qu’il indique même si il n’a pas les documents .[…]
Cette scène a priori anodine, montrant la largesse de nos services du ministère en terre algérienne (réouverts, nous dit-on, depuis le 15 octobre 2008) révèle aussi les arrière-pensées de ce fonctionnaire bienfaiteur: on est le témoin d’un acte de charité envers l’ancien colonisé !
Anodin donc, ce drapeau algérien déchiré en première image, anodin le ton des reportages ?
Quelle était l’intention des commanditaires de ce webdocumentaire ? Si leur volonté était de se braquer avec les Algériens, on n'aurait pas procédé autrement.
Il faut croire -et les dérapages successifs de Michèle Alliot-Marie vont dans le même sens- que les services de MAM ont surtout une bien curieuse notion de la diplomatie, et que ce travail donne de la France une image franchement néocolonialiste.
Lire Aussi
- Passe-passe mémoriel quai Branly
- Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Christian Salmon, La Découverte 2007.