Le contrôle du corps des femmes a toujours été un instrument politique dans les sociétés dominées par les hommes. Contrairement à ce que l’on croit, l’histoire n’est pas une courbe linéaire avançant vers le progrès, mais s’articule entre des périodes de droits et de libertés accordées aux femmes et personnes LGBT+ suivies de suppressions brutales de ces mêmes droits. Souvent ces « permissions » étaient accordées en fonction de l’état de la natalité et de l’éventuel besoin d’engendrer de futurs travailleurs dans une société. Et oui, une société productiviste et/ou guerrière a besoin de bras pour mener des batailles ou faire tourner les usines au profit de la classe dominante.
Ainsi, nos vies intimes ont été dictées par le pouvoir en place. Par exemple, le droit au mariage pour tous était théoriquement en vigueur jusqu’au quatrième siècle dans l’Empire romain avant d’être interdit. L’homosexualité masculine était encouragée chez les Celtes pour limiter les naissances et l’avortement fut toléré et pratiqué à plusieurs époques dans le passé. À contrario, sous Napoléon, les femmes perdent des droits et sont décrites par lui en ces termes : « La femme appartient à son mari comme la pomme au propriétaire du pommier » ; « Le désordre se fût entièrement mis dans la société si les femmes étaient sorties de l’état de dépendance où elles doivent rester ». Pour finir, pour lui, la première des femmes était « Celle qui fait le plus d’enfants ».
Ainsi les libertés des femmes sont toujours tributaires du régime politique en place et leurs droits jamais acquis dans les sociétés patriarcales et capitalistes lesquels reposent sur l’exploitation de certains groupes sociaux aux profits de d’autres. De leur côté, les partisans fascistes et nationalistes, ont toujours voulu soumettre et contrôler les individus, les corps (en premier ceux des femmes) en supprimant toute liberté d’agir et de penser. Pour y parvenir, ils utilisent LA PEUR. Entre autres celle d’être déclassé (donc de perdre des privilèges) et celle de voir « sa civilisation » décliner. Il s’agit de faire croire à un peuple qu'en les suivant, ils les aideront à garder ce qu’ils possèdent. En réalité, on sait que le fascisme plonge ses populations dans une pauvreté toujours plus grande. De plus, cela laisse les individus impuissants et affaiblis, puisque demander des comptes aux dirigeants par la contestation sociale n’est plus possible sous un état autoritaire. Bref, pour diriger ces peurs tout en trouvant un coupable autre que les classes dirigeantes et dominantes, les régimes fascistes vont pointer du doigt une communauté d’individus minoritaires et l’ériger en bouc émissaire. Ces individus seront rendus responsables de tous leurs malheurs d’une société (en France en ce moment c'est les musulman-es, aux USA les populations hispaniques et noires).
Afin d’entretenir ces craintes et justifier son avancée, l’extrême droite contemporaine s’est parée de théories du complot, dont une française bien connue, celle de « la théorie du grand remplacement ». En seulement dix ans, cette hypothèse fasciste a traversé l’océan Atlantique pour se répandre aux États-Unis et nourrir les discours des partisans de Trump. Son créateur, Renaud Camus, a inspiré le terroriste des attentats de Christchurch commis en 2019 en Nouvelle-Zélande, contre deux mosquées faisant 51 morts et 49 blessés. Cette théorie du grand remplacement, déjà meurtrière, s’appuie sur l’idée que les immigrés non blancs viendraient s’installer dans des pays blancs pour les remplacer. Ces populations y parviendraient facilement, car les femmes blanches feraient moins d’enfants que les autres. Les immigrés étant (toujours selon eux) de plus en plus nombreux et ayant un taux de natalité supérieur, ils remplaceraient progressivement les blancs.
Un tel raisonnement ne résiste pourtant pas à la réalité des flux migratoires. En 2018, la France comptait à peine 10 % d’immigrés, loin derrière l’Allemagne ou l’Espagne, selon Eurostat. Moins de la moitié (46 %) provenaient d’Afrique et la plupart du temps, ils étaient issus d’ex-pays colonisés par la France au cours des deux derniers siècles. Les autres arrivent d’Europe, d’Asie, d’Amérique et d’Océanie. Mais peu importe les faits et même le fond, l’extrême droite n’en a que faire, car elle a toujours joué sur la panique morale et la misère sociale, pour imposer des régimes fascistes.
Dans leur théorie du complot, pour empêcher ladite civilisation « d’être remplacée », il faut pousser par tous les moyens les femmes blanches à avoir des enfants, en leur interdisant l’accès aux moyens de contraceptions et à l’avortement. C’est ce qu’essaye d’imposer actuellement la Cour suprême des États-Unis en tentant de revenir sur ce droit, cette proposition étant portée par l’aile droite des républicains soutenant Trump. En parallèle, il s’agit d’empêcher les femmes non blanches d’avoir des enfants en leur restreignant le droit d’enfanter. Ces politiques racistes et sexistes ont d’ailleurs déjà été menées ces dernières années dans des états démocratiques et « républicains » comme la France (cf. les stérilisations forcées des femmes noires en Guadeloupe et à la Réunion, les implants contraceptifs posés de forces sur les femmes gitanes dans le sud de la France…).
Pour en revenir aux aspirations de l’extrême droite, ces mouvements s’attaquent aussi aux LGBT+, estimant que ces individus dévient du modèle de la famille qu’on dit « nucléaire » (à savoir un papa, une maman et des enfants). Dans leurs visions, les personnes queers menacent également leur « civilisation », en entretenant des modes de vie qui ne sont pas centrés sur la reproduction (en revanche, ils sont contre la PMA pour les lesbiennes, va chercher la logique). Plus la peur est brandie, agitée et élevée, plus ils sont prêts à tuer pour parvenir à réaliser leurs fantasmes. Tuer pour leurs théories du complot, c’est par exemple d’interdire l’avortement, car si le prohiber n’influe par sur le nombre d’avortements (les femmes avortent toujours autant que celui-ci soit légal ou non) celles qui n’y ont pas accès en meurent. C’est encore le cas de 47 000 femmes chaque année dans le monde.
Tuer, c’est aussi laisser des familles mourir à nos frontières (ce que souhaite et affirme l’ex-candidat à la présidentielle Éric Zemmour), ou ouvrir le champ à des milices persécutant voir tuant des personnes non blanches. Ce fut le cas de Brahim Bouarram, tué à Paris par un militant d’extrême droite, entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1995.
Ne nous y trompons pas, l’extrême droite d’hier comme d’aujourd’hui désire gouverner en persécutant un groupe minoritaire sur des critères raciaux pour diviser les individus entre eux. Quant aux femmes, elles sont réduites à l’état de ventres ambulants capables d’engendrer un maximum d’enfants pour la nation si elles sont blanches et doublement persécutées lorsqu’elles sont racisées. Cette morale inhumaine explique d’ailleurs l’engouement de l’extrême droite face à l’arrivée des femmes réfugiées ukrainiennes (lesquelles seraient dans leur imagination toutes blanches et ayant des mœurs plus traditionnelles faisant d’elles de futures mères providentielles à leurs yeux).
Cette logique, c’est exactement ce qu’il s’est passé sous le régime nazi d’Hitler qui n’est d’ailleurs plus en exercice depuis seulement 77 ans, c’était hier, ne l’oublions pas.Dès ces débuts, Hitler a tout de suite exprimé sont souhait de stériliser de force les femmes juives et a commencé à persécuter les individus LGBT+. Ces deux groupes sociaux finiront d’ailleurs par être déportés puis éliminés, toujours pour « sauver la grandeur de la nation allemande ». Dans le même temps, les femmes blanches étaient poussées à avoir un maximum d’enfants par ce que l’on appelle « la politique de la pondeuse ». Là où le fascisme monte, les droits des personnes non blanches, des femmes et des personnes LGBT+ sont en première ligne et les droits et libertés individuelles cessent.
Voilà pourquoi Simone de Beauvoir disait : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Rien n’est acquis, mais nous ne lâcherons rien. Jamais.
À lire :
— Avortée de Pauline Harmange
– Un féminisme décolonial de Françoise Vergès
– La Servante écarlate de Margaret Atwood
À faire :
Il vous reste un seul jour pour vous inscrire aux listes électorales pour les législatives si vous ne l’êtes pas encore.
Votez aux législatives en juin, s’il vous plaît.
À revendiquer à court terme :
Inscrire le droit à l’avortement dans la constitution, s’assurer qu’il soit disponible partout même dans les territoires difficiles d’accès.
PS : Pour faciliter la lecture, j'ai parlée de femmes et d’hommes en les désignant comme deux catégories politiques binaires et distinctes. C’est un raccourci qui permet de simplifier la situation, mais n’oubliez pas qu’il existe des femmes qui n’ont pas pas d’utérus ou d’appareil reproductif dît « féminin », d’autres qui sont ménopausées, des personnes non binaires et transmasculines qui ont un appareil reproductif dit « féminin », mais ne sont pas perçus et identifiés comme femmes. Tous ces individus sont aussi touchés et persécutés par l’extrême droite.