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Journaliste société à Manifesto XXI, spécialiste des questions de genre (Paris 8) essayiste, et fondatrice de Mécréantes.

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Billet de blog 13 février 2025

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Ni les étrangers, ni les jeux vidéo n'ont tué Louise

Ce qui a mis le couteau entre les mains d'Owen, c'est ce schéma familial traditionnel où les violences se taisent, s'étouffent, se banalisent. La responsabilité ne vient pas d'un écran ou d'un fantasme identitaire: elle se trouve une fois de plus, derrière les portes closes de nos foyers.

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Le meurtrier présumé de Louise est passé aux aveux. Depuis que son profil a été révélé, l'extrême droite ne peut plus crier au vigilantisme ni attribuer ce crime aux étrangers. Le récit médiatique s'est donc déplacé : désormais, on explique que cet homme serait devenu violent à cause d'une prétendue addiction aux jeux vidéo, qui l'aurait poussé à tuer Louise. Ce schéma est bien connu : une panique morale se cristallise autour d’une pratique populaire, souvent associée à la jeunesse des classes populaires. Ici pourtant, le suspect présumé, issu d’un milieu aisé, est présenté comme déviant pour s’y être adonné — comme s’il cherchait, selon Le Figaro, à se donner « des airs de racaille ». Hier, c'étaient les mangas, les bandes dessinées, la télévision, le rap ou le jazz. Aujourd'hui, ce sont les jeux vidéo. Or, la majorité des études en psychologie et sociologie le démontrent : il n'existe pas de lien direct entre jeux vidéo et violence. Ce n'est pas parce qu'on joue à GTA qu'on devient délinquant, et les pays où ces jeux sont massivement consommés n'ont pas nécessairement des taux de violence élevés.

Mais pourquoi alors persister dans ce récit?

Parce qu'il permet d'éviter de poser la question des causes structurelles de la violence. Dans ce cas précis, le meurtrier était déjà connu pour ses comportements violents envers sa sœur, qui avait exprimé sa peur de mourir sous ses coups, sans jamais être protégée de lui. Cette violence n'a pas surgi d'un écran, mais d'un cadre familial qui, dans notre société, reste largement perçu comme une sphère privée, érigée en zone de non-droit, protégée du regard politique et juridique.

En France, il existe une tolérance sociale autour des violences intrafamiliales, notamment entre frères et sœurs, bien qu'elles soient les plus fréquentes. Ces violences trouvent souvent leur origine dans des dynamiques familiales dysfonctionnelles, et de récentes études montrent que les individus violents commencent fréquemment par exercer leur agressivité sur leurs frères et sœurs, avant de passer à d'autres cibles.

Ni les étrangers, ni les jeux vidéo n'ont appris à Owen à tuer. Sa violence s'est enracinée dans le modèle de la famille nucléaire : un papa, une maman, des enfants, par des coups qui restent impunis. Ce qui a mis le couteau entre ses mains, c'est ce schéma familial traditionnel où les violences se taisent, s'étouffent, se banalisent. La responsabilité ne vient pas d'un écran ou d'un fantasme identitaire: elle se trouve une fois de plus, derrière les portes closes de nos foyers.

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