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Léane Alestra

Journaliste, fondatrice de Problematik (ex-Mécréantes), spécialiste des questions de genre (Paris 8) essayiste.

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Billet de blog 26 septembre 2025

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Même procès, deux femmes, une seule nommée : portrait d’une empathie fémonationaliste

Mercredi s’est ouvert le procès d’un homme accusé de viol par Claire Géronimi et Mathilde. Marlène Schiappa a choisi d’adresser une lettre publique à la première, effaçant la seconde. Cette lettre ouverte lui répond.

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Madame Schiappa,

Mercredi s’est ouvert le procès d’un homme accusé de viol par deux femmes : Claire et Mathilde. Même accusé. Deux plaintes. Deux vies en jeu. Et vous, vous n’écrivez une lettre qu’à l’une. Mathilde n’existe pas sous votre plume.

Pourquoi ce tri ? Parce que Claire est d’extrême droite. Parce qu’elle est proche d’Eric Ciotti. Elle est immédiatement utile à un récit où les femmes servent de caution et leurs blessures de frontières. Mathilde, elle, n’a pas ce pedigree. Elle n’est pas d’extrême droite, elle n’a pas signé le contrat de vigilance.

Alors on la raye, du même banc de « justice » où siège celle à qui vous vous adressez.

Ironie du sort, c’est aux féministes que l’ont demande si elles soutiennent Claire. Comme si être féministe, c’était réciter des banalités — « oui, je suis contre le viol, et je souhaite qu’aucune femme ne le subisse ». Évidemment. Mais cela ne dit rien. Parce que Claire n’est pas seulement une victime, elle est aussi une femme politique. Et faire comme si ce n’était pas le cas relève du sexisme.

Et quelle est la proposition politique de Claire ? Installer une infâme charité raciale. Une justice de frontière où seules les femmes violées par des hommes sans papiers auraient droit à réparation et compensation.

Vous, Madame Schiappa, qui ne cessez de clamer votre universalisme pour vomir votre racisme, vous acclamez ce tri. Évidemment, car vous adorez endosser le rôle de vigilante : celle qui trie les bonnes des mauvaises victimes, qui distribue les brevets de respectabilité.

Et que dit ce cruel programme en creux ? Que les femmes violées par « les hommes bien de chez nous » doivent payer le prix du sang. Parce que dans ce logiciel-là, les femmes appartiennent à « leurs » hommes. Elles leur doivent fidélité, loyauté, services sexuels. Et si elles sont agressées par ceux-là, ce n’est pas un crime, mais bien l’ordre des choses.

Alors je vous demande, Madame Schiappa : est-ce que vous défendez Claire parce que vous défendez les femmes, ou parce que vous défendez les politiciennes proches de vos idées ? Dans votre lettre, vous lui écrivez « tu pourrais être ma petite cousine ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Que seules les femmes de votre caste méritent d’être défendues ? Que seules celles qui partagent votre statut social, votre place dans le champ politique, et jusqu’à votre vision d’une « justice raciale », ont droit à votre plume ?

Une nouvelle fois, votre silence sur Mathilde vous situe. Vous ne protégez pas les femmes. Vous les soumettez. Vous transformez la peur en monnaie d’échange : en échange de leur terreur, vous exigez des droits en moins, des soins en moins, un toit en moins, une justice en moins. Pour vous, la souffrance n’existe que si elle nourrit votre récit identitaire et sécuritaire. Vous adorez la figure de l’État-sauveur — cet État qui prétend « protéger » mais qui, dans le même geste, organise les oppressions.

Dans votre lettre à Claire, vous osez faire la leçon aux féministes. Vous écrivez que vous avez eu « honte du peu de soutien » de ces dernières. Ainsi, vous vous arrogez le droit de parler de honte et d’inverser le récit ? Vous, qui triez les victimes ? Vous, qui semblez croire qu’au gré des vents fascistes soufflant aux quatre coins du globe, tout vous serait permis.

Détrompez-vous. Nous sommes là. Et nous n’oublierons pas toutes les fois où vous avez claqué la porte aux femmes que vous jugiez indignes. Vous paierez pour toutes les Mathilde que vous avez piétinées.

Là où vos alliances se négocient dans l'immonde, nos luttes ne se marchandent pas. Nous ne quémandons pas une licence pour exercer la violence sur d’autres corps — notamment les corps non-blancs. Nous voulons un monde sans victimes : où le soin, la réparation et la reconnaissance sont pour toustes, sans garde-barrière ni critère de respectabilité. 

Vous ne nous arracherez pas la colère. En revanche nous arracherons ce monde-là. Parce que ce monde c’est nous, et que nous faisons partie du monde.

L. Alestra

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