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Billet de blog 3 mars 2023

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Les footballeuses révèlent-elles la reproduction de la brutalité ?

Le refus de quelques footballeuses à la renommée mondiale de participer à l'équipe nationale peut-elle nous apporter un éclairage sur la brutalité du management au sein du football. Harcèlements, autoritarisme, pression des objectifs à atteindre, reproduction de la brutalité, domination masculine... Comment ces footballeuses nous apportent un éclairage ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La "grève" de la footballeuse Wendie Renard et de quelques unes de ses collègues fera date. Surtout, il est très instructif d'observer qui réagit, que ce soit sur les plateaux du journal l’Équipe, sur Canal +, ou ailleurs. Les complices de Le Gret, ces derniers jours, ont été gravement éloquents. Tout ça révèle, je pense, une grande brutalité. Les accusations de méthode autoritaire en disent long et il serait intéressant d'avoir plus de détails sur ces pratiques. Les témoignages rapportés sur des "joueuse en pleures" remontent, il serait intéressant de connaître toutes les raisons, car, même pour des raisons sociologiques, pour comprendre, il y a là trop d'indices qui nous font penser que le problème est profondément systémique, voire, structurale.

Je pense qu'il y a une analyse à faire à différents niveaux :

- une sur la reproduction de la brutalité et de la domination masculine au sein d'un système de formation footballistique, (Corinne Diacre est peut-être, je dis bien peut-être, autant coupable que victime de ce système, elle peut-être un agent très représentatif de ce qu'il se passe dans cette sphère, il serait intéressant de connaître sa trajectoire et ses pratiques plus en profondeur). Les témoignages des joueuses vont être sans doute éloquents. (Pourquoi Le Gret tenait tellement à Corinne Diacre ? mais là on est presque dans un roman policier...),

- les accusations qui remontent d'harcèlements sexuels sont un indice supplémentaire sur la domination masculine qui règne, un monde du foot fait par les hommes pour les hommes pourrait-on penser... Comment ce système se reproduit-il ? Comment un ancien joueur devient-il lui-même un agent autoritaire de reproduction de la brutalité ?

- le sponsoring, le financement du football féminin, le "monde du business" footballistique agit forcément sur les pratiques footballistiques, il y a déjà des ouvrages sur le sujet, mais il est impossible d'en faire abstraction dans toute analyse sur le football sans risquer d'occulter des paramètres importants.

- était-il vraiment enviable de "jouer comme les hommes" alors même que beaucoup d'hommes se plaignent, dans les clubs les plus modestes des grands championnats, discrètement, de méthodes autoritaires et du manque de plaisir à jouer. Se plaignent-ils vraiment ou prennent-ils part à ces pratiques parfois brutales eux-mêmes sans sourciller ? Combien abandonnent le football parce qu'ils en ont marre d'un jeu où ils ne prennent plus de "plaisir à jouer" ? Ne faudrait-il pas approcher ceux qui ont "aimé le foot" et l'ont abandonné pour avoir leurs témoignages, que leurs abandons datent de l'enfance, de l'adolescence ou de la période "jeune adulte" ?

- les blessures physiques sont-elles "normales" ? Cette saison, lorsqu'il y a eu un changement de coach au Stade Brestois, il y a eu une période de transition sans coach. Étrangement l'équipe a mieux joué pendant quelques semaines. L'équipe du Staff formait alors un collectif avec les joueurs où "tout le monde se parlait" pour trouver des consensus sur les méthodes et surtout, disait un ancien joueur de Brest qui assurait l'intérim avec l'entraineur des gardiens,  il fallait "retrouver le plaisir à jouer". Le "plaisir à jouer", pendant cette période, revenait régulièrement dans le langage, "oublier les pressions des objectifs, et retrouver du plaisir à jouer", en bref, échapper quelques semaines aux harcèlements du management, aux impératifs économiques et commerciaux, pour retrouver le plaisir d'un jeu que l'on aime. Ces périodes de "crise" lorsqu'un club "lutte pour ne pas descendre", sont des périodes que souvent les joueurs "ne veulent plus vivre". Ce sont de "très mauvais souvenirs". Pourtant, beaucoup de coachs qui l'ont vécu reproduisent la même brutalité qu'ils ont vécu eux-mêmes.

La reproduction de la brutalité se retrouve aussi dans la trajectoire des "coachs". Les coachs reproduisent ce qu'ils ont eux-mêmes vécu. "Moi quand j'étais joueur, c'était pareil, et on ne se plaignait pas." "Il faut savoir souffrir." "Savent-ils qu'ils (les joueurs) jouent l'avenir du club ?"

Après cette période sans coach, une question venait à l'esprit : le coach est-il vraiment indispensable ou n'est-il pas une anomalie du football moderne  qui brise la solidarité avec des pratiques trop autoritaires, (voire totalitaires ?) ? Un football sans "coach" est-il possible ? Une sorte d'autogestion de l'entrainement est-il envisageable dans un foot-business alors que les directions des clubs cherchent avant tout "la croissance de leurs entreprises" et à attirer les "meilleurs sponsors" ? "Nous savons qu'un club est une entreprise", disait un joueur.

Le "coach" n'est-il pas que le bras "armé" de la direction commerciale d'un club au sein de l'équipe, un arbre de transmission ? Le "coach" apprécié par les joueurs n'est-il pas celui qui trouve le consensus et donc produit du "plaisir à jouer" ? Il est alors plus un coordinateur d'une équipe qu'un relai du haut vers le bas, ou qu'un "chef d'orchestre" autoritaire ?

Wendie Renard est actuellement accusée de briser ce "pacte" de soumission à la dictature du coach et du management par les dirigeants du football. "Si on laisse faire ça, il y en aura d'autres." disent les tenants de la reproduction de la brutalité et de l'autoritarisme, les gardiens du business.

Le football a été pendant quelques décennies, avant de se professionnaliser, un sport "amical" et d'échanges internationaux populaires et éducatifs. Il est devenu un business avec des formes masculines et dictatoriales de management. Combien de femmes abusées et d'hommes violentés dans ce système ?

Toutes ces questions proviennent d'un novice totalement extérieurs au monde du football. Mais ce sont les questions que l'on peut se poser lorsque l'on observe de grandes joueuses s'exprimer et se rebeller contre un système masculin, autoritaire et un management totalitaire. Ce sont aussi des questions que l'on peut se poser en recueillant et comptant des occurrences (des paroles qui reviennent régulièrement, des indices), que l'on peut considérer comme des constantes ou des variables observables de l'extérieur.

Il y a des choses plus importantes actuellement à aborder (le réchauffement climatique, le fascisme, la guerre en Ukraine, etc.), mais la place iconique que prend le football dans notre société, peut servir à faire émerger le besoin d'un autre monde. Les footballeuses offrent une belle opportunité de faire un travail de réfléchissement (porter un éclairage sur le football pour réfléchir dans un miroir toute notre société).

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