Avez-vous déjà passé un entretien masqué ? On ne voit que les yeux du "jury", on essaie de deviner leurs réactions juste à travers leurs regards, on respire mal, on ne peut pas boire le café que l'on nous a généreusement offert, on se demande si tout ça est bien normal, s'il n'y a pas une loi quelque part qui pourrait annuler cet entretien et le reporter à une date ultérieure pour des raisons d'entrave à un déroulement normal d'un entretien entre employeur et candidat. On se demande même pourquoi cet entretien peut avoir lieu alors même que le confinement devrait l'interdire pour des raisons de sécurité et pour des raisons tout simplement de bon sens. Comment peut-on être dans de bonnes conditions pour répondre à des employeurs potentiels alors même que l'on ne se voit pas, que lors de cet entretien on prend le risque même si l'on est masqué de transmettre le virus... Ces conditions exceptionnelles d'entretien d'embauche sont-elles normales ?
Une recherche du CNRS sur les entretiens d'embauche "en temps normal" indique que la plupart des entretiens (80%) sont basés sur des méthodes illégitimes. Que signifie illégitime ? Cela signifie que les méthodes utilisées n'ont aucune légitimité scientifique, la plupart du temps, malheureusement, les entretiens d'embauche ne se font pas sur l'évaluation des capacités d'une personne à remplir la ou les tâche(s) demandée(s) mais beaucoup plus sur un jugement de la personnalité du candidat, sur des "préjugés". Ces entretiens sont rarement basés sur une grille d'entretien qui aurait été systématiquement construite après avoir fait une étude précise sur la nature du travail à effectuer, mais au contraire, très souvent, ils se font sur des préjugés sur ce que l'on attend d'une personne sur un poste et sur la personne qui se présente. La confusion dans ces entretiens est totale et très souvent se reflète dans les annonces. Beaucoup de salariés et de chômeurs le diront, "lorsque j'ai passé mon entretien, il m'a bien fallu deviner ce que l'employeur attendait vraiment de moi, j'aurais pu cibler à côté." L'étude du CNRS montre aussi qu'un grand nombre d'erreurs de "casting" sont causés par cette confusion. Qui n'a pas entendu un employeur dire "J'ai embauché une personne en CDI, et maintenant je suis dans la merde, car il ne convient pas du tout, il ne connaît pas le travail et je ne peux pas le virer." alors même qu'à l'entretien d'embauche, la confusion sur le rôle du futur salarié et sur les attentes de l'employeur était totale. Le salarié comme l'employeur se retrouvent alors dans une situation totalement inconfortable, l'un parce qu'il n'a pas été embauché sur la tache qu'il croyait remplir, et l'autre parce qu'il n'a pas embauché la personne qu'il fallait. C'est comme ça parfois, que l'on se retrouve très injustement, avec une menace de licenciement pour fautes professionnelles alors même que le salarié n'a fait que répondre à ce qu'il croyait avoir compris. Ces erreurs proviennent très souvent d'une définition confuse sur l'activité proposée par l'employeur, sur le "poste". Très souvent aussi, les employeurs s'aventurent sur les tests "psychologiques", pensant que dans un entretien de 20 minutes à une heure (temps moyens observés), on peut parvenir à "profiler" la psychologie d'une personne. C'est totalement scientifiquement sans fondements, nous retrouvons dans ces méthodes de néo-management des brides de méthodes d'entretien clinique mais qui ne sont en réalité que des prétextes pour légitimer une démarche illégitime. Souvent les cadres DRH (Direction Ressources Humaines) doivent justifier envers leurs employeurs leurs méthodes et construisent un artefact sans validité scientifique. Il s'ensuit de nombreuses confusions et cela peut découler sur des conflits, des dépressions, des licenciements...
Alors je décris tout ça pour que chacun puisse imaginer les difficultés d'un entretien professionnel dans un contexte de confinement dans un monde professionnel où la confusion règne déjà en temps normal. Si vous ajoutez à ces situations confuses très communes sur ce qu'on appelle le "marché du travail", alors vous comprendrez combien ça pourra être perturbant pour le candidat comme pour l'employeur de se retrouver dans une situation de visage masqué ! (sans compter la prise de risque sanitaire, pour le candidat, les employeurs et leurs familles, on ferme les écoles, mais pas les entreprises...)
J'ai une question à laquelle je n'ai pas trouvé de réponses. Existe-t-il dans la législation du travail un texte qui pourrait invalider ces entretiens d'embauche masqués et donc justifier un prolongement des droits au chômage égale à la période de masque obligatoire (et non pas de "confinement") ? Que disent les syndicats sur ce sujet ?
(ndlr : je rajouterai plus tard les liens vers les articles du CNRS)