
Le covid19 est bien entendu un virus mortel. Mais il fait encore plus que tuer des gens, il révèle les fragilités de notre société. L’incapacité à fournir des masques, des tests, des appareils respiratoires dans les hôpitaux nous en dit long sur les faiblesses de la société française.
Lorsque nous sommes matérialistes, disait un philosophe récemment, nous sommes dans l’analyse froide sans jugement et sans passion. Il faut bien admettre qu’en ce moment, il est difficile de garder son sang froid et de ne pas être en colère contre un gouvernement incapable de protéger notre personnel soignant dans nos hôpitaux publics. Il est impossible de rester indifférent lorsque meurent des personnes dans des EPHAD et que l’État encore une fois, ne parvient pas à agir conséquemment pour protéger nos anciens. I
l est incroyable de penser qu’un simple virus nous entraine vers une crise sociale majeure où des milliers de personnes vont être victimes d’un système devenu profondément instable parce qu’à la merci des fluctuations financières et parce que nous avons perdu une force industrielle partie à l’étranger et notre pouvoir de rebondir en n’étant plus maître de la planche à billets.
L’interdépendance dit-on dans les sciences sociales, est l’une des dernières grandes découvertes scientifiques des sociologues entre autres. Peut-être aurions-nous du dire aussi qu’il était important pour une société de diminuer cette interdépendance, et surtout la dépendance, au maximum pour garder la liberté et un pouvoir d’action, de transformation, voire même, de révolution. Cette profonde dépendance aux industries chinoises, aux matières premières africaines, au pétrole d’Arabie Saoudite, au gaz russe, etc. rend notre société d’une fragilité et d’une faiblesse incroyable. Toute société devrait avoir pour obsession l’autosuffisance et l’indépendance il en va de sa souveraineté populaire, c’est la condition primaire pour garantir le triptyque liberté, égalité, fraternité. Cette dépendance économique est révélée par le covid19 de manière dramatique : insuffisance industrielle, dépendance financière, bureaucratie impuissante, gouvernement incapable de réagir, mensonges d’État.
Macron, lorsque sera passé la tempête, nous fera sans doute un discours de gauche, nous affirmant qu’après cet événement tout va changer, il va jouer dans la confusion des paradigmes politiques pour tenter de neutraliser le discours des adversaires, dissimuler l’impuissance du gouvernement et d’un autre côté pour relancer une politique néolibérale tout en affirmant le contraire. Il nous offrira un mensonge de plus. Ce dont il ne se doute pas, peut-être, est qu’il est entrain de produire de véritables envies de meurtres chez une partie de la population. Car, lorsqu’un pouvoir n’écoute plus du tout le peuple, lorsqu’il le méprise ouvertement, lorsqu’il se montre impuissant à protéger les plus faibles dont nos parents ou grands-parents, lorsqu’il laisse mourir ceux-là mêmes qui doivent nous soigner, médecins et infirmières, lorsqu’il met à genou des milliers, peut-être même, des millions de gens par « impéritie » pour reprendre Plenel, lorsque le Président ment, a-t-il conscience qu’il est entrain de provoquer une lourde et sourde colère qui pourrait se révéler un jour mortelles ?

Ce qui se déroule sous nos yeux aujourd’hui est digne d’une famine au XVIIIe siècle à la veille de la Révolution française. Alors que se gavent les plus riches dans leurs grandes maisons bourgeoises, dans les quartiers populaires, on crève la bouche ouverte toujours plus vite.
J’ai une grande question : est-ce que l’économie souterraine qui permet à certains quartiers populaires de rester la tête hors de l’eau, est à l’arrêt aussi ou se poursuit-elle ? D’une part, si ce commerce se poursuit, comment est-ce possible en ces temps de confinement ? Deuxièmement, si ce commerce est l’arrêt, n’y a-t-il pas des chances de voir les quartiers explosés très bientôt ? Là aussi, le covid19 risque fort de révéler la situation dramatique de certains quartiers populaires et de leur dépendance au marché de la dope. À Lyon, par exemple, selon mes sources, les « vendeurs de rue » ont disparu depuis le confinement. Toute l’économie de la dope semble à l’arrêt. Ne serions-nous pas à la veille d’un 2005 mais qui pourrait être décuplé par la mobilisation d’un service hospitalier décimé par le virus et un mouvement des gilets jaunes qui pourraient re-prendre de la vigueur après les « révélations du covid19 » quand le déconfinement sera terminé ? Personne ne peut le dire avec certitudes.
Aurons-nous une réaction égoïste où chacun cherchera à sauver sa peau après la crise sanitaire ou une réaction solidaire pour demander des comptes au gouvernement et trouver des solutions collectives ?
Macron va forcément proposer une voie égoïste. A nous, militants, chercheurs en sciences sociales, organisations syndicales, organisations révolutionnaires, associations, etc. de savoir proposer une solution collective non-démagogique, à la hauteur des enjeux contre le cynisme d’Etat, des propositions solidaires.
Nous avons une occasion historique de prendre de vitesse le gouvernement car le covid19 a stoppé temporairement le développement cynique du néolibéralisme en montrant toutes les faiblesses de ce système, de cette croyance, de cette idéologie. Il est ralenti de façon structurelle et il révèle toute l’absurdité de la loi du marché et toutes ses insuffisances. D’un côté, il accélère les processus de paupérisation d’une grande fraction des populations les plus fragiles (intérimaires, CDD, chômeurs, mal logés, migrants), de l’autre côté, il peut réveiller les consciences pour une action collective.
Il serait temps de sortir des revendications « corporatistes » que nous voyons trop souvent émerger dans un syndicalisme qui ne regarde la situation sociale du pays que par le petit bout égoïste de la lorgnette pour enfin ouvrir les yeux sur les problèmes de fond.
Si nous voulons un mouvement social offensif, il nous faut émettre des revendications structurelles allant vers l’autosuffisance :
- nationalisation et socialisation des pans stratégiques de l’industrie,
- autogestion des entreprises « stratégiques » pour l’autosuffisance,
- défense et même renaissance d’une agriculture paysanne respectueuse de la nature avec redistribution des terres, aides de l’Etat (pour désintoxiquer les terres polluées) augmentation de la sécurité alimentaire et si nécessaire criminalisation des pratiques agricoles toxiques et mortelles,
- meilleure gestion de la forêt, grande ressource énergétique nationale sous-utilisée, renforcement de l’ONF, des droits sur la forêt, de l’industrie forestière, du charbon de bois, de la construction écologique en bois, de l’isolation thermique,
- grande restructuration immobilière des quartiers HLM avec possibilité de jardins ouvriers, planification de projets éducatifs pour les enfants des quartiers populaires, recherche économique et sociale pour l’autosuffisance des quartiers populaires, construction d’un nouveau concept « HLM » où l’on y ajouterait la dimension d’autosuffisance alimentaire (entre autres), constitution d’un « lien » entre monde agricole et quartiers populaires pauvres,
- développement de la géothermie partout où c’est possible,
- financement de la recherche interdisciplinaire concernant les énergies naturelles, financement de l’industrie pour le développement des énergies naturelles diversifiées (géothermies, marées, vent, soleil, bois, eau, isolations)
- développement d’une politique de transport en commun, diminution du transport individuel, conversion de l’industrie automobile vers une industrie propre (voiture électrique, voiture hybride), nationalisation socialisation de l’industrie automobile comme secteur stratégique, diminution de la dépendance au pétrole et au gaz,
- nationalisation et socialisation de tous les secteurs économiques et industriels considérés comme stratégique pour garantir l’indépendance nationale, garantir les libertés, accroître les égalités, et augmenter les solidarités,
- Planification globale pour un plan écologique global dont le but est l’autosuffisance, la sortie du pétrole et du nucléaire,
- Construction d’une nouvelle société, où l’on consomme moins et mieux, diminution massive de la consommation énergétique, changement de société : fin de la société de consommation, renaissance d’une société égalitaire, libertaire et fraternelle, où les rapports humains comptent plus que consommer des produits « jetables », mise en valeur de la « chaleur humaine » contre la froideur technologique,
- Changement constitutionnel : nouvelle république solidaire et autogestionnaire, fédérative, communale, réforme de la bureaucratie pour une bureaucratie moins verticale et moins basée sur les « points et les concours » mais plus sur l’expérience professionnelle, et la connaissance du « terrain », sur l’empirisme,
- Constitution d’une infrastructure internet nationale indépendante de Windows, Google et autres structures capitalistes impérialistes dangereuses pour l’indépendance nationale et la liberté de chacun,
- Nationalisation de toutes les banques, indépendances financières,
- Les seuls actionnaires possibles seront les salariés eux-mêmes et l’Etat selon des règles strictes. L’Etat ne pourrait être actionnaire que temporairement jusqu’à ce que les salariés soient totalement propriétaire des entreprises. Toute entreprise atteignant une taille jugée « critique » sera automatiquement socialisée (elle appartiendra à ses salariés responsables de la valeur ajoutée de l’entreprise) sans autres conditions, la valeur ajoutée à l’entreprise étant déjà la valeur de l’entreprise elle-même, il n’est pas question de payer l’entreprise deux fois. Le patron de l’entreprise devient alors un « associé » comme un autre avec une fonction de gestion, il garde son pouvoir d’initiateur et certains droits à définir collectivement. A sa mort, il n’y a pas d’héritage familial, patriarcal ou autre puisque l’entreprise est devenue une propriété collective. L’initiative individuelle ne serait pas entravée mais le Capital limité à une certaine hauteur et redistribuée dans sa totalité lorsque la valeur ajoutée par les salariés atteindrait une valeur supérieure à la valeur globale de l’entreprise. A ce moment-là, les salariés deviendraient propriétaire de l’entreprise ayant apporté par leur travail une valeur ajoutée égale à la valeur globale de l’entreprise.
Etc. les idées ne manquent pas, elles sont écrites partout, les ouvrages ne manquent pas. Ce qui manque aujourd’hui, ce sont des « superstructures » politiques capables de les relayer, de les soutenir et de les mettre en œuvre de façon efficiente et honnête.

Il serait une erreur de faire une liste exhaustive. Un projet politique doit se construire en commun. Avec le confinement, l’Etat espère avoir étouffé le mouvement social durablement. Nous pouvons prouver le contraire si nous parvenons à stopper certains comportements infantiles dans les associations, syndicats et partis politiques et parvenons à nous unir pour faire front commun.