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Billet de blog 14 avril 2020

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Pouvons-nous rêver d'un AN 01

J'aurais pu appeler ce billet : "entre Utopie et impératifs sanitaires majeurs, le réchauffement climatique". Car jamais depuis des décennies nous n'avons mieux respirer dans les villes et même dans les campagnes. Jamais le bleu azur n'a été aussi pur que depuis que le confinement a été décrété.

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J'aurais pu appeler ce billet : "entre Utopie et impératifs sanitaires majeurs, le réchauffement climatique". Car jamais depuis des décennies nous n'avons mieux respiré dans les villes et même dans les campagnes. Jamais le bleu azur n'a été aussi pur que depuis que le confinement a été décrété. Nous avons même eu une petite pointe de gèle en début de confinement comme si le climat avait subi un mini-choque avec la baisse de CO2 dans l'atmosphère, l'anticyclone des Açores retrouve sa place exacte. Je n'ose imaginer que c'est lié à l'arrêt de l'industrie et à la diminution impressionnante de la circulation, il est impossible de le prouver, mais une chose est certaine, on respire mieux. Alors si on osait se questionner sur les fondements mêmes de notre société, sur son avenir, si l'on profitait de cette "pause obligatoire" pour la rendre volontaire et choisie, pour imaginer un autre avenir plus écologique, plus solidaire, plus fraternel, plus égalitaire ?

Si nous imaginions un monde où l'on combattrait avec hargne les injustices sociales, les réseaux mafieux qui pourrissent la vie économique mondiale, la logique militaire et suicidaire du néolibéralisme, pour offrir à nos enfants un nouvel avenir avec une nature respectée, une vie sociale renouvelée, un autre monde, une autre société soucieuse de la vie, une société où l'on respecterait les droits de chacun quelque soit sa couleur de peau, son origine, sa langue, ses croyances, un monde  intelligent où l'on saurait reconnaître les valeurs des croyances de l'autre tant qu'elles sont respectueuses de la liberté de tous ? Si l'on construisait un monde où l'on reconnaitrait la nécessité d'avoir des forces sociales qui oeuvrent toujours pour défendre les droits des peuples, les droits des plus fragiles, les droits fondamentaux d'avoir accès à un logement écologique adapté au climat, à une énergie renouvelable, à une nourriture non toxique, à une eau pure, à un air pur, à une vie sociale épanouissante, de participer aux activités vitales pour la collectivité sans aliénation, au partage du travail et des richesses, à un monde où tout enfant aurait le droit à un système éducatif universel sans racisme, sans jugement de valeur, basée sur des principes égalitaires, libertaires, émancipatoires, fraternels, si l'on inventait un monde où l'on prendrait ce chemin universaliste où l'on sait avoir un regard compréhensif sur tout ce qui nous entoure, où nous préférions mourir en sachant que nous sommes en accord avec nous-mêmes plutôt que se battre pour un système profondément injuste et meurtrier.

J'entends déjà tous les cyniques chercher quelques échappatoires pour briser ce rêve : tout le monde n'est pas comme ça sur terre, nous aurons des ennemis partout, les Capitalistes se lèveront d'un seul homme pour nous faire chuter comme ils l'on déjà fait en osant soutenir des Lindbergh, des Hitler, des Franco ou des Mussolini. Certes. Mais si nos ancêtre avaient abdiqué avant même d'avoir commencé auraient-ils obtenu les congés payés ? Auraient-ils inventé l'école pour tous ? Auraient-ils imaginé la Sécurité Sociale ? Auraient-ils créé le droit d'association ? Auraient-ils imaginé les coopératives ? Si nous devons nous battre pour défendre les droits fondamentaux de la vie, même les armes à la main, ne devrions-nous pas choisir notre guerre, plutôt que de la voir une fois de plus nous être imposée par les dominants pour se débarrasser une fois de plus de nous. La guerre de 14-18 a été une absurde guerre où les "prolétaires" se détruisaient entre eux au nom de la patrie. 39-45 est une deuxième guerre stupide où l'on se détruisait les uns et les autres au nom de la "race supérieure". Et aujourd'hui, allons-nous nous diriger vers une nouvelle folie au nom d'une quelconque religion ou croyance stupide, ou allons-nous tenter de trouver un chemin raisonnable ? Allons-nous encore une fois nous auto-détruire ou tenter la construction d'un monde meilleur basé sur nos droits les plus fondamentaux ?

Des bien-pensants tellement bienveillants  pensent qu'il suffit de "faire le bien autour de soi" à la façon d'un prophète. D'autres pensent que "l'amour suffit". Ce sont d'absurdes et naïves idées tellement l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions. Les gourous, les prophètes sont les premiers de nos ennemis, qu'ils prennent la parole avec de beaux discours sur "l'amour" dans un collectif, ils aiment se mettre au centre, diriger, dominer, manipuler. Les "gentils prophètes" sont aussi dangereux que n'importe quel dictateur, il faut s'en méfier comme du covid19. Nous avons besoin de ré-apprendre à faire du collectif. Bien entendu que, parfois, les "beaux parleurs" sont utiles pour faire la synthèse d'un groupe, pour avancer, pour structurer un mouvement social, un collectif de lutte, mais encore faut-il que ces beaux-parleurs respectent le mandat du groupe. A l'inverse, rien n'est plus stérile que la dictature du groupe sur les individus, rien n'est pire qu'un groupe qui empêche toute parole individuelle de s'exprimer, rien de pire que l'oppression du groupe sur la liberté de chacun. Pour les petits esprits, il faudrait choisir l'un ou l'autre, l'individu ou le groupe, en réalité, il s'agit d'une tension permanente entre la liberté du groupe et la liberté individuel, entre l'oppression du groupe et l'oppression d'un seul. La vigilance doit toujours s'opérer sans jugement, ce que peu savent faire. Les jugements de valeur et les sarcasmes sont plus faciles et économiques (paresse d'esprit et colère enfouie) que la compréhension vive et le désir de connaître l'autre sans colère, sans projection de sa propre vie sur l'autre. Ce difficile exercice, nous devrions l'apprendre à l'école, ce qui n'est quasiment jamais le cas. Nous parlons souvent du "vivre ensemble" de façon très démagogique mais sans y donner un sens pratique. Tout commence par la compréhension de l'autre.

Cette sagesse primaire du révolutionnaire ne doit pas faire oublier que nous ne sommes pas dans ce monde idéal, et que parfois, il est nécessaire de prendre les armes pour défendre nos droits fondamentaux. Nous l'avons déjà fait dans notre histoire : révolution française, 1848, la Commune, guerre contre le fascisme en Espagne, contre le Nazisme, etc. Chaque fois que nous avons du défendre nos droits, nous avons parfois du prendre les armes contre l'oppresseur. Nous ne pouvons pas être des pacifistes aveuglés par nos idéaux. Vous connaissez sans doute tous l'histoire de ce prêtre mexicain progressiste et "pacifiste". Il défendait la cause des autochtones contre l'armée mexicaine. Il proféra auprès de ces brebis une méthode pacifique. Au cours d'un sermon, l'armée mexicaine est rentrée dans son église et a massacré tout le monde, le prêtre aussi. Il a envoyé naïvement ces indiens à l'abatoire alors même que d'autres groupes révolutionnaires armés l'avaient mis en garde contre sa propre naïveté.

Changer de monde, ce ne sera pas une partie de plaisir, les Capitalistes de tout temps ont toujours utilisé tous les moyens dont ils disposaient pour conserver leurs pouvoirs, leurs dominations et leurs privilèges. Ils ne sont pas et ils ne seront jamais pacifiques. Toute la difficulté d'un changement social radical est de ne pas sombrer dans une violence aveugle tout en étant capable de se défendre, voire parfois, de mener une offensive si aucune autre voie n'est possible. Le mouvement zapatiste au Mexique nous a montré la voie pendant une période avec une lutte armée basée sur un système très démocratique, féministe, autogestionnaire. Il est évident que si nous voulons défendre nos sols, notre air, notre eau, défendre une société plus juste, plus égalitaire, plus fraternelle, plus libertaire, plus "pacifiste", nous nous retrouverons face à une opposition virulente et mortelle.

Beaucoup pensent qu'il faut "sauver la planète" en implorant à genou les dirigeants qui sont au service même des destructeurs. Pensez-vous vraiment que ça va fonctionner ? Nous ne changerons rien sans prendre de coups car derrière les réponses "polies" des dominants se cachent un cynisme et une violence inouïs. Ceux qui détiennent les richesses du monde sont prêts à tout pour les conserver. Nous avons le droit de rêver, mais sans naïveté, car la naïveté est mortelle.

Arrêtons-nous vraiment, discutons, organisons-nous et battons-nous pour un monde où la vie compterait plus que l'argent !

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