Mediapart nous faisait partager il y a quelques semaines des enregistrements juridiques d'acteurs de l'ombre concernés par les grandes affaires d’État, que ce soit la "France-Afrique", l'infiltration de milieux militants, la confusion totale entre intérêts privés et raison d’État, nous découvrions une privatisation des services du renseignement, nous découvrions un "système" et les effets d'une idéologie.
La privatisation des services publics va jusqu'à mettre à disposition des grands groupes privés les services d’État chargé normalement de la sécurité nationale. Nous découvrions que cette façon de fonctionner faisait système. Et l'on peut se demander aujourd'hui dans ces conditions jusqu'à quel point les intérêts privés interagissent avec les décisions concernant la lutte contre le Covid et dans d'autres circonstances, avec la gestion des gilets jaunes. Où se situe la gouvernance ?
On peut se demander jusqu'où la violence exercée contre les gilets jaunes et la gestion désastreuse de la lutte contre le Covid ne sont-ils pas issus d'une même idéologie et d'un même système où le collectif citoyen n'a plus lieu d'être, où la démocratie est bafouée, et où tout ce qui compte est la raison des intérêts privés. L'idéologie du service public se trouve bafouer par celle de la défense des intérêts des grands groupes financiers, nouveaux gouvernants de ce pays. Plus encore que trouver l'idéologie qui domine et les représentations que les acteurs de ce système partagent entre-eux, il est encore plus efficient de comprendre comme la défense des intérêts privés fait système et quels effets néfastes ce système peut-il avoir sur les décisions d'intérêt public.
Nous faisons le constat que le gouvernement actuel n'était pas préparé du tout à remplir une "mission d'intérêt public" pour la simple raison que ça ne fait pas parti de leurs représentations du monde puisque, bien plus encore que "la loi naturelle du marché", ils sont au service du marché et des intérêts privés. Ils se sont formés et ont voulu être élus pour ça. Ils n'ont pas cette culture du service public qui demandent aussi de reconnaître la force des collectifs citoyens et d'admettre que les rapports de force sont fondatrices d'une civilisation "saine", mais ils ignorent ces collectifs voire les combattent et ne reconnaissent que ceux qui se fonctionnarisent suffisamment pour devenir des alliés. La fonctionnarisation (au sens de Weber) des syndicats, des fondations humanitaires, des grandes associations d'intérêt publics en font des "partenaires sociaux" relativement dociles qui font de moins en moins obstacles à la logique de privatisation du service public et à la défense et même à l'expansion de la gouvernance privatisée. Car c'est ça le pays dans lequel nous vivons avec la Macronie, nous sommes dans un pays de gouvernance privatisée. En ce sens, nous sommes bien dans un système néolibéral même si certains s'en défendent en affirmant que l’État est "interventionniste" en France. Un État interventionniste ne signifie pas nécessairement un État du service public, mais il peut être un État au service d'une minorité économique dominante : la minorité la plus riche de France.
La répression sans bornes contre les gilets jaunes prouve les hypothèses précédentes à plusieurs niveaux. La gouvernance privatisée actuelle, donc au service des grands groupes financiers et des plus riches, ne peut pas réagir autrement que violemment face à un collectif de défense des droits publics. Un collectif de citoyens en lutte pour défendre le triptyque "liberté, égalité, fraternité" va à l'encontre de leurs représentations du monde où la gouvernance doit être totalement au service des grands intérêts privés. De même, la gestion du Covid19 ne pouvait pas passer par la mobilisation de collectifs citoyens (associations, communes, fondations, collectifs spontanés, etc.) parce que dans leurs représentations du monde, ces collectifs n'ont aucune importance puisqu'ils vont à l'encontre de la privatisation de tous les aspects de la vie sociale, sanitaire, écologique et économique. Au-delà même des aspects d'incompétence des gouvernants, il y a cette barrière idéologique infranchissable dans leurs esprits formatés pour une gouvernance privatisée, parfois même, "mafieuse" puisque les différentes enquêtes journalistiques et juridiques sérieuses nous montrent les connexions qu'il peut y avoir entre les services de sécurité, des agences privées, les grandes fortunes, le grand banditisme en col blanc et la mafia.
Nous devons donc, pour comprendre la gestion violente des gilets jaunes et la confusion politique face à l'épidémie du Covid, entreprendre une analyse systémique. Si nous voulons combattre ce qui gangrène notre démocratie et l'empêche de progresser vers plus d'égalité, de liberté et de fraternité, nous avons besoin d'une approche systémique. Ce système est un système de corruption généralisée et de contrôle totale de toute velléité d'opposition. Les acteurs de ce système, car n'oublions pas qu'il est composé d'individus agissants et structurés en réseaux (le langage managérial, viril, machiste, est au cœur de ce système en réseau où l'on peut y retrouver le trafic d'armes, la prostitution... comme nous le montre des enquêtes journalistiques) disposent de tous les services de défense nationale pour défendre leur intérêts privés. Disons le clairement comme déjà Médiapart, a tenté d'alerter à plusieurs reprises, la démocratie est en danger.
La tentation est grande pour beaucoup de nos concitoyens de se laisser séduire par les explications "complotistes". Or il ne s'agit pas d'un "complot", mais d'un système qui fonctionne pour lui-même et réagit contre les oppositions de façon agressives pour conserver et même accroître des intérêts privés. En revanche, il s'agit bien de corruption puisque des agents d’État, des responsables d'organisme public, des structures collectives deviennent les instruments de ces intérêts privés. Pour s'y opposer, il n'y a qu'une possibilité, faire ce que ces agents au service des grands intérêts privés détestent le plus, construire un grand collectif de citoyens en lutte contre la corruption et pour la défense des intérêts et des services publics. Il nous faut retrouver le sens du service public et opposer à la privatisation de la gouvernance, la solidarité et la justice.