Et si la question du genre, via l’obsession maladive d’un certain islam (et d’une certaine culture « caille-ra ») pour la virilité, nous éclairait sur un tel déchaînement de violence ? Non qu’elle en serait la cause première (si tant est qu’il y en ait une), mais comme le substrat sur lequel se développe la personnalité monstrueuse de Mohammed, l’une des voix tapies dans l’ombre qui lui souffle à l’oreille que ces hommes n’en sont pas, que ces enfants ne sont pas humains, que tous et toutes doivent se soumettre et s’agenouiller devant le triomphe de l’homme fidèle et fou de dieu.
« J’ai mis la France à la genou », aurait-il déclaré. « Niquer la France », « la France est une salope », la métaphore est filée d’un texte de rap « hardcore » à l’autre. S’affirmer absolument comme un mâle dominant, insoumis à ce peuple efféminé. Ne surtout pas trahir la cause. Le traître est un enculé, un pédé. Une obsession somme toute assez banale à l’âge des poussées d’hormones, mais qui prend ici, dans le cas de « la racaille », des proportions incroyables. Obsession incroyable dans sa permanence – écoutez les, dans la rue, sur les blogs, dans le RER, incanter l’insulte, la répéter à chaque phrase. Obsession incroyable aussi dans la violence du rejet qu’elle opère. Voyez les déchaînements terrifiants des nombreuses agressions homophobes de ces derniers mois. Entendez-les vous déclarer qu’ils ne veulent même pas s’approcher d’un pédé, surtout ne pas être touché. Fréquence incroyable des affaires de couples, homos et lesbiens, chassés de leur quartier, obligés de déménager parce que « y a pas de ça chez nous » (ces mots choquants qu’avaient employés les « caille-ra » du 19e pour justifier l’agression des deux acteurs trans du film portugais « mourir comme un homme ») Interdit de résidence. Interdit de vie. Interdit d’humanité.
Psychologie de comptoir, mais n’empeche : faut il rappeler que la plupart de ces gamins grandissent avec des pères « castrés » par le processus migratoire, la non-maîtrise de la langue, la condamnation à des sous-emplois (quand il y en a un), l’assistanat, l’insulte quotidienne subie de la part des institutions républicaines (l’école, la police, les services publics) qui vous rappellent tous les jours que vous ne valez rien, en tout cas pas grand chose. Des pères incapables, inadaptés, impuissants. Des fils coqs, vengeurs. La France est une pute, une salope, qui a trahi, pompé ses colonies, et qui continue l’humiliation éhontée de ses populations immigrées, vendue qui plus est au grand satan du capitalisme et du sionisme. Voilà ce qui trotte dans la tête du caille-ra de base.
« Y a pas de ça chez nous ». C’est précisément ce que répète à tout va Ahmanedinejad en Iran. Suivi par la grande majorité des pays musulmans. Les 56 pays que regroupe l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) à l’ONU ont violemment chahuté le 7 mars 2012 (à nouveau, dans des proportions rarement atteintes lors de ces débats) la discussion qu’avait voulue Ban Ki Moon, première historique, sur les discriminations à l’encontre des LGBT dans le monde (alors qu’aujourd’hui 76 pays ont des législations discriminatoires ou résolument homophobes, un euphémisme pour décrire des situations qui vont de la peine de mort à l’emprisonnement en passant par les appels à la dénonciation ou au lynchage). Certes l’OCI était en cela rejoint par de nombreux pays africains non musulmans, mais c’est elle qui s’est faite la plus virulente. « Y a pas de ça chez nous ». Laissez nous casser du pédé en paix, était, en substance, leur revendication.
C’est que l’islam radical apparaît de plus en plus, ou cherche en tout cas à se présenter, comme le dernier bastion de la masculinité triomphante, insoumise aux folies des femmes et des folles. Les autres cultures, Russie et Chine mise a part, ont baissé leur pantalon. Les hommes s’y font humilié, mené à la baguette par leurs femmes « libérées » et des armées de dangereux pédés (dangereux parce que propagandistes, le vieux débat de la visibilité perçue comme acte de recrutement et perversion ayant retrouvé une nouvelle jeunesse). « Blanc » n’est plus une couleur de peau, mais la couleur sensible et fragile d’une culture affétée, efféminée, une culture de la soumission. Au capital, aux Etats-Unis, aux sionistes, aux femmes, aux pédés. Tous dans le même panier. Une culture où il fait bon lire. Mais lire, pour le caille-ra, est un truc de pédé.
Et l’on retrouve à nouveau ce lien étrange et sourd entre les juifs et les pédés (à lire ici). Le peuple juif est le peuple du livre. Quand on veut tuer les juifs on commence par brûler leurs livres.
Ce n’est pas uniquement autour du lien à Israël que se dessine l’une des lignes de démarcation les plus claires de la géopolitique internationale (puisqu’il n’y a plus de vraies contestations du capitalisme). C’est aussi, et de plus en plus, autour du droit des femmes et des LGBT. La position timide au mieux, rétrograde souvent, de la France sur le sujet ne fait que renforcer ce sentiment d’une culture soumise, émasculée, méprisable. Faire de ces sujets un enjeu clé d’une démocratie saine, la défense et l’affirmation puissante et positive, « virile » pour reprendre leur logique, d’un idéal de société juste et égalitaire, émettrait un tout autre message. Eduquer, apprendre la tolérance, encourager l’acceptation de soi et de l’autre, plutôt que pousser au retranchement dans la terreur et l’ignorance (terreur, oui, ces gamins sont terrorisés à l’idée de se découvrir pédé ou que l’un d’eux le soit) – voilà qui éviterait sans doute la multiplication de troubles quasi névrotiques déchaînant une violence sans pareil et de plus en plus banale.
Alors voilà. Je ne suis pas psy, je ne connais de l’affaire que ce que nous en disent les médias. Je n’habite plus depuis longtemps en banlieue mais j’y ai grandi. Anthropologue de formation, j’ai toujours gardé un œil sur une « culture » qui a joué une part importante de mon adolescence, et qui aujourd’hui « structure » la vision du monde de tout un pan de la jeunesse. Et je suis juif et pédé. Bien sûr je ne tiens en rien à diminuer l’importance d’autres facteurs dans cette tragédie (au premier rang desquels la défaite économique qui met au ban une part grandissante de la jeunesse, livrée à elle même, sans espoir et sans avenir). Je ne nie pas l’importance des facteurs personnels, chaque individu ayant son propre destin, ses propres failles et démons, sa propre histoire. Je ne discuterai même pas des "zones d'ombre", ni des déchaînements antisémites que l'affaire a provoqués sur le web via notamment la théorie du complot. Je constate juste qu’il y a un homme sans père, humilié, qui aimait bien faire le kéké dans des caisses volées, qui a échoué deux fois de suite à rejoindre l’armée (« ah, si j’étais un homme ! »…), qui a voulu « mettre la France à genoux » et a massacré des enfants dont le seul tord était d’être du « peuple du livre »… Le livre, ce vieux truc de pédé.