Pourquoi la prise de conscience de la crise du COVID-19 a-t-elle été aussi défaillante?
Joël Querellou, microbiologiste
Gaël Emgan Querellou, urgentiste, CHRU de Brest
Note introductive. Cet article a été complété le 27 mars 2020, en particulier sur l'approche suivie par Taïwan et sur les conclusions que l'on peut en tirer.
S’il est encore trop tôt pour tirer les enseignements de la crise du COVID-19, ses effets humains, économiques et sociaux n’étant pas encore connus, il est déjà possible de retracer dans les grandes lignes les failles du dispositif qui a conduit à la catastrophe actuelle.
La Chine : du déni à la surveillance de masse
L’un des premiers éléments explicatifs de cette crise est lié au bilan de la précédente pandémie du SARS-1 en 2003 lorsqu’il est apparu que les rapports provenant de Chine étaient erronés et ne faisaient pas état de données et de faits réels, mais de données manipulées par le pouvoir aux mains du parti communiste chinois. Il en a découlé une suspicion légitime des scientifiques et des pouvoirs politiques en Occident lorsque les premières données relatives à cette nouvelle épidémie ont commencé à être publiés en Chine, puis transmises en Occident pour publication. En janvier 2020, cette suspicion a encore été aggravée par les premières informations relatives au blocage régional de la communication sur la dangerosité de la maladie dans la province du Hubei et la ville de Wuhan. Les alertes des autorités sanitaires locales ont été ignorées et les personnels médicaux, médecins, infirmiers lanceurs d’alerte réduits au silence. L’un des médecins est ensuite mort de cette maladie et sa disparition a suscité une vague d’indignation en Chine sur les réseaux sociaux. Cette vague n’a pu être contrôlée par le pouvoir central qui a eu l’intelligence de démettre les responsables locaux et de prendre l’alerte très au sérieux. Le confinement de la ville de Wuhan a donc été lancé très tôt, dès l’apparition de quelques centaines de cas avérés de la maladie.
Les chercheurs en sciences du vivant et les médecins chinois en 2020 ne sont plus dans la situation de 2003. En moins de 20 ans, le niveau de compétence et d’expertise a explosé et leur dispositif actuel n’a rien à envier à celui que nous connaissons en Occident, sachant qu’au moment où tous les gouvernements français depuis 25 ans restreignent les moyens alloués à la recherche, le budget de la recherche en Chine explosait.
Aussi quand à la fin du mois de janvier des équipes de chercheurs chinois publient, en anglais, dans deux des journaux médicaux les plus prestigieux au monde (The Lancet, NEJM), deux articles relatant le suivi spécifique des premiers malades graves touchés par la maladie (Huang C., et al., Li Q., et al.), les articles ne rencontrent pas l’écho qu’ils auraient dû avoir. Les chercheurs arrêtent leurs études pour un des groupes au 2 janvier 2020, sur la base d’observations effectuées en décembre 2019 et pour l’autre au 22 janvier sur des observations des mois de décembre et janvier. Les chercheurs chinois établissent clairement le potentiel infectieux du virus COVID-19 et les risques qu’il présente en l’absence de mesures barrières qui ne peuvent être obtenues sans un confinement total de la population.
La Chine mobilise, met en quarantaine des dizaines de millions d’habitants. Et… fait rire l’Occident avec des vidéos de drones assurant la surveillance des rues. Démontrant, au moins vu de chez nous, si besoin était le potentiel toxique d’un système autoritaire qui a fait de la reconnaissance faciale et de la normalité du comportement des citoyens l’axe prioritaire d’une contrainte assumée.
En France : les crises sanitaires, un lointain souvenir
En second lieu, le souvenir des crises sanitaires en Occident et en particulier en France ne repose que sur des évènements circonstanciels tels que des catastrophes naturelles. La canicule de 2003 en France est encore dans toutes les mémoires et cette mémoire a conservé une information essentielle : quand la température baisse, la vague de décès s’éteint. Il s’agit donc d’une crise sanitaire pendant laquelle les personnes fragiles sont en situation momentanée de handicap. La logique de l’évolution est liée à la météo et le contrôle peut être effectué par des moyens physiques qui suppriment l’état de handicap (air conditionné, bains frais etc.). Il faut remonter bien loin dans le temps pour retrouver une crise qui nous rapproche de la crise actuelle. En 1953-54 dans le Morbihan, une épidémie de variole a exigé des mesures de confinement pour être éradiquée. Trop restreinte dans l’espace, trop loin dans le temps pour que la mémoire collective puisse être d’une moindre utilité.
Notre approche des crises sanitaires repose sur l’expérience récente de crises « physiques », en ce sens que ce sont les facteurs physiques du milieu qui en sont la cause. Dans le cas du COVID-19, il s’agit d’une crise infectieuse de gestion de masse, où la logique de la crise ne dépend, au moins au début en l’absence de mesures adéquates, que des propriétés de l’agent pathogène, ou plus exactement de la dynamique des interactions entre un agent pathogène et son hôte, l’homme.
Les crises de même nature qui auraient pu rester dans nos mémoires sont celles de la grippe. Mais là encore, elles ne sont pas suffisamment intenses (sans pour autant minimiser le nombre annuel de victimes), et le “raté” de l’alerte de 2009 accompagné du « gâchis » supposé des vaccins n’a pas incité le pouvoir politique à anticiper.
Un virus qui se multiplie à grande vitesse
Que disent les articles chinois que les scientifiques de ce pays ont bien voulu mettre à la disposition du monde « libre », sans contrepartie, dans la langue internationale scientifique d’aujourd’hui, l’anglais ?
Que la maladie est apparue dans un groupe restreint sur le plan géographique puis qu’une contamination restreinte à l’extérieur de ce territoire a été observée. (Notons ici que la recherche de cas en dehors de la zone contaminée n’a pas été effectuée sur cette même période et que l’on ne peut formellement exclure l’existence d’autres foyers infectieux, même si cette probabilité demeure excessivement faible).
Que le potentiel pandémique de la souche de virus à l’œuvre semble élevé. Huang et al. notent que sur 59 cas suspects, 41 malades ont été confirmés positifs au nouveau virus et hospitalisés pour un syndrome de détresse respiratoire aigu, 6 sont décédés. Ils soulignent aussi les faiblesses de l’étude, notamment le nombre limité de cas qui réduit la portée statistique de l’analyse, l’absence de données fiables sur la transmission homme à homme et l’incertitude sur la dynamique de l’épidémie. Ils concluent toutefois : « En raison du potentiel pandémique du 2019-nCOV, une surveillance attentive est essentielle pour caractériser la future adaptation à l’hôte (en l’occurrence l’homme), l’évolution virale, l’infectiosité, la transmissibilité, et la pathogénicité ». Ce que n’estimait pas le premier article du 24 janvier à savoir le potentiel infectieux du nouveau virus, figure dans le second article chinois. L’article de Li et al. publié à la fin janvier 2020 porte sur 425 cas confirmés couvrant la période de décembre 2019 au 22 janvier 2020. Ils établissent pour la première fois la période moyenne d’incubation : 5,2 jours (probabilité de 95%). Au cours de la première phase de contamination, le temps de doublement des cas est de 7 jours environ. Et surtout, ils estiment pour la première fois le taux de reproduction R : 2,2 en moyenne avec une fourchette de 1,4 à 3,9.
Ce potentiel est exprimé par le coefficient R. Le taux de reproduction d’un virus R est le nombre moyen de nouveaux cas causés par un patient infecté dans une population sensible. Dans le cas présent, toute la population humaine est sensible car il s’agit d’un nouvel agent pathogène qui n’a jamais été au contact des humains dans l’histoire. Si R est supérieur à 1, le nouveau virus va infecter toute la population sensible. Si R est inférieur à 1, l’infection virale va s’éteindre. Dans le cas présent il apparaîtra que R varie entre 2 et 3. Pour un coefficient de 3, chaque malade peut donc potentiellement contaminer trois autres personnes pendant la phase active du virus, en l’absence de barrière de confinement.
En bref, fin janvier 2020, les données de base établissant le potentiel pandémique de l’épidémie étaient acquises. En dépit des mesures de confinement sévères prises par le gouvernement chinois, des cas d’infection étaient démontrés dans d’autres régions de Chine, au Japon, à Taiwan, en Corée du Sud, à Hong-Kong et à Singapour.
Régime autoritaire ou démocratie ?
Depuis, la pandémie s’est établie sur la planète. Chaque état, y compris au sein de l’Union Européenne où l’absence d’Europe de la Santé est apparue évidente (ce n’est pas une prérogative de l’U.E. mais des États), a choisi sa propre politique avec des conséquences très variables quant aux résultats. Il est trop tôt pour en tirer des conclusions générales. Mais une conclusion fondamentale peut déjà être retirée de l’expérience acquise. La réactivité des autorités chinoises, en regard de la passivité occidentale, a fait émerger l’hypothèse que les régimes autoritaires seraient plus efficaces que les démocraties pour contrôler ce type d’épidémie. Cette conclusion est erronée. Les enseignements des approches coréenne, japonaise, taïwanaise, démentissent de telles assertions.
L’épidémie peut être également limitée en régime démocratique, au prix de quelques restrictions (momentanées ?) des libertés individuelles formelles. Ce qui ne veut pas dire que seul le régime politique soit en cause.
L’arrogance de l’Occident vis-à-vis de l’Asie
Les facteurs culturels ne doivent pas être négligés. Ici réapparaissent deux caractéristiques des pays occidentaux, plus quelques spécificités culturelles propres à certains peuples.
- La première est l’absence de modestie (les chrétiens collant aux Évangiles diraient le péché d’orgueil !). Sûr de ses connaissances, de sa recherche, de son système de santé, de sa puissance, bref de sa civilisation, l’Occident n’a pas de leçon à recevoir de l’Asie. Autant l’Asie a su importer d’Occident ce qui pouvait lui permettre de se développer, autant l’Occident a négligé la démarche inverse.
- La seconde est liée aux comportements individuels et collectifs. On peut toujours caricaturer la discipline japonaise. Et oublier que quand dans le métro un Japonais porte un masque, c’est avant tout pour protéger les autres usagers. Dans le métro parisien, mais c’est plus ou moins la même chose ailleurs en Europe, un passager qui tousse fait profiter ses voisins sans restriction, participant ainsi à la contamination et aussi à l’immunisation.
Les États occidentaux ont tardé à prendre la mesure des risques majeurs associés à ce virus.
Parmi l’avalanche d’articles publiés sur cette crise il en est un daté du 18 mars 2020 dans le Guardian et signé de Richard Horton, rédacteur en chef du journal The Lancet. Il constate l’échec collectif des scientifiques à convaincre les pouvoirs politiques de la dangerosité du virus et la faillite de l’ensemble de la société à répondre d’une manière logique. Il s’interroge aussi sur les causes de cette faillite qui semble partagée sans toutefois se hasarder à proposer des réponses.
Les trois stades d’intervention pour enrayer la propagation
Qu’en est-il ?
On a vu que très schématiquement la dynamique infectieuse d’un agent pathogène est caractérisée par un facteur R. Dans le cas présent, il est voisin de 3. On est donc dans une configuration où, en fonction du temps de contamination (T), en l’absence de barrières et avec maintien de tous les contacts sociaux, l’épidémie va progresser de la manière suivante : temps T, 1 cas ; à 2T, il y aura 3 cas de plus, à 3T, il y en aura 9, et ainsi de suite (27, .. et on ne contrôle plus rien).
Pour reprendre la main, il y a, la aussi très schématiquement plusieurs approches qui toutes ont pour objectif de faire baisser le facteur R en dessous de 1, afin d’éteindre l’épidémie. Rappelons que nous sommes ici dans le cas d’une population naïve au sens immunologique, c’est à dire n’ayant jamais eu de contact préalable avec l’agent pathogène. La démarche serait différente avec une grippe classique qui réapparait régulièrement.
- la première approche consiste au tout début de l’épidémie, si elle est repérée, à isoler complètement le secteur et la population afin de circonscrire l’évolution. Confinement précoce et total. C’est ce qu’il aurait été souhaitable de faire dans le Hubei. Les responsables locaux ne l’ont pas mis en œuvre précocement. Ils ont été licenciés pour cette erreur aux conséquences dévastatrices. Mais en l’absence de données sur les caractéristiques de l’épidémie, et un niveau d’incertitude élevé quant aux conséquences sociétales, il était probablement déjà trop tard. Une approche, avec bien plus de données disponibles a pu être efficacement mise en œuvre dans d’autres pays (Corée du Sud, Taïwan) comme nous l’exposons ci-après. Limiter la propagation justifie l’identification des cas et donc le dépistage de la population locale et l’isolement des malades et des éventuels porteurs sains.
- La seconde approche vise encore, même si l’épidémie a franchi un premier palier et s’est étendue, ne permettant plus de tracer les malades et d’établir la chaîne de contamination originelle, à rompre la chaîne de transmission en établissant des mesures de barrière stricte. C’est toute la vie d’une ville, d’une région, d’un pays qui se bloque. Ce confinement, à condition qu’il soit strict, abaisse le niveau de transmission et finit par faire tomber le facteur R localement en dessous de 1. Les mesures d’hygiène répétées en boucle ont ici toute leur place (lavage de mains, distance physique, sociale, masques, etc.). Elles visent à limiter, mais non à supprimer la charge virale en circulation dans l’air au sein d’une population humaine. L’épidémie peut être progressivement ramenée sous contrôle. Mais le confinement doit durer pour ne pas réimporter d’ailleurs l’épidémie.
- La troisième vise à abaisser le niveau de charge virale chez les patients (schématiquement la quantité de virus répliqué chez son hôte prêt à être émis dans l’environnement). Ceci n’est pas possible chez les porteurs asymptomatiques (sans aucun symptôme et donc sans aucun traitement) qui en toute bonne foi et faute de dépistage vont continuer à être contaminants. Cela est théoriquement possible avec des anti-rétrovirus efficaces chez les patients ayant développé les symptômes de la maladie. Des essais préliminaires ont été effectués par les équipes chinoises avec des résultats intéressants qui restent à confirmer. D’autres actifs ciblés pour d’autres pathologies, telle que l’hydroxychloroquine ont également été testés (DOI:10.1093/cid/ciaa237).
Mais aucun de ces médicaments n’a été établi comme traitement de référence à ce jour, même si les résultats obtenus sont encourageants et si de très nombreux essais cliniques sont en cours actuellement en Chine, au Japon, en Corée, en Europe et aux USA dont certains permettront peut-être d’abaisser le taux de reproduction du virus in vivo à des niveaux compatibles avec la maîtrise de la pandémie.
La relation entre la variation du taux de reproduction du virus et le nombre de cas déclarés, telle que rapportée par le Asahi Shinbun dans son édition datée du 20 mars est édifiante. Les mesures d’urgence prises à Hokkaido ont porté leurs fruits, mais d’autres signes inquiétants apparaissent au Japon. L’apparition de nouveaux clusters dans plusieurs régions de ce pays pourrait, en l’absence de mesures adéquates du gouvernement, entrainer une explosion future du nombre de cas et un risque de perte de contrôle de l’épidémie (963 cas et 33 décès au 20 mars).
L’Europe court après le virus au lieu de courir devant !
Tous les pays européens ont ignoré l’alerte. Tous les vols internationaux ont été maintenus. Les chaînes de contamination liées à la pratique mondialisée des échanges de personnes ont été entretenues.
Le COVID-19 s’est installé dans 166 pays (nombre arrêté au 21/03/2020, Source Johns Hopkins University). Selon la date d’activation des foyers de contamination dans les différents pays, la dynamique dans le temps est plus ou moins décalée. Une certitude établie d’après les faits : en l’absence de mesures de confinement, la dynamique de propagation suit globalement les mêmes lois et les mêmes courbes, avec des variations notables entre le nombre de cas déclarés et le nombre de décès. Les causes de ces variations restent à expliquer.
Mais il est donc faux de dire que nous aurions dû apprendre de l’expérience italienne, qui a 10 jours « d’avance » sur la France. Il eut fallu apprendre de l’Asie.
Les mêmes décisions produisant les mêmes résultats, le nombre de cas explose selon une courbe exponentielle. De plus, en l’absence de dépistage, devenu impossible sur l’ensemble des territoires contaminés pour des raisons de disponibilité de moyens, le nombre de cas réels n’est pas connu. Son estimation a posteriori par les chercheurs chinois indique que pendant cette phase, le nombre de cas réels serait de l’ordre de 20 fois les cas « déclarés » par les autorités. L’épidémie est momentanément hors de contrôle.
Les fameux experts...
Toutes les réactions et démarches du gouvernement en France ont ignoré la dangerosité du virus. Après les publications chinoises de fin janvier et alors que du seul fait des transports internationaux de voyageurs, le virus se propageait en Europe sans barrière, les scientifiques et les autorités sanitaires n’ont pas su produire d’analyse convaincante. Pas suffisamment convaincante pour se faire entendre des décideurs politiques. Les comités d’experts mis en place par le gouvernement sont les bienvenus mais leur mise en place a été bien tardive. La manière dont le consensus sur certains avis a été obtenu ne manque pas de surprendre, notamment lorsque la question de l’opportunité de maintenir le premier tour des élections a été posée. Ces instances, conçues comme indépendantes, composées de scientifiques dont les qualités sont reconnues au plan individuel opèrent toutefois en situation de crise aiguë sous la pression du pouvoir politique, des media et des évènements . Elles permettent au gouvernement d’ajuster sa politique de communication. Ce dernier ne manque pas de rappeler que les décisions sont prises en tenant compte de l’état des connaissances scientifiques, afin de leur conférer une légitimité incontestable. Le problème majeur est que les scientifiques spécialistes des pandémies en relation avec le pouvoir politique auraient dû établir une cellule de crise opérationnelle beaucoup plus tôt, dès l’alerte transmise à l’OMS le 31 décembre 2019, ou dès début janvier 2020. A défaut, et dans ce qui aurait dû demeurer le pire scénario, dès la parution des données chinoises afin de prendre les mesures appropriées en temps utile.
Plus grave, comme pour la crise climatique, certains scientifiques ont pris le parti d’énoncer l’existence de solutions qui ramèneraient l’épidémie de COVID-19 au rang de banale grippe saisonnière, et donc sans impact sur le système de santé public. Exemple tragique, un virologue éminent de Marseille, internationalement reconnu par ailleurs dans le domaine des virus géants, a cru bon de déclarer que la crise pouvait être jugulée avec la chloroquine. Dont les stocks disponibles pour les malades ayant besoin de cette molécule se sont retrouvés en danger, compromettant la santé d’autres malades… Molécule dont il est établi par les essais chinois qu’elle a une efficacité réelle in vitro, mais pas suffisante pour convertir l’épidémie de COVID-19 en une grippe saisonnière.
En France la politique des petits pas, encore et toujours
Au bout du compte, devant la vague de cas qui s’annonce, comme le résultat inexorable d’une déplorable fonction mathématique exponentielle, les pouvoirs publics ont fait le choix d’agir.
Agir, par petits pas. Fermer les écoles, mais laisser les micro-crèches ouvertes. Fermer les EHPAD, mais sans obligation de dépistage des personnels y travaillant, laisser les rassemblements au théâtre, au restaurant, en réunions de campagne électorale. Maintenir le premier tour des élections tout en bloquant les rassemblements.
Et confiner au lendemain des élections alors que la contamination a joué à plein compte tenu des conditions de vote (absence de détection des porteurs de virus à l’entrée, car pas de prise élémentaire de température –même si insuffisant en raison des porteurs asymptomatiques), absence de masques efficaces, de masque tout court, confinement dans un même local à la circulation d’air incontrôlée…).
Sur cette question qui fera l’objet de nombreuses analyses futures, il faut remarquer que la Corée du Sud qui prévoit des élections générales le 15 avril prochain dans plus de 15 000 bureaux de vote a édicté une procédure qui interroge sur celle retenue en France et supposée protéger la population. Que stipule la procédure coréenne ? (i) Tous les votants sont tenus de porter des masques ; (ii) leur température sera mesurée à l’entrée du bureau de vote. Les personnes ayant de la fièvre, 37,5 et plus et celles qui toussent seront orientés vers un circuit spécifique ; (iii) Les votants devront se désinfecter les mains et mettre des gants avant de rentrer ; (iv) ils devront impérativement respecter la distance de un mètre ; (v) les urnes et les équipements intérieurs des bureaux de vote seront désinfectés régulièrement. Enfin, pour les personnes sorties du circuit principal un circuit parallèle avec une protection renforcée sera établi. Les personnes malades, incapables de se déplacer pourront voter selon des procédures en cours d’élaboration de façon à ce que l’exigence démocratique soit maintenue (Source : The Korea Times, 20 mars 2020).
En France : confiner un peu plus mais laisser un nombre inopportun de résidents des grandes villes effectuer une migration en masse vers la province, où le taux d’équipements hospitaliers n’est pas nécessairement meilleur que dans les grandes métropoles, voire inférieur (cf. données publiés dans le Monde daté du 21/03/2020). Laisser circuler des trains bondés à partir des gares parisiennes avec des personnes probablement positives pendant quelques heures dans une situation de confinement critique où le taux de reproduction du virus devrait atteindre des sommets et mettre en danger une grande partie des passagers, en dépit des connaissances acquises avec l’expérience d’une population en atmosphère conditionnée-recyclée du Diamond Princess au Japon… Confiner encore, mais pas tout à fait. Quid des marchés publics, des sorties sportives, des livraisons de consommables plus ou moins indispensables d’Amazon et des autres plates-formes…
Parmi toutes contaminations complémentaires, combien de malades sévères vont encore contaminer les soignants ? L’histoire nous le dira.
A ce stade, que retenir ?
Que le gouvernement, LREM en ce moment, mais nul doute qu’il en aurait été de même avec un gouvernement issu du PS ou de LR, ou même des verts, a adopté un agenda de petits pas successifs pour ne pas heurter les Français. Avec le RN, même chose mais avec une réponse claire : c’est la faute de l’étranger. Avantage de la simplification. Désavantage de la malhonnêteté intellectuelle. Il en aurait été de même, pour une raison simple : la formation des élites produit une classe ayant les mêmes réflexes, la même culture et la même inculture relative. A savoir que la très grande majorité des dirigeants partage une même méconnaissance des bases des sciences du vivant. Qu’ils considèrent que les données scientifiques sont des données relatives et donc susceptibles d’interprétation ou de souplesse, comme peuvent l’être les données économiques et sociales. Qu’en aucun cas il n’existe des contraintes absolues dictées par les propriétés des agents pathogènes. Et que les scientifiques eux-mêmes, par leurs divisions et leurs conflits d’ambition, brouillent souvent le message principal.
2.Que le gouvernement français, comme ceux d’Italie, d’Espagne, d’Allemagne ont fait le choix de gérer les humeurs de leur population au lieu de gérer une crise infectieuse. Le COVID-19 n’a que faire des subtilités sémantiques de « confinement » ou « pas confinement ». Il répond à sa seule logique réplicative qui si elle n’est pas entravée, s’exprime avec un franc succès dans l’espèce humaine.
3. Que la démarche du gouvernement français n’est pas la pire. En ce moment même, les gouvernements du Royaume Uni, des Pays-Bas et de la Suède, proposent une approche basée sur la théorie de l’immunité de groupe (herd immunity) relative aux maladies infectieuses. Cette approche appliquée aux populations naïves conduit à prendre le risque de catastrophes majeures avec plusieurs centaines de milliers de victimes. Un rapport récent (dont les éléments ont été présentés à l’exécutif français le 12 mars 2020 avant l’allocution du président Macron) publié par l’Imperial College de Londres a modélisé les mortalités probables en cas de laisser faire. Le gouvernement anglais semble changer de point de vue depuis quelques jours seulement. Au pays de Darwin, ira-t-on jusqu’à faire jouer à plein les lois de la sélection naturelle?
Le difficile choix des patients à sauver
Donc, une exigence aujourd’hui. Casser les barrières de transmission. Confinement strict.
Avec une donnée importante. Face à l’afflux des malades graves, le potentiel des hôpitaux français est limité.
Tous les patients dont la probabilité de survie aux protocoles invasifs de réanimation serait très faible en raison de leur score de fragilité, pourraient malheureusement devoir être exclus des soins par manque d’équipements en nombre suffisant et des risques intrinsèques que ces procédures occasionnent. Les équipes soignantes italiennes, confrontées avant les françaises à ce terrible problème, ont dû élaborer dans la précipitation un guide d’instructions opérationnelles qui donne à l’appellation brutale de tri une forme d’évaluation rationnelle en période de crise.
Communiquer sur le sujet s’avère toutefois difficile, comme l’atteste l’article du Dr. Rosenbaum paru le 18 mars 2020 sur la situation en Italie. En pratique, les dilemmes insolubles sur les plans organisationnels et éthiques conduisent à produire des recommandations de fait. Leur application soulève toutefois des difficultés énormes pour les équipes de soignants. Comment gérer les sentiments de culpabilité qui résultent de choix impossibles mais nécessaires. L’une des recommandations les plus pertinentes des médecins italiens confrontés à la crise pour limiter le stress post-traumatique des décisions d’une médecine de guerre consiste à séparer les équipes médicales qui seraient chargées du tri des malades de celles qui seraient chargées de les prendre en charge. Répartir les responsabilités de manière à diluer la culpabilité est une vieille technique… dont on trouve de nombreux exemples dans l’histoire. Pour terminer, l’auteur de l’article souligne que les trois médecins qu’il a interrogés ont souhaité garder l’anonymat. Ils avaient reçu des instructions de leurs hôpitaux de ne pas communiquer avec la presse, au motif que les conséquences dans la population pourraient causer la panique. Ces médecins ont considéré que ce qui créerait le plus de panique serait de cacher la vérité et de minimiser la gravité de la situation, ce qui ne pourrait conduire qu’à un relâchement de l’obligation de confinement et donc à plus de victimes.
Observations préliminaires à une tentative de conclusion
Il est évidemment trop tôt pour tirer des conclusions de situations évolutives en cours dans des pays aux régimes politiques différents, et aux politiques de recherche et sanitaires divergentes.
De manière caricaturale, à ce stade des réflexions, la Chine (RPC), Taïwan, le Japon, la Corée du Sud, Hong-Kong et Singapour et les pays occidentaux disposent tous de ressources économiques, sanitaires, de recherche et d’expertise a priori suffisantes pour faire face aux problèmes posés par ce type d’épidémie. Divergent par contre les capacités de contrôle social sur les populations où la RPC a nettement pris l’avantage avec l’utilisation des moyens de contrôle de masse basés sur le traçage des individus (reconnaissance faciale, enregistrement et identification des actes individuels au moyen des réseaux de surveillance). Divergent également les cultures, issues de parcours historiques propres à chaque état. La capacité à « implémenter » une nouvelle instruction gouvernementale n’est pas la même dans un pays latin et dans un pays où l’appartenance à un groupe, une collectivité, une nation prime sur les intérêts individuels. Dans les pays latins, l’intégration des menaces heurte les convictions personnelles et changer les comportements de l’ensemble des populations requiert outre une contrainte publique majeure la perception d’une menace affectant la cellule familiale.
L’analyse de la dynamique de la crise du COVID-19 fera l’objet de nombreuses recherches dans les années à venir, en raison de son impact massif sur l’économie, la santé et la prise de conscience des fragilités du modèle de développement basé sur la phase actuelle de mondialisation.
Que nous disent les données préliminaires d’évolution de l’épidémie dans les différents pays ?
Ces données sont compilées en temps réel et disponibles notamment sur le site de l’université Johns Hopkins (USA) (https://www.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6). Comme toutes les données de ce type, elles souffrent d’une absence de validation qui conduit à relativiser les observations préliminaires. Mais elles présentent l’énorme avantage de la disponibilité immédiate.
Les différents types de réponse à la pandémie en Asie
Il apparaît que la très grande majorité des pays a adopté une politique relevant du laisser faire et presque de la pensée magique. "Cela se passe en Chine, loin de chez nous, et cela ne nous concerne pas". Les alertes de l’OMS ont été peu entendues. Les alertes chinoises sont globalement restées sans beaucoup d’effet, sauf dans les pays de la sphère asiatique. Tout aussi gênant dans la situation actuelle, les responsables politiques français en charge de la santé ces 20 dernières années ont largement ignoré les recommandations de l’OMS relatives à la gestion de crise de masse résumées dans un document de référence (Mass Casualties Management Systems) publié en… 2007. Sauf lors de l’alerte H1N1 pendant laquelle le gouvernement français avait anticipé les besoins en matériels et consommables.
Bien que les réponses dans ces pays aient été différentes, et une analyse a posteriori devra dégager les conclusions qui s’imposent, il semble que passée la première phase de sidération, la RPC avec sa politique de confinement forcé ait trouvé les moyens de contrôler la crise. Deux modèles différents apparaissent. L’un dans le Hubei, où le nombre de cas a explosé avec une phase exponentielle critique pour le système de santé et les personnes touchées par la maladie, l’autre dans le reste de la Chine où les mesures de traçage des populations et de dépistage ont permis d’éviter l’extension de l’épidémie. Pour le Hubei, malgré l’explosion du nombre de cas en janvier, la politique de confinement strict a porté ses fruits et en un mois et demi l’épidémie est passée sous contrôle. Et ce, en l’absence de traitement médicamenteux de référence.
Le Japon présente un tableau intéressant avec le cas du navire de croisière Diamond Princess et celui de la dynamique de l’épidémie sur les différentes iles du pays. Le Japon dispose des moyens sanitaires suffisants pour effectuer un dépistage systématique des personnes et isoler les porteurs sains et malades dans la première phase de l’épidémie. Il dispose également d’un système hospitalier de grande qualité. En dépit de cette capacité, des insuffisances sont apparues dans la disponibilité des tests, comme le relate le Asahi Shinbun au début du mois de février à Hokkaido. Malgré ces difficultés, l’épidémie a été relativement bien contrôlée, dans un pays dont il faut noter la proportion extrêmement élevée de personnes âgées (30% de la population a plus de 60 ans). Le gouverneur de Hokkaido pouvait ainsi annoncer le 18 mars la levée de l’état d’urgence coronavirus pour son territoire (source : Asahi Shinbun). Le Japon n’est pourtant pas sorti d’affaire comme en témoigne l’alerte formulée par un comité d’experts au gouvernement japonais et mentionnée dans l’édition du 20 mars 2020 de l’Asahi Shinbun. Et l’absence de mesure de confinement interroge, surtout avec l’apparition de nouveaux cas importés dans la région du Kanto.
Dans le cas de la Corée, la politique systématique de dépistage semble avoir évité que l’épidémie ne franchisse le stade où le traçage des porteurs sains et des malades dans la population devient impossible. Ceci a impliqué la disponibilité massive des outils de dépistage et des moyens de les mettre en œuvre. La situation reste cependant critique et la mobilisation importante. Outre le suivi et les soins aux malades, la Corée a mis en place un dispositif de détection systématique des cas et de quarantaine pour toutes les personnes rentrant dans le pays avec la création de centres d’isolement forcé. Cette mesure vise à prévenir des conséquences d’un effet rebond. Elle est également appliquée en RPC.
Le cas de Taïwan est intéressant. Instruit par la crise du SARS de 2003, ne pouvant compter que sur ses propres forces, le gouvernement de Taïwan a opté pour une approche très proactive (Wang C.J, 2020). Cette démarche est sans doute le résultat de l’isolement politique du pays, mais aussi et surtout des conclusions opérationnelles tirées de la crise de 2003. Ainsi, le 31 décembre 2019, dès la notification par la RPC de l’apparition de cas de pneumonies dues à un agent infectieux non identifié à l’OMS, Taïwan a procédé à l’examen au débarquement à Taipei de tous les passagers et membres d’équipage des vols en provenance de Wuhan avec prise de température et détection des éventuelles pneumonies. Dès le 5 janvier, la notification d’examens médicaux était étendue à tous les passagers qui avaient voyagé dans la région de Wuhan au cours des 14 jours précédents. Ces examens incluaient la recherche de fièvre, de maladies des voies respiratoires supérieures ainsi que le dépistage de 26 virus pathogènes dont le SARS-CoV1 et le MERS. Les personnes atteintes de tout ou partie de ces symptômes étaient placées en quarantaine pour 14 jours soit à la maison, soit à l’hôpital selon la gravité des symptômes. Sur la base des observations intérieures et de déclarations de cas sporadiques dans d’autres provinces que le Hubei, le gouvernement Taïwanais passait en mode alerte crise infectieuse le 20 janvier et activait l’ensemble des dispositions prévues à cet effet auprès de tous les ministères concernés.
Du 20 janvier au 24 février les principales mesures de lutte étaient prises. Ces mesures figurent dans une liste de 124 items énoncés par le CECC (Centre de Décision du Contrôle des Épidémies). Elles sont ici résumées : (i) contrôle des frontières aériennes et maritimes, (ii) identification des cas par dépistage systématique reposant sur tous les outils mobilisables à cet effet, dont les tests basés sur les outils moléculaires, (iii) quarantaine des personnes suspectes et des malades, (iv) mise en œuvre de techniques de recherche des contacts humains des cas suspects par des « méthodes proactives » (en pratique, recherche des personnes par tous les outils numériques de traçage, à l’instar de la pratique de la RPC), (v) information de la population visant à rassurer et à combattre la désinformation, (vi) mesures de fermeture des écoles et de soutien à l’économie. Ces mesures ont globalement porté leurs fruits, l’épidémie étant aujourd’hui sous contrôle à Taïwan, sans avoir fait appel aux mesures de confinement de la population.
Plus remarquable encore, alors que la pandémie explose sur la planète, Taïwan n’a eu a déplorer aucun mort et l’activité économique n’a eu à souffrir que des conséquences de la pandémie dans les autres pays mais pas des erreurs de gestion interne. Ce qui démontre s’il en était besoin qu’il n’est nullement nécessaire de faire appel à un régime totalitaire pour gérer rationnellement ce type de crise.
Rationalité et intelligence de situation semblent plus à même d’apporter les solutions appropriées qu’un contrôle totalitaire (tel qu’en RPC) d’un côté ou le choix du laxisme de l’autre (comme dans le cas des pays occidentaux).
Les mesures de protection restent en vigueur, notamment sur les flux de personnes avec l’étranger. Hong-Kong et Singapour relèvent globalement de la même approche avec des nuances importantes sur le plan des modes de gestion politique de la crise.
Ailleurs une politique du laisser-faire
Pour tous les autres pays, la politique du laisser faire a conduit à la situation actuelle de perte de contrôle. Et de catastrophe infectieuse dont l’évolution entre les politiques de confinement tardives et celles basées sur l’hypothèse de l’acquisition d’immunité de groupe va alimenter les analyses pour de nombreuses années. Au prix d’un nombre de victimes inacceptables. Déclarer l’état de guerre comme l’a fait le président français a été salué par une grande partie de la population rassurée par ce discours de fermeté. Mais il ne doit pas faire illusion et relève de l’exorcisme La capacité des services de santé des forces armées a été largement laminée depuis une vingtaine d’années. Et si les personnels des armées répondent à des ordres, la mobilisation des personnels de santé publics dans le traitement d’une crise infectieuse les amène sur un front pour lequel ils n’ont pas signé et avec des moyens largement insuffisants. Leur mobilisation, leur dévouement et leur abnégation ne saurait en temps utile être remerciées par des discours. Ce sont par des actes en faveur de l’hôpital public et du système de santé en général et des capacités de recherche que les gouvernements successifs seront jugés.
Sur les chaînes d’information en continu françaises, l’assertion récurrente comme quoi la France était, faute de moyens, dans l’impossibilité d’adopter la stratégie " coréenne ". Est-ce bien sûr ? On devrait d’ailleurs parler plutôt de stratégie “taïwanaise”.
L’histoire a certes répondu à cette question et la réponse a été: oui.
Rêvons un peu...
Autorisons-nous cependant une utopie.
A la fin du mois de janvier 2025, les premières publications chinoises, ajoutées aux informations alarmantes en provenance de Chine, attirent l’attention des épidémiologistes et des autorités sanitaires françaises et européennes. Le Directeur Général de la Santé auprès du ministre, lui-même épidémiologiste, est informé du contenu des données chinoises et peut traduire la menace aux dirigeants du pays. Compte-tenu du modèle de globalisation reposant sur les échanges de biens, de capitaux et surtout de personnes, il importe de se préparer à un scénario de dépistage des cas d’un nouveau coronavirus qui ne manqueront pas d’être importés à partir des zones contaminées.
La décision radicale de limiter les déplacements internationaux de personnes est prise. Simultanément, la décision de mobiliser de manière préventive les moyens de dépistage est prise : tous les équipements de RT-PCR (l’équipement permettant de détecter la présence de l’ADN viral) et les réactifs nécessaires sont mobilisés. Leur nombre sur le territoire français est plus que suffisant pour couvrir les besoins, si l’on mobilise ceux de l’INSERM, de l’INRAE, du CNRS, des universités et bien sûr des hôpitaux. Les personnels compétents dans ces établissements existent et n’exigeraient qu’un temps de formation restreint pour satisfaire aux exigences d’un protocole standardisé. Ce temps de formation, en situation de crise infectieuse majeure, est compatible avec la dynamique de l’épidémie au cours de la première phase. Une troisième décision complète les précédentes : isolement des premiers malades et dépistage de toutes les personnes ayant eu des contacts rapprochés avec eux, accompagnée par les moyens de protection des soignants. Que ces derniers n’aient pas besoin de se battre avec l’administration des hôpitaux et l’administration de la santé est quand même un pré-requis, qui là encore n’a pas été respecté dans la crise actuelle. Les fonctions supports au service des patients, et non des politiques.
Étonnamment, c’est exactement ce qu’a fait Taïwan, ce n’est donc pas une utopie !
On peut rêver. Le coût d’une telle approche serait évidemment sans aucune comparaison avec celui qui résulte de la politique de « laisser faire ». Il n’est pas interdit de penser que nous saurons tirer les leçons de nos erreurs. Même si le prix à payer sera effrayant. Les séquelles seront indélébiles, sociétales et politiques avec ses polémiques, ses procès et ses doutes, médicales avec ses morts et ses drames familiaux, personnelles avec l’absence de proches qui auraient dû être sauvés, personnelles enfin avec les séquelles médicales chroniques d’une simple « grippe ».
Il sera temps dans deux mois de se rappeler…du temps d’avant.
Références.
Huang Chaolin et al.,2020. Clinical features of patients infected with 2019 novel coronavirus in Wuhan, China.
Lancet, 595 :497-506.
Li Qun. et al., 2020. Early transmission dynamics in Wuhan, China of novel coronavirus-infected pneumonia. NEJM, publié en ligne le 29 janvier 2020. Accès libre.
Rosenbaum Lisa, 2020. Facing COVID-19 in Italy – Ethics, Logistics and Therapeutics on the Epidemic’s Front Line. NEJM., publié le 18 mars 2020.
Wang C. Jason, 2020. Response to COVID-19 in Taiwan. Big Data analysis, New Technology, and Proactive Testing. JAMA, online March 3.