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Billet de blog 1 décembre 2019

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comment sortir de l'édition parallèle ?

voici un poète connu dans l'underground des revues et éditions de poésie depuis 40 années mais qui, comme d'autres d'ailleurs, est repoussé (si j'ose dire) par ceux qui ont pignon sur rue ; voir aussi l'article du Monde Diplo de janvier, p 27

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HOMMAGE À GÉRARD LEMAIRE      (revue Florilège N°177 décembre 2019 (Dijon))

Robert Roman, ami de longue date de Gérard Lemaire (1-11-42/7-10-2016), retrace dans cet ouvrage de 400 pages aux éditions « Le Contentieux » la vie de ce poète « à hauteur d’homme », à l’initiative de son épouse, Marie-Josèphe Lemaire qui ne pouvait accepter que son œuvre disparaisse à son décès et à laquelle le livre est dédicacé, ainsi qu’à leurs enfants, pour la remercier de l’aide apportée. De nombreux témoignages d’une correspondance assidue enrichissent ce portrait singulier et donnent sens à la démarche poétique d’un être passionné par l’écriture et dont la vie même en dépendait, un recours vital pour celui qui voulait « porter la fraternité /entre (ses) bras ouverts » et échapper à « la pire oubliette, la tombe ! »

Robert Roman reprend avec justesse, dans son titre, le thème de la thèse réalisée par Gérard et dédiée à l’écrivain roumain de langue française Panaït Istrati (1884-1935) : « Un poète à hauteur d’homme », en ne craignant pas d’affirmer : « la Poésie que je choisis est celle d’un combat à la fois révolutionnaire et moral » où le poème serait « le lieu originel d’un jardin (que) l’amie du silence entrouvre pour s’y agenouiller » C’est dire toute l’importance de l’acte d’écrire pour celui qui ne fait aucune différence entre écrire et vivre, avec la volonté de « Peindre le monde ! À pleins mots ! Dans le vif ! … saisir au vol sa triste barbarie » ; « C’était Dieu, le poème, son existence… », car « Vivre c’est injurier et blasphémer… » : « Il y a la trogne d’un gueux qui rigole/ Et emmerde les cénacles poétiques/Où des singes licenciés déglutissent/Des cadavres esthétiques aux cils/vernissés. »

Dans son « Journal d’un chômeur », il saura traduire avec force ses expériences douloureuses : « On me tue ! On m’assassine ! On me fout en l’air ! On ne me voit plus ! » « Écoutez le chœur des chômeurs dans le vaste opéra bouffe ! Écoutez leurs trémolos pathétiques !... « C’est pour vous que sonne le glas, fantassins de Lucifer ! » Il témoignera encore : « Ils ont tué le peuple/Je suis la trace d’une voix toujours effacée de son sacrifice obligatoire/Je suis son souvenir abattu par tous les fusils aux aguets… / C’est le peuple qui tient les clefs de la parole/Il est la Poésie même son flux et sa vérité… »

Il poursuivra ainsi son combat : « Ce qui ne peut se nommer/Voilà ce à quoi tu travailles… » en fustigeant les « Écrivains à palmarès/Poètes trop couronnés/Vos plumes tellement larges…/N’ont pas fait reculer d’une semelle/L’injustice et la guerre/Et cette apocalypse des armes… »

Il nous donnera cette définition de la poésie : « Ce serait la poésie ça/La croyance en ce qui n’a lieu nulle part – outre soi… Seul le poème peut répondre/à ce qui te serre si fort la gorge… » avec cette sensibilité empathique « Pour tous ceux qui souffrent/Dans leur chair abîmée d’humiliés et d’exploités… (face au) silence complice des têtes pensantes ». Dans cette époque « d’hyper-superficialité » il répétera sa foi en ces phares méconnus qui ont payé de leur vie leur idéal de justice, « cette fraternité de poètes » (Lorca, Desnos, Sylvia Plath…) dont le cheval de bataille est « la liberté d’expression absolue » pour reconnaître enfin : « Je n’ai pas trouvé d’autre voie sur cette terre que la voix de la poésie…/ Mais la poésie se doit d’être sociale. Sans condescendance, ou elle meurt. Et politique/Plus que jamais »

Il témoignera dans sa riche correspondance de son affection pour le courant prolétaire, les lettres décorées de Pascal Ulrich (1964-2009), la figure internationale de l’art postal Rémy Pénard (né en 1944). Il rendra hommage à Ferrucio Brugnaro pour son engagement, à Louis Delorme dans « Soif de mots », en étant reconnaissant aux nombreux responsables de revues qui ont accepté de publier ses poèmes, malgré des rapports souvent conflictuels. De 1973 à 2016, plus de 200 revues accueillirent « l’homme aux 10 000 poèmes » ! Et parmi ces revues, l’on peut citer Florilège et l’Aéro-page 2002, dans laquelle Gérard Lemaire défend avec passion la cause du prisonnier Abu-Jamal (journaliste, écrivain et militant afro-américain impliqué dans le meurtre d’un policier et qui a toujours clamé son innocence…)

Pour Robert Roman, à travers les témoignages émouvants de ses amis, ses pensées sont à méditer et son œuvre à considérer, avec cette très belle conclusion qu’il nous offre dans ces vers choisis : « Ce serait bien de s’endormir/Avec un long poème dans la bouche/Son sourire défierait le temps… ! »

» (400 pages, éditions le Contentieux, 20 €)

Contact: Robert ROMAN

“le Contentieux”

7, rue des Gardénias 31100 TOULOUSE

Yolaine BLANCHARD

yolaineblanchard@aol.com

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