Dans l'aube d'un millénaire.
Malgré tout ce jour est resplendissant
Mais pour le prisonnier Abu Jamal
Ce printemps
A quoi peut-il ressembler
Est-ce qu'il y a un rayon qui éclaire sa cellule
Malgré tout j'ai le souffle coupé ce jour de mai
Il fait si beau
Si beau au-dehors
Personne ne peut guère penser au prisonnier
Il est toujours là
Il est resté là au même endroit
Depuis tant d'années
Quelle couleur peut avoir sa pensée
Je le vois sourire
Malgré tout
Il rit même peut-être avec un voisin
Peut-être en pensant au monde
A ce juge Sabo qui l'enterre si allègrement
Mais il sait que ses amis se comptent par
milliers et centaines de milliers
Malgré tout
Songe-t-il aux livres qui lui manquent
Et à telle odeur de groseilles dans les jardins
à cette époque
Il ne peut songer qu'à ces mille choses qui lui
ont été retirées
Comme son fils
Qui l'attend
La pensée fuit quelque part
Malgré tout aujourd'hui
La lumière tombe en telles grappes de feu
Et le monde roule ainsi dans toutes les
dérélictions / et les massacres
Les mensonges déguisés en morales austères
Le prisonnier regarde le mur de sa prison
Le prisonnier symbole / condamné à mort et
à l'attente de la mort
Gérard Lemaire 2002
dans la revue de poésie L'Aéro-Page n°40 (Dijon)
dans "Gérard Lemaire, un poète à hauteur d'homme", p347 ; édité par le Contentieux, Toulouse
à lire l'affaire Dreyfus et l'affaire Mumia Abu Jama, on reste stuféfait devant les mensonges, les entêtements, le racisme qui conduisent des hommes innocents en prison parce qu'on a besoin d'un coupable et si en plus il est juif ou noir, l'iniquité est encore plus facile à mettre en œuvre