Prolétaire
Ô prolétaire
Acceptes-tu mes quelques vagues suppliques
Ces paroles que je sais virevoltantes
Ces phrases que je lance sans assez savoir
leur beauté
Par exemple
Tu es la fleur pas encore ouverte
(Le savais-tu vraiment)
Tu es toi-même le seul poème que je n'arrive
pas à faire éclore
Que je ne peux dire ni connaître
Tu possèdes cette Réalité que l'on te cache
C'est toi cette anémone que Rilke chantait
Dans un arrêt du Temps
Cette sève t'appartient dans tout ton travail
Et l'anémone se courbe pour l'espérer en
secret
Gérard Lemaire 2001
V
Muscle floral, ouvrant à l'anémone
par lents degrés le matin des prairies,
jusqu'à ce qu'en son sein les cieux déversent
leur clarté, leur pleine polyphonie,
muscle tendu de l'accueil infini
au cœur silencieux de cet astre en fleur,
accablé parfois de tant d'abondance
que c'est à peine, au signal du couchant,
si les plus loin rebords de tes pétales
peuvent alors se replier vers toi :
force et décision, toi, de tant de mondes !
Nous, les violents, nous durons plus longtemps.
Mais quand, dans quelle existence entre toutes,
nous ouvrons-nous enfin pour accueillir ?
Rainer Maria Rilke
Sonnets à Orphée, deuxième partie