Rue Ahmed Chayeb.
Rue Ahmed Chayeb
Tu as lu dans le journal
Qu’un anarchiste avait été condamné à mort en Espagne
La chambre d’hôtel n’a pas tressailli
Et nous non plus
Comment s’appelle-t-il t’ai-je demandé
… Puig Antich … Puig Antich …
Tu as répété plusieurs fois
Le nom incompréhensible
Et puis et puis
Tu m’as caressé
Parce que je t’aimais
Et puis et puis
Tes caresses m’ont déshabillé
Parce que je t’aimais
Et puis et puis
Je t’ai fait l’amour
Avec violence
Parce que je t’aimais
Parce que je t’aimais
Dans cette rue Ahmed Chayeb à Alger
Cette rue qui chantait dans l’après-midi
Comme chantent toutes les rues en hiver et en été
À Alger
Et toi
Avec qui je fuyais
Je ne sais quoi
Toi que j’appelais Guelsomina
Par ton âme et par ton corps qui me brûlaient
Qui me sauvaient
De je ne sais quel charnier
Dans la rue Ahmed Chayeb
Quelle vie bête klaxonnait
… Puig Antich … Puig Antich …
Même si la mort demeure sans propriétaire
Et même si ça n’a aucune importance
Je voulais t’aimer
Gérard Lemaire 1975
p16 dans L'Ouvre-Monde /exercices pour un poème/, 1975 collectif d'Apostrophe Paris
page326 du livre "Gérard Lemaire, un poète à hauteur d'homme", le Contentieux Toulouse
Né le 30 mai 1948 à Barcelone, Salvador Puig i Antich était un anarchiste catalan, membre actif du Mouvement Ibérique de Libération. Le 2 mars 1974, il fut exécuté par le régime franquiste. Il avait 26 ans. En 2006, Manuel Huerga réalise le film "Salvador". En 1974, Joan Miro peint : "l'espoir du condamné à mort" ; il a écrit ces quelques lignes :
« Il est étonnant, et pourtant significatif, que j'aie terminé ce tableau le jour même où ce pauvre garçon, Salvador Puig Antich, a été exécuté au moyen du lacet étrangleur. […] une ligne noire sur fond blanchâtre, une ligne noire comme un fil que quelqu'un coupe car il a la force mais aucune pitié. »