Il m'est aujourd'hui difficile de ne pas penser qu'il y ait une part d'intentionnalité dans cette crise.
Comment ne pas situer la crise actuelle en France dans le prolongement des divers mouvements sociaux que nous avons connus : les gilets jaunes ainsi que les multiples manifestations contre la réforme des retraites? Nous pressentons, sans en avoir une conscience claire, parce que nous ne sommes pas en capacité de proposer les analyses de l'information qui seraient nécessaires pour comprendre, que le contrôle accentué de l'information auquel nous assistons de la part du pouvoir, toujours effectué avec la même lénifiante et sénile bienveillance, poursuit une autre intention que celle du soin. Beaucoup de simples citoyens comme moi sont désemparés car n'étant pas en situation de comprendre. Nous sentons qu'un contrôle de l'information est en cours sans que nous ne puissions jamais pouvoir en fournir aucune preuve.
Dès lors, il est inévitable que les hypothèses les plus folles ou extraordinaires surgissent dans notre esprit sans pouvoir non plus les contredire. Pourtant les présomptions sont de plus en fortes et nous hésitons même à les partager tant le risque est grand d'être catégorisé comme complotiste ou conspirationniste, irrationnel ou fou. Mais enfin, me disait un ami, tu ne vas quand même pas prétendre que le Covid 19 a été créé par tel ou tel gouvernement et qu'il a sciemment déclenché l'épidémie? Ce n'est pas du tout ce que je veux dire.
Dès le départ de cette crise j'ai pensé que le contrôle était prioritaire par rapport au soin. Je l'ai pensé parce que nous étions, dès avant la mesure de confinement généralisé, placés dans l'ignorance par rapport à notre situation individuelle devant la maladie. Nous ne pouvions, ni savoir si nous étions malades, le diagnostic étant impossible ou très difficile à obtenir, ni réellement nous protéger, puisque nos institutions publiques de santé ne disposaient ni de masques ni de tests ou si peu. Or, encore une fois en tant que simple citoyen, le réflexe pour pouvoir entreprendre une démarche de soin est d'établir un diagnostic le plus précis possible. Je sens que je suis malade : qu'est-ce que j'ai? Je vais voir mon médecin qui établit un diagnostic, ainsi il m'informe et peut me soigner. Ici la séquence gouvernementale est fondamentalement différente en ce sens qu'elle ne repose pas sur le diagnostic mais uniquement sur le contrôle à la fois de l'information et de l'épidémie. Pourquoi pas me rétorquerait-on? Dans ce cas il faudra accepter comme légitime ces mensonges d'Etat au sujet des tests et des masques qui sont semblent-ils aujourd'hui avérés. Je pense que le mensonge, dans un régime qui se revendique démocratique, quand il est ainsi avéré publiquement, démontre immédiatement qu'il s'agit d'autre chose, d'un autre type de régime politique.
L'information débattue est le coeur vital d'une démocratie qui prend au sérieux tous les enjeux sociaux y compris les enjeux de santé. Aucun de ces enjeux ne doit pouvoir échapper aux débats contradictoires pour savoir comment agir. Beaucoup le disent, et de beaucoup plus savants que moi, l'accès à l'information dans son caractère contradictoire est absolument essentiel à la vie démocratique. Sans ces débats, ses affrontements, qui aboutissent non pas à des données absolues en termes d'information mais à des données dont chacun peut retrouver la ou les sources, la réflexion humaine "tourne à vide". La raison humaine peut devenir folle car elle n'a pas d'ancrage pour s'élever à une compréhension des faits. En particulier, elle est dès lors incapable d'enchainer les événements selon une logique rationnelle qui soit en coïncidence avec les faits eux-mêmes. Elle devient aveugle.
Il ne s'agit pas d'écrire que la nature et ses virus agissent avec une petite étiquette néolibérale sur leur front, mais de comprendre comment il est possible d'aller très loin dans l'instrumentalisation de phénomènes naturels, qui somme toute ne datent pas d'aujourd'hui. Non pas que la nature soit bonne ou mauvaise, non pas qu'elle nous dise quelque chose de bon ou de mauvais, mais il s'agit de comprendre comment il est possible de lui faire dire quelque chose qu'elle ne dit pas. Quelque chose du genre : "Nous sommes en guerre!", comme pour nous préparer à des sacrifices humains nécessaires et naturels eux-aussi. Parce que finalement, le slogan "Nous sommes en guerre!" est un slogan transposable, transférable aux mouvements sociaux qui ont précédé la crise sanitaire. Il installe définitivement un clivage contre l'ennemi, recrée une unité nationale contre lui, et malheur à ceux qui ne se mobilisent pas contre cet ennemi. Retrouver l'unité de la nation à peu de frais, c'est cela?
Je pense que c'est à cette lumière qu'il faut comprendre la mesure de confinement général alors que d'autres stratégies basées sur la connaissance et la science étaient possibles. Je pense qu'il est tout à fait logique de tenter de relier les séquences que nous avons connues : Gilets jaunes - Réforme des retraites - Crise sanitaire. Pour cela, il ne faut pas se placer pour les observer sous l'angle des phénomènes sociaux ou naturels, mais se placer du point de vue de la stratégie gouvernementale qui n'a pas changé d'un pouce quoiqu'il en dise : le contrôle, l'abus de pouvoir, le mépris du peuple en raison de la position transcendante qu'a prise le Président de la république depuis son installation à l'Elysée.
C'est pourquoi, je ne pense pas qu'il faille taxer le gouvernement de légèreté, de maladresse, ou d'inconséquence, ou encore de communication malhabile. Je pense au contraire qu'il est tout à fait constant sur sa ligne de réformes. Réformes qu'il continue de poursuivre même pendant la crise sanitaire, selon sa philosophie d'une économie politique placée au tout premier plan. J'en veux pour preuve la commande de la part du gouvernement, d'une note courant mars 2020, faite à la Caisse des Dépôts et de Consignation pour quelques idées de réformes de l'Hôpital Public. Cette note révèle qu'on ne change pas une recette de privatisation qui marche si bien.
Nous comprenons mieux maintenant ce que nous avons toujours eu tendance à penser comme une sorte de double langage, le fameux "en même temps", dans le discours du pouvoir. Il se trouve justifié par la guerre qui permet d'associer, en même temps, la nécessité du sacrifice pour les soignants qui sont sur le front, en première ligne sans protection, avec le désir profond de réformes autoritaires d'austérité qu'affiche notre gouvernement. En réalité, une réforme avec au coeur d'elle ses sacrifiés. Comment est-il possible de penser cela aujourd'hui, tant ce que nous vivons paraît tellement impensable? C'est bien la confiance en la raison humaine qui se trouve ébranlée tellement elle se trouve en situation de déréliction.
Allons-nous accepter de mourir parce que tel est son amour?