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Lénaïg Bredoux

Journaliste, codirectrice éditoriale et responsable aux questions de genre

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Billet de blog 30 juillet 2024

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Maroc : Mediapart salue la libération d’Omar Radi et de ses confrères

Plusieurs journalistes ou militants des droits humains, tous critiques du régime marocain, ont été graciés par le roi du Maroc. Pour Omar Radi, Soulaimane Raissouni, Taoufik Bouachrine, Imad Stitou, Hicham Mansouri, Maâti Monjib et Saïda El Alami, notre soulagement est immense. 

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Des années de harcèlement et de souffrance. Et un immense soulagement. À la surprise générale, les journalistes marocains Omar Radi, Soulaimane Raissouni et Taoufik Bouachrine sont enfin libres. Ils ont été graciés par le roi Mohammed VI à l’occasion de la fête du trône célébrée mardi 30 juillet, marquant les 25 ans de règne du monarque. 

D’autres journalistes ou militants des droits humains ont bénéficié de la mesure, notamment Maâti Monjib, une des voix critiques les plus emblématiques du règne de Mohammed VI, à l’origine de l’Association pour le journalisme d’investigation, mais aussi Imad Stitou, Hicham Mansouri et Saïda El Alami.

Si vous êtes lecteur ou lectrice de Mediapart, ces noms vous seront sans doute familiers. Ils sont ceux de journalistes et de militants courageux qui ont été poursuivis parce que leur travail d’information et leurs révélations représentaient une menace pour le régime marocain.

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Le journaliste Omar Hadi enlace un ami après avoir été libéré de prison, le 29 juillet 2024. Le roi du Maroc, Mohammed VI, a gracié trois journalistes à l’occasion de l’anniversaire des 25 ans de son règne. © Fadel Senna / AFP

Connu pour avoir couvert en 2016 et en 2017 le Hirak du Rif, ce long soulèvement populaire violemment réprimé dans le nord-est du Maroc, Omar Radi travaillait sur l’accaparement des terres, suivait les mouvements sociaux, s’intéressait de près aux intérêts enchevêtrés de la monarchie et du capital, marocain ou étranger.

Interpellé en 2019 puis condamné à quatre mois de prison avec sursis en 2020, il avait été la cible du logiciel espion Pegasus, produit par la société israélienne NSO et utilisé par le Maroc.

Cible d’un harcèlement policier et judiciaire quasi quotidien, Omar Radi avait ensuite été la cible d’une nouvelle accusation : une plainte pour viol, dont Mediapart, L’Humanité et de nombreux rapports d’ONG ont démontré qu’elle était l’instrument de la répression. Il avait finalement été condamné à six ans de prison ferme au cours d’un procès inéquitable – une peine confirmée par la Cour de cassation en 2023.

D’autres journalistes marocains ont subi le même sort : Soulaimane Raissouni, rédacteur en chef d’Akhbar Al Youm, un journal indépendant aujourd’hui disparu, et Taoufik Bouachrine, fondateur de ce quotidien arabophone. Le premier, arrêté en 2020, a été condamné à cinq ans de prison pour « agression sexuelle », au terme d’un procès expéditif, sans sa présence, ni celle de ses avocats. Le second, incarcéré depuis 2018, avait écopé de quinze ans de prison pour « viol », « traite d’êtres humains » et « agressions sexuelles » à l’encontre de plusieurs femmes, dans des circonstances similaires.

Voilà #MeToo instrumentalisé par un régime qui souhaitait faire taire toutes les voix critiques.

Nous avons, à Mediapart, été le témoin de l’acharnement du royaume marocain à l’encontre de ces journalistes : en 2021, Forbidden Stories a révélé l’espionnage dont nous avons également été la cible – par l’intermédiaire des téléphones d’Edwy Plenel, alors président de Mediapart, et de Lénaïg Bredoux, alors responsable éditoriale aux questions de genre.

La procédure judiciaire engagée en France, et toujours en cours, a démontré que nos téléphones avaient été la cible du logiciel Pegasus, notamment dans les périodes précédant les mises en cause des journalistes marocains. Comme nous en avions témoigné dans un documentaire d’Amnesty International, de nombreux indices concordent pour affirmer que nous avons été espionné·es dans l’optique de mettre en cause nos confrères. La manœuvre est perverse, et malheureusement répandue.

Nous sommes d’autant plus heureux et heureuses de la libération de nos confrères, ainsi que des militants des droits humains. Nous pensons à tous ceux et toutes celles qui sont encore emprisonné·es, malgré le silence insupportable des autorités françaises.