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Billet de blog 8 septembre 2024

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« En intérim », de Ker Batia : méserrances salariales

Au départ, des billets de blog. Puis la nécessité s'est imposée à nous de mettre en page toutes ces belles lignes. Le lectorat regrettait très justement Joseph Ponthus, eh bien, c'est un peu comme si sa brutale disparition avait suscité un sursaut d’écriture sur ces questions du travail, surtout précaire. Alimentaire et pas toujours digeste...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ker Batia publie son EN INTÉRIM – Méserrances salariales chez ABC’éditions. Ce sera son premier livre. On souhaite longue vie au livre et à la carrière d’écrivain de ce jeune homme au style affûté. Et comme c’est une histoire d’abord médiapartesque, la préfacière ne pouvait être autre que Myriam Dhume-Sonzogni qui nous a fait connaître cette bouffée d’air littéraire mais pas que.

Illustration 1
EN INTÉRIM, de Ker Batia © ABC’éditions Ah Bienvenue Clandestin·e·s !/ avec illustration de couverture de Thierry Roche

(Le dossier de presse est accessible en fin de billet)

L’avis de l’éditeur adressé à son auteur en attendant un prolongement de l’entretien sur d’autres canaux :

On aurait tendance à classer ton écrit dans les récits poétiques, une poétique de l’instantanéité. Par exemple, cette concrétude des faits que tu brosses, celle des situations, au travail ou dans l’attente du travail ; mais, surtout, ce déchirement existentiel du « Quel sens donner à nos journées dans un monde aux contraintes économiques extrêmement fortes, sinon rigides ? ». Et là, exactement, ce qui en découle, « travailler pour pouvoir vivre », ce droit de vivre exclusivement borné par et pour le travail, signale tout le tragique et même le politique qui affecte les personnes. 
      Par contre-coup, ce paradoxe n’en est que plus réussi, plus surprenant, plus touchant. L’inconciliable fait matière dans ta prose. Ton sujet est l’écartèlement : ce dilemme où s’égarent des millions de destins dépendant d’un salaire. Par un habile renversement des hiérarchies, tu places en évidence au premier plan le tout dernier stade social (le terrain de l’action, l’exécution manouvrière), tu le situes précisément au degré zéro de la prise de conscience des gens au travail, au ras des pâquerettes – sans fleur, pas même de rhétorique. Ton écriture devient un levier à la lecture. Elle prend appui sur des techniques quotidiennes, des débrouilles personnelles, des combines partagées, chaque détail qui pousse nos regards loin en avant, ailleurs. Il en ressort une forme de jubilation inespérée... Tu y parviens habilement, avec délicatesse et sans tricherie ; tu déniches de la sorte ce que James C. Scott appelle “le texte caché des subalternes”, une solidarité informe de prolos conformes malgré tout au boulot, mais aussi leurs connivences tacites à tenir face à l’intenable... 
      Et cette avancée d’authenticités aux multiples facettes s’effectue à faibles doses chez toi, sans grands éclats, par touches sensibles, le télescopage idées contre faits, l’observation fine, les comparaisons tangibles. Bref, tu participes d’une littérature du “Comment s’en sortir ?”. La volonté d’évasion s’y inscrit ligne à ligne, avec pour outil l’écriture, langage de la survie en milieu hostile. La stimulation du renversement.

      Ma question : comment en es-tu arrivé à ces partis-pris stylistiques qui ne sont pourtant en aucune façon de simples formes esthétiques, mais bien plutôt une issue critique face au dilemme de toute personne placée devant la nécessité de trimer pour résoudre ses problèmes de subsistance ?

Ker Batia. Déjà, tu as résumé ce que je pourrai te répondre, par ici : « Tu participes d’une littérature du “Comment s’en sortir ?” ». 
Je m’en sors, en partie, par là, par l’amusement que me procure le décou-page au couteau de mes journées avec des mots bien aiguisés. En réalité, il y a très peu de travail derrière ces textes. Déjà, parce que je n’ai pas le temps, et ensuite, parce que soit ça marche, soit ça ne marche pas. Quand ça se passe, là, maintenant, je sais que c’est ça, que je vais écrire, puis le fil se tire tout seul. Si ça bloque, demi-tour, mauvaise direction. 
Forcément, le style en découle. Toujours Bukowski en tête : « Chaque phrase doit avoir son propre jus ». Je cherche à ce que ce soit chaque mot. Pour ça, j’ai surtout écrit de la poésie pendant très longtemps. Pour leur redonner toute leur force, leurs contours, leur poid, leur tranchant. Bukowski ajoutait que c’était comme ça qu’il fallait écrire  : « bim bim bim bim bim ». Alors je fais « tchak tchak tchak tchak tchak ». Et je le sens bien, si ça ne mord pas. 
Ce qui est grisant, c’est aussi de voir comment je choisis consciemment ou pas un instant plutôt qu’un autre. J’y réfléchis après coup, et ma vision des choses peut changer de cette manière. Un petit peu, j’espère. 
Et puis je pense à la personne qui va lire. Je ne veux surtout pas qu’il ou elle s’emmerde. Je veux faire sentir. 
Qu’il ou elle vive. 
Si l’on peut rire un peu, alors là !... 

L’éditeur : Et le point-virgule !... signe de transition, il vient s’intercaler précisément entre deux situations ; il peut marquer une pause, soit ; mais il joue surtout le rôle de la respiration quand le souffle se fait trop court, ou qu’il est coupé, tranché. Faucille et marteau : Tchac-Poum !... 

EN INTÉRIM – Méserrances salariales, de Ker Batia, 112 pages, format 140 sur 200mm, 114 grammes, avec illustrations de l'auteur, préfacé par Myriam Dhume-Sonzogni, Illustration de couverture de Thierry Roche, chez ABC’éditions. ISBN 978-2-919539-35-2, 13 €  ABCeditions.org,

Dossier de presse (8 pages, avec coordonnées des contacts) : 

Dossier de presse EN INTÉRIM, de Ker Batia © ABC’éditions Ah Bienvenue Clandestin·e·s ! (pdf, 2.7 MB)

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