Appel à la solidarité avec Abdallah Said
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Suite du communiqué publié par RFI le 17 novembre 2024 : « Selon Romdhane Ben Amor, le transfert de l'enquête au pôle antiterroriste est “un signal dangereux, car c'est la première fois que les autorités l'utilisent pour des associations spécialisées dans la question migratoire”. »
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Communiqué de Mouhieddine Cherbib pour le CRLDHT (Comité pour le Respect des Libertés et des Droits Humains en Tunisie)
Le 12 novembre 2024, Abdallah Said, activiste et président de l’Association Enfants de la Lune de Médenine, a été placé en garde à vue par la cellule d’enquête financière tunisienne. Après un long interrogatoire, les charges retenues contre lui restent floues, mais semblent principalement liées à son engagement humanitaire en faveur des enfants réfugiés, migrants et abandonnés dans la région de Médenine.
Cet événement s’inscrit dans un contexte préoccupant de criminalisation de la solidarité en Tunisie, qui s’est intensifié depuis mai 2024. À cette époque, la répression avait déjà ciblé plusieurs figures de proue et organisations humanitaires soutenant les migrants, notamment avec l’arrestation de Saadia Mosbah, présidente de l’association Mnemty, et de Sherifa Riahi, ancienne directrice de Tunisie Terre d’Asile, ainsi que des membres du Conseil Tunisien pour les Réfugiés et d’autres militants et militantes en lien avec la solidarité avec les migrants *. Ces arrestations illustrent une dérive autoritaire visant à réduire au silence toute critique des politiques gouvernementales ou de l’aide humanitaire en lien avec les migrants subsahariens.
Cette répression a coïncidé avec des campagnes de haine et des discours racistes, alimentés par des déclarations officielles, au plus haut niveau de l’Etat. Tunisien, décrivant les migrants subsahariens comme une "menace" pour l’identité nationale tunisienne. Cette rhétorique a eu des conséquences dévastatrices : expulsions forcées, déportations collectives vers le désert libyen et la répression ciblée contre ceux et celles qui s’opposent à ces pratiques racistes et inhumaines.
Abdallah Said : nouvel exemple de la criminalisation de la solidarité
Abdallah Said, citoyen tunisien d’origine tchadienne, milite depuis des années pour la défense des droits humains et la protection des enfants migrants et réfugiés. Dans le cadre de son association les enfants de la lune, il s’est toujours occupé des enfants tunisiens handicapés et des migrants. Son seul “crime” est son engagement en faveur des plus vulnérables, dans le strict respect des lois tunisiennes, avec une reconnaissance locale et internationale.
Son arrestation est encore un exemple d’une stratégie répressive visant celles et ceux qui défendent les droits humains et soutiennent les migrants. Cette politique, amorcée en Tunisie sous prétexte d’une "urgence migratoire" fabriquée, s’est traduite par des arrestations arbitraires*, des campagnes de haine sur les réseaux sociaux et une criminalisation croissante du travail des organisations humanitaires.
Nous soulignons le caractère politique de l'arrestation de Abdallah Saïd, en contradiction avec les engagements internationaux de la Tunisie.
Nous demandons :
- La libération immédiate d’Abdallah Said et de toustes les détenu·es poursuivi·es pour leur engagement humanitaire. *
- La fin des persécutions contre les organisations et individus solidaires envers les migrant·es.
- Le respect des droits humains, de la dignité et des normes juridiques internationales, notamment envers les réfugié·es, demandeurs et demandeuses d’asile et migrant·es.
Nous appelons toutes les organisations maghrébines, françaises et internationales partageant les valeurs de solidarité et de droits humains à dénoncer cette dérive répressive et à soutenir activement les personnes qui, comme Abdallah Said, sont persécutées pour leur engagement solidaire avec les migrant·es.
Dignité pour les réfugié·es, les migrant·es
*Sherifa Riahi, Ancienne directrice de “Terre d’asile Tunisie” (2016-2021/2022), placée en garde à vue le 8 mai 2024 pour des soupçons de blanchiment d’argent. Dans la foulée, deux autres personnes ont été arrêtées dans le cadre de la même affaire : Iyadh Bousselmi, directeur actuel de “Terre d’asile Tunisie”, et Mohamed Jouou, responsable financier.
*Saadia Mosbah , Militante antiraciste et présidente de Mnemty, arrêtée début mai 2024 et poursuivie pour blanchiment d’argent, dans un contexte de répression des associations critiques.
*Mustafa Jamali, président du Conseil tunisien pour les réfugié·es, et Abdelrazek Krimi, chef de projet au sein du même conseil, ont été arrêtés en mai 2023, accusés d’héberger illégalement des personnes étrangères et de recevoir des financements étrangers.
*Abdallah Saïd, fondateur de “Les Enfants de la Lune”, a été arrêté le 12 novembre 2024 et transféré au pôle antiterroriste, accusé de recevoir des fonds étrangers pour aider des migrants. Hanen Neji et Najet Thabet, responsables de l’association, ont également été arrêtées dans la foulée.
Premiers signataires :
- Le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie – CRLDHT
- Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives – FTCR
- Association Démocratique des Tunisiens en France – ADTF