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Billet de blog 24 décembre 2023

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La petite agonie de la joie, de Marie Dardigna et François Dupuis

Rencontre d’un carnet et d’un agenda. Mise en pages des mots du jardin de la poète Marie Dardigna avec la délicatesse au crayon du peintre François Dupuis. Chez Az'Art Atelier éditions

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Illustration 1
Couverture à rabats de la petite agonie de la joie © Maquette de Danielle Roublin-Triquère pour Az’Art Atelier éditions
Illustration 2
La petite agonie de la joie © (non crédité)

C’est simple. Sobre et d’une austérité souple, flegmatique. Étiré en hauteur. Dès l’abord, c’est son élégance qui accroche. Le livre tient en main par sa taille étroite autant que par le raffiné de sa couverture : un bleu sombre qui soutient l’annonce du titre sous son nom d’auteur. Marie Dardigna sur La petite agonie de la joie.

On ouvre n’importe où, pour savoir, au hasard : « Garde le temps encore », en milieu d’ouvrage, et là, autre étonnement, pas de numéros de pagination !... L’expression nous a interpelé comme un aphorisme. Curieux, on consulte le recueil une fois de plus, avec une attention plus soutenue. Les lignes sautent, on pense à l’étymon du vers (le versus latin, où le soc tournant traçait un nouveau sillon), les lignes sautent et nous retiennent par leur nonchalance assidue, la virevoltante bonace d’une humeur égale – ou semblant égale – que ponctuent sous nos yeux de concises observations tirée de la vie au jardin. Et auparavant ?...

« Qui sait le sang du tronc, le brutal incendie des soleils d’insolence ?
Le grand désordre de la mort écrasera demain mille graines sur  la terre. »

Plus loin ?

« Le jour sait bien venir. »

On se prend à lire d’emblée. Feuilleter l’ouvrage avive la surprise. Les surprises. D’avant, d’arrière, une cinquantaine de pages épaisses promènent leur beige tranquille. Pas sûr qu’une progression soutienne l’ensemble, et, en même temps, l’ensemble repose sur une cohérence, ça se sent, ça se devine à lire une expression puis l’autre, d’un rappel du même à une nuance du semblable. Avec sa petite agonie de la joie, Marie Dardigna étale la sérénité de l’éphémère et pénètre de plain-pied l’aphorisme de Gilles Clément : « Pour faire un jardin, il faut un morceau de terre et l’éternité » scandé çà et là de quelques gravures du peintre bourguignon François Dupuis.

Illustration 3
Couverture à rabats de la petite agonie de la joie © Maquette de Danielle Roublin-Triquère pour Az’Art Atelier éditions

Les lignes attendaient une écriture et l’écriture s’est transformée en ramures d’arbuste, en suspension d’oiseau mort, en fenêtre ouverte sur la futaie, en pantoufles, en cavale de souris. Magie d’un recueil ordonnancé avec l’acuité d’orfèvre de la maquettiste Danielle Roublin-Triquère entourée de Naïa Clavé et Aurore Palau. Il y a comme une évidence dans ce côte à côte entre les retours à la ligne de l’écrivaine sur son carnet et les tracés épurés, naturalistes et sûrs, du dessinateur au long des lignes d’un agenda anglais.

La surprise est accrue par la datation clairsemée pêle-mêle qui se rit de la linéarité de nos chronologies. Le manque de correspondance terme à terme entre le texte et le dessin oblige à trouver quelques passerelles significatives : « la main griffe » semble commenter une main posée à plat sur le haut de page, pendant qu’ailleurs « Un doigt essuie de vieilles craies / sur l’aplat du ciel. », « L’herbe se brise / Aminci / le vert s’éloigne de la main avide. »

Le journal que tient quotidiennement François Dupuis constate à sa manière aussi sa « Petite mort / Sans apparat / enfouie / À peine annoncée »... et qu’enfin, au-delà du retour des éphémérides, « Celui-là meurt / dès les premiers instants si flous où la pluie repousse, praline la terre en brosse »

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