Cela remonte à très longtemps lorsque depuis toujours les humains ont eu envie d’un accès au savoir, mais aujourd’hui le savoir que l’on cherche à acquérir serait-il devenu une marchandise ?
Cette marchandise serait-elle plus ou moins réservée au plus offrant ?
On va commencer par un petit point historique : les universités françaises ont commencé au Moyen-âge, on sait que l’université Paris-Sorbonne a été construite en 1253 ensuite elles vinrent s’aligner les unes aux autres.
L’Université a été un lieu dans lequel les étudiants viennent chercher un savoir, mais depuis quand sont-elles réellement détachées de l’Etat ?
-Depuis la Troisième République, la loi Wallon 1875 a mis fin au monopole de l’Etat dans l’enseignement supérieur. Il a fallu attendre la loi du 18 mars 1880 pour que la distinction entre établissements d’enseignements supérieurs privés et publics fut reconnue.
Elle a interdit à ces établissements de s’appeler « universités ». Enfin, depuis le Traité de Lisbonne, les universités doivent faire preuve d’une harmonisation européenne, avec des regroupements et des compétences élargies.
Cela a commencé vers la fin des années 90 car l’Europe se financiarise, s’élargit et il fallait chercher un moyen de faire rayonner l’enseignement européen à l’échelle internationale.
L’enseignement doit, selon les responsables européens, se mettre au service de l’économie de la connaissance en raison de la dimension économique du projet libéral.
Autrement dit, la notion de compétitivité, pour eux, va de pair avec l’enseignement supérieur.
Il faut, selon les gouvernements, que les universités deviennent un lieu de compétition pour les étudiants, permettant aux meilleurs d’être les futurs cerveaux des entreprises du CAC40.
Certains sociologues parlent même du capital humain. Le capital humain est une main d’œuvre, un produit d’une activité industrieuse (le travail). C’est comme si on vous formait dans des universités pour que vous soyez un modèle parfait et un bon travailleur pour les entreprises qui vous attendent à la fin du cursus.
Le capital humain est efficace car on considère que les compétences de l’individu sont des connaissances qui peuvent rapporter des revenus.
On demande à l’étudiant de s’endetter pour acquérir ses connaissances compte tenu de la valeur économique que pourraient avoir ses connaissances, on pense que cela va le discipliner, qu’il sera assidu car il aura payé cher les frais d’inscription de sa formation.
On retrouve la dimension de la marchandise. L’Allemagne a voulu faire de même mais a fini par revenir à la gratuité en refusant les classements des universités.
Cette course à la compétitivité met les étudiants en situation de précarité extrême, les obligeant à cumuler des petits boulots et à vivre dans des logements situés parfois dans des sous-sols, vivant à deux et même à 3 dans des chambres normalement individuelles et donc partageant le même lit.
Pour revenir aux frais d’inscription, on peut dire que dans les pays qui ont choisi ce modèle ils augmentent de plus en plus.Par exemple, pour étudier en Angleterre, comptez 9000 livres l’année (10719 euros).
La Suède a fait le choix ainsi que le Danemark, la Finlande et d’autres pays de donner des bourses aux étudiants, en plus des enseignements gratuits, pendant 6 ans pour que cela puisse rester un plaisir.
Dans les pays où les frais deviennent très cher, les étudiants prennent des crédits.
Les anglais veulent marchander pour une compétitivité. Ces envies de marchander les enseignements supérieurs sont arrivées au moment où les universités avaient des problèmes de financement. Il fallait une source de financement pour renflouer les caisses. Le privé a donc pris peu à peu la place du public comme si si l’université s’était transformée en entreprise avec un président comme PDG et les classements des universités comme cordons de la bourse.
Depuis les privatisations il y a eu quelques changements en Angleterre : -augmentation de 26% du salaire du président
-baisse de 12% de celui des enseignants et baisse du budget alloué à la recherche
Pour les Britanniques, les étudiants sont un formidable atout de Soft Power et beaucoup de regards sont tournés vers la Chine.
Il y a eu en 15 ans une augmentation de 400% des étudiants chinois et les entreprises de placements d’étudiants chinois se sont multipliées. On leur fait miroiter de beaux projets, on leur demande des sommes astronomiques en échange de prestations de services : fac d’excellence, directeur de thèse, lettre de recommandation et CV.
Ce qui entraîne une précarité impressionnante.
Et la France dans tout ça ?
La France envie les Anglais, mais sait pourtant qu’elle a connu mai 68 et ne voudrait pas le revivre. Ils vont donc utiliser la politique du « petit pas ».
Les universités veulent de l’argent et vont donc faire en sorte que progressivement des cursus deviennent payants. Ex : Paris Dauphine et Sciences Po Paris 13000 euros l'année / écoles d'ingénieurs qui augmentent de 800 à 4000 d'un an à l'autre / etc
Les universités veulent également rayonner et les fusions se multiplient, en raison des classements des universités, afin d’attirer et de fonder de plus en plus de chercheurs.
Ex : Paris Saclay, ce site est un regroupement de plusieurs écoles supérieures d’excellence (Normale Sup, Central,…). L’idée est de tout mettre sur le même terrain afin d'avoir un enseignement supérieur rayonnant à l’international.
Le chantier est pour l’instant évalué à plus de 2 milliards d’euros (évaluation du budget 2013, il a certainement augmenté depuis). C’est le coût du rayonnement.
La politique des petits pas, est le fait de mettre des augmentations des frais d’inscription à la marge pour habituer les esprits progressivement au système payant. Par exemple lorsqu’une université met petit à petit des filières privées au sein même des filières gratuites.
Mais au final, l’enseignement gratuit est entièrement soutenable en France, il est évalué à 13 milliards d’euros (ce n’est même pas le quart de l’évasion fiscale).
En Angleterre, de plus en plus d’étudiants ne peuvent plus payer leurs crédits et dans ce cas-là, c’est l’Etat qui se porte garant des prêts non remboursés. Au final, cela lui revient beaucoup plus cher.
Les crédits accordés comportent une clause qui stipule que les taux d’intérêts peuvent changer en fonction des caprices du gouvernement sans pour autant qu’une loi soit votée.
C’est un jeu dangereux. La dette étudiante aux Etats-Unis est colossale, 1300 milliards de dollars. Allons-nous vers une nouvelle crise des subprimes ?
Quand est-ce que les pays comprendront qu’il s’agit d’une nouvelle équation impossible avec le capitalisme ?
Dans « Université » il y a « universel », qui signifie un accès à tous et gratuit. L’Université a pour vocation d’enseigner un savoir qui formera un esprit critique et aidera à construire un avenir meilleur. Elle permet d’enrichir culturellement un CV mais surtout une culture générale qui fera une distinction et une mise en valeur en société. La vocation primaire n’est pas professionnalisante, elle a des formations qui le sont mais ce n’est pas son but prioritaire.
Finirons-nous un jour par enlever totalement la liberté à nos étudiants avant qu’ils entrent dans le monde capitaliste dans lequel nous sommes coincés depuis des années ?
Voici un film qui m’a marqué et dont j’ai rencontré le réalisateur Jean-Robert Viallet.
Étudiants: l'Avenir à crédits
Je vous mets également un lien d’un article sur des étudiants qui disent stop aux conflits d’intérêts des universités. Le droit à l’éducation est un droit fondamental, il ne faut jamais oublier ce pourquoi des gens se sont battus.
Conflits d'intérêts des universités
Billet de blog 19 octobre 2017
Universités : Stop à la privatisation !
Cela remonte à très longtemps lorsque depuis toujours les humains ont eu envie d’un accès au savoir, mais aujourd’hui le savoir que l’on cherche à acquérir serait-il devenu une marchandise ?