Dès sa naissance en 1951, avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), suivie en 1957 par la signature des Traités de Rome instituant la Communauté Économique Européenne (CEE), et la Communauté Européenne de l'Énergie Atomique, dite EURATOM, puis en 1962 par la mise en place de la Politique Agricole Commune (PAC), l’Europe s’est construite avec les règles du capitalisme industriel et financier. L’idéologie du libre-échange et de la libre circulation des marchandises a toujours prévalue dans toutes les étapes de la construction européenne. Le grand marché intérieur, véritable marché commun sans frontières, intègre la libre circulation des personnes à la logique marchande prônée par les banques et la finance. Les préceptes permettant de fonder l’Europe des peuples, dont l’harmonisation sociale et fiscale, sont écartés par les technocrates européens, au profit de mécanismes de dérégulation sociale, dont la loi El Kohmri en France. L’euro devient la monnaie permettant aux puissances de l’argent d’imposer leurs règles économiques, et l’instrument de pression pour soumettre les pays membres aux dictats de la bureaucratie de Bruxelles. L’insoutenable austérité, et l’humiliation imposées à la Grèce, sont une démonstration éloquente de ce qu’est cette Europe de la finance, à l’égard de laquelle aujourd’hui les peuples manifestent une profonde indifférence. Le rejet par référendum en 2005 du projet de constitution de l'Union européenne par les français et les néerlandais, suivi par le reniement du suffrage universel de Sarkozy signant le traité de Lisbonne, a largement contribué à accroître la défiance des français envers l’Europe. Les promesses et les trahisons de Hollande n’ont fait que renforcer le rejet de cette Europe sans âme. A peine 24% des électeurs ont voté au premier tour de la présidentielle pour Macron, candidat ultra européen. Plus de 80% des lois appliquées en France sont dictées par l’Europe. Cette Europe façonnée par les libéraux et les sociaux-démocrates au service des puissances de l’argent, génératrice d’austérité, de dumping social, de chômage et de misère, alimente l’antieuropéisme et le nationalisme ethnique du Front national.
Dans cet entre-deux-tours, sans doute à bout d’arguments pour se défaire du bilan de la politique qu’il a menée avec Valls et Hollande, mais aussi sa difficulté à pouvoir masquer ce que sera demain sa gouvernance avec ceux qui ont sévi durant ce quinquennat ; son incapacité à s’affronter à la candidate du Front national à partir de son propre programme, Macron joue avec les peurs pour assurer son élection. Non seulement il subit le tempo de la campagne de Marine Le Pen, mais il passe son temps à justifier sa candidature en prenant l’histoire en otage. Ses soutiens, à défaut d’argumentation politique, ont recours à la falsification de l’histoire, comme Delanoë accusant « l’extrême gauche » allemande d’avoir favorisé l’accession au pouvoir d’Hitler, alors que le Parti socialiste allemand avait en 1933, refusé de proposer un candidat commun avec le Parti communiste allemand. Parti socialiste qui avait appelé à voter Hindenburg, le président qui nomma Hitler Premier ministre. Ou Ségala, le roi défunt de la pub, dispensant sur les antennes ses élucubrations macronistes, jusqu’à sombrer dans l’infantilisme. Ou en dernier recours, Borloo sorti des oubliettes, retroussant ses manches pour affronter « la mère des batailles ». Comme si la campagne de la candidate FN ne pouvait être contrée que par des discours simplistes, des dépôts de gerbes, et l’évocation des sinistres épisodes des guerres passées. Comme si les principales préoccupations des français concernant l’emploi, le chômage des jeunes, le pouvoir d’achat, les retraites, la dégradation de leurs conditions de vie devenaient secondaires. Ainsi, ces politiciens d’un autre temps abandonnent le débat politique à la candidate du Front national. Jamais, dans une campagne électorale, on aura vu autant de charlatans venir nous asséner de leur morale. Le front national se nourrit aussi de cette simplification du débat politique. Comme il se nourrit de l’affaiblissement de notre démocratie, notamment par le rôle réducteur joué par la presse, devenue une caste au service du système, transformant les débats en de vulgaires émissions spectacle où les journalistes jouent des rôles de médiocres propagandistes.
Marine Le Pen ne sera pas élue à la présidence de la République. Le chantage à la peur a pour finalité de faire de ce deuxième tour, un plébiscite en faveur du candidat de la finance. L’arrogance de Macron, illustrée par son dîner triomphaliste dans un luxueux restaurant parisien au soir du premier tour, témoigne du mépris de ce banquier candidat à l’égard des millions d’électeurs qui n’ont pas voté pour lui, mais aussi à l’égard des 9 millions de pauvres que les pouvoirs libéraux et socialistes ont généré dans notre pays. S’en est fini des électeurs moutons votant au nom d’un soi-disant front républicain composé de Filloniste, Sarkozyste, Hollandiste, Vallsiste, et tous les ressuscités du passé, pour imposer, une fois de plus, des politiques d’austérité et de régression sociale. La véritable bataille se jouera donc lors des élections législatives. Avec qui gouvernera demain le candidat illusionniste ? Seuls les incrédules ou les naïfs peuvent encore l’ignorer. Le Drian, Valls, et tous les acteurs du quinquennat Hollande, avec à leurs côté bon nombre de libéraux de droite, se retrouveront avec le futur président mondialiste au service des puissances de l’argent, comme l’a été Hollande. Aussi, s’abstenir ou voter blanc peut être un acte citoyen, refusant le chantage à la peur d’une classe politique moribonde et la perspective d’un futur qui déchante, tout en rejetant l’offre d’une extrême droite haineuse et raciste.