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Billet de blog 5 décembre 2018

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La surdité du pouvoir conduit le pays vers l’insurrection

Une caste de privilégiés hors sol, président et ministres millionnaires, ou commis zélés du patronat et de la finance, gouvernent la France en servant sans scrupule les intérêts des riches.

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Alors que grandit la misère des plus démunis, que les classes moyennes s’appauvrissent, que la grande majorité de la population se paupérise, les revenus des grands patrons de l’industrie et de la finance progressent. Comme Carlos Ghosn, le patron de Renault-Nissan, rémunéré à hauteur de 13 millions d’euros en 2017, et aujourd’hui accusé par la justice japonaise d’avoir dissimulé ses revenus à hauteur de 62,3 millions d’euros, et de 31,2 millions d’euros de bénéfice sur la vente de ses stock-options. En 2017, les patrons du CAC 40 ont gagné en moyenne 5,07 millions de d’euros, soit 70 fois plus que le revenu moyen des Français. Cet enrichissement sans vergogne d’une haute bourgeoisie est gratifié par de somptueux cadeaux fiscaux, accordés par un président déconnecté des difficultés et des attentes des Français. C’est cette réalité sociale qui, après des décennies de frustrations et de colères retenues, est à l’origine de l’explosion sociale.

Après avoir opposé les retraités aux actifs, le pouvoir d’achat à l’écologie, la sécurité aux revendications des « gilets jaunes », le pouvoir tente de calmer la grogne par la menace, la répression, et des manœuvres dilatoires. D’abord par une série de propositions démagogiques chiffrées à 500 millions d’euros (aides au changement de véhicule et aux remboursements des frais d’énergie), financées par la suppression de 800 millions d’euros de crédit d’impôt énergétique pour l’isolation des portes et fenêtres. Puis par des manœuvres de diversion pour noyer le poisson, en proposant des conférences délocalisées durant trois mois, afin d’acter des mesures ciblées sur les territoires. Ensuite, après trois semaines de manifestations et de blocages, par un semblant d’ouverture au dialogue, par un moratoire de 6 mois sur la hausse des carburants. Et pour finir, après dix-huit mois de mépris envers les corps intermédiaires et l’opposition, voilà un monarque en détresse qui tente de sauver la macronie par une parodie institutionnelle à l’Assemblée nationale, au cours de laquelle le Premier ministre oppose au mouvement de révolte, le jeu institutionnel, aujourd’hui rejeté par les « gilets jaunes ». Cette politique hypocrite de la carotte et du bâton, loin d’apaiser le courroux des Français, contribue à l’amplifier. Le mépris et le cynisme du chef de l’État et de ses godillots, aboutissent à la radicalisation des colères.

Force est de constater, que le gouvernement  répond par des opérations de propagande aux revendications de ce mouvement citoyen. Propagande largement relayée par les médias, en particulier dans les commentaires faits sur les violences à Paris, par des journalistes et commentateurs, porte-voix du pouvoir. Durant la première semaine de protestations, la presse événementielle n’a cessé de relayer le ministre de l’Intérieur, pour diffuser des chiffres de participation aux manifestations et aux barrages, exclusivement donnés par la police. Dans cette guerre des images, cette presse se fait l’outil de propagande privilégié du pouvoir. Pour preuve, ces chaînes d’information en continu, en particulier BFM qui diffuse en direct et en boucle les violences sur les Champs-Elysées, très peu d’images de la province, et pas d’images d’une manifestation à l’Opéra contre la violence faites aux femmes, qui a rassemblé 12 000 personnes selon le ministre de l’Intérieur, et 30 000 selon les organisateurs. Pas d’images non plus de la manifestation pacifique du 1er décembre qui, à l’appel de la CGT, a rassemblé, selon le ministre de l’Intérieur, 5 000 personnes sur la place de la Bastille. Alors, qu’au même moment, ces chaînes de télévision retransmettent en direct les images de violence à l’Arc de Triomphe. Ainsi, cette presse participe aux manœuvres du gouvernement pour diaboliser et discréditer ce mouvement citoyen. À se demander si le pouvoir n’a pas favorisé ces violences causées par quelques centaines d’individus ; car à qui profite le crime ?

Il a fallu regarder l’émission « SEPT À HUIT » de TF1, le lendemain de la manifestation du 24 novembre, pour avoir une vision réelle de ce qui s’est passé sur les Champs-Élysées. D’abord, cette foule bonne enfant de quelques milliers de manifestants pacifiques (entre 5 000 et 8 000 selon les sources) où hommes, femmes, enfants, personnes âgées, scandent des slogans anti-macron. Puis, les premières charges de police, avec utilisation de gaz lacrymogène, alors que les groupes violents ne sont pas encore passés à l’action. Séquence aussi, de ces manifestants pacifiques fuyant les charges policières, et un enfant à terre victime du gaz. Images d’hommes qui n’ont rien de casseurs, matraqués, et un vieil homme jeté à terre par deux CRS. Images, jamais diffusées, d’un jeune homme, la main arrachée par une grenade explosive. (La France est le seul pays d’Europe à utiliser, pour des opérations de maintien de l’ordre, ce type de grenade). Il y a donc bien eu une répression violente de la manifestation des « gilets jaunes » sur les Champs-Élysées le 24 novembre. Le niveau des violences atteint une semaine après, le samedi 1er décembre à Paris, mais aussi en province, pose la question de la responsabilité du gouvernement dans la gestion des forces de police, mais aussi sur la radicalisation des colères, provoquée par l’attitude méprisante du pouvoir. Bien entendu, la police, qui obéit aux ordres, n’est pas seule responsable des violences commises lors de ces manifestations. Gendarmes et policiers sont victimes, comme les manifestants, non seulement des violences physiques, mais aussi des mêmes violences sociales que subissent les « gilets jaunes ». Les images diffusées à profusion, du matin au soir, notamment par BFM, où les porteurs de micro, cantonnés derrière les forces de police jouent aux reporters de guerre, contrastent avec celles de ce reportage de TF1. Il est important de constater, qu’après trois jours de matraquage médiatique, avec en continu des images exclusives de violences contre les forces de police, et les commentaires de journalistes peu scrupuleux de leur déontologie, les sondages indiquent que les Français sont toujours à 72% solidaires des « gilets jaunes ».  

Si les forces de police ont dû affronter la violence de quelques centaines de casseurs, et de délinquants en début de soirée, la responsabilité incombe au pouvoir politique, qui n’a pu, ou pas voulu, les neutraliser avant qu’ils n’occupent les Champs-Élysées le 24 novembre, et la place de l’Étoile le 1er décembre. Le refus des « gilets jaunes » de se laisser parquer au Champs de Mars, ou filtrés sur les Champs Élysées, n’étonne que les politiciens macronistes qui n’ont rien compris, ou qu’ils ne veulent pas entendre la colère qui déferle dans le pays. Ce refus de se laisser dicter le lieu où ils doivent manifester, exprime l’essence même de ce mouvement né en dehors des syndicats et des partis politiques. Mouvement inédit qui libère une profonde colère, retenue depuis des décennies, et en particulier depuis le début de ce quinquennat, à la suite des mesures antisociales, scandaleusement injustes, prises par ce pouvoir. Or, qu’a retenu le président de la République au soir de la journée d’actions du 24 novembre : « Merci à nos forces de l'ordre pour leur courage et leur professionnalisme. Honte à ceux qui les ont agressées. Honte à ceux qui ont violenté d'autres citoyens et des journalistes. Honte à ceux qui ont tenté d'intimider des élus. Pas de place pour ces violences dans la République ». « Honte à Macron ! » pourraient lui répondre ces milliers de manifestants, retraités, agriculteurs, ouvriers, employés, cadres, indépendants, qui dans tout le pays lui crient : cessez de nous saigner !

Il en est de même de la journée d’actions du 1er décembre où les colères, face au mépris et à la surdité du pouvoir, se radicalisent. De retour d’une réunion du G20 en Argentine, le président de la République répond une fois encore par le mépris aux revendications des « gilets jaunes », soutenus selon tous les sondages, par plus de 70% de citoyens. Un président élu par défaut, devenu illégitime au regard d’une majorité de Français, qui répond au désarroi de millions de femmes et d’hommes, par de médiocres opérations de communication, en allant parader avec les forces de l’ordre à l’Arc de Triomphe, et dans le très chic XVIème arrondissement de Paris ; en allant déjeuner dans une caserne de CRS ; en se rendant à Puy-en-Velay, où il a été conspué, pour rendre hommage aux gendarmes qui ont affronté les manifestants, ou en offrant aux caméras une séquence de propagande avec le ministre de l’Intérieur sur les bancs de la Commission des lois à l’Assemblée nationale. Une diversion pour dissimuler derrière la question sécuritaire, la colère et les revendications des « gilets jaunes ». Opération de communication, encore une fois, largement relayée par les médias, avec comme support, la diffusion en boucle d’images très ciblées de violences contre la police. Ainsi, Macron qui semble se réfugier derrière son dernier rempart, les forces de l’ordre, est une fois encore dans un déni qui ouvre la voie à l’insurrection.

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