Historiquement, dans les crises du capitalisme, quand les puissances de l’argent ne contrôlent plus le pouvoir politique qu’incarnent les partis de la droite traditionnelle et les sociaux-démocrates – leur roue de secours –, elles confient les leviers du pouvoir à l’extrême droite. C’est aujourd’hui la voie dans laquelle s’engagent les pays d’Europe et les États-Unis. Dans ce contexte, après les défaites électorales des composantes du Macronisme – partis de droite, centristes et transfuges sociaux-démocrates – suivies de la dissolution de l’Assemblée nationale, le monarque président bafoue l’expression démocratique des élections législatives de juillet 2024, qui fait du Nouveau Front populaire la première force de l’Assemblée. En nommant un Premier ministre issu du parti minoritaire LR pour former une coalition des droites et un gouvernement soutenu par l’extrême droite, Macron s’engage à poursuivre la politique antisociale dictée par Bruxelles et les puissances financières. Le vote de la mention de censure déposée par le Nouveau Front populaire le 4 décembre 2024, est la réponse apportée par la majorité des parlementaires à la tentative de Michel Barnier d’imposer le budget de la Sécurité sociale par le 49-3. La chute de son gouvernement contraint le pouvoir de l’argent à tenter – dans l’attente de transférer le pouvoir politique à l’extrême droite – de se servir de la social-démocratie pour défendre les intérêts de la classe dominante.
Jean Jaurès déclarait : « Tant que le césarisme pourra profiter de cette rivalité profonde des classes pour les duper et les dominer l'une par l'autre, écrasant au moyen du peuple aigri les libertés parlementaires de la bourgeoisie, écrasant ensuite, au moyen de la bourgeoisie gorgée d'affaires, le réveil républicain du peuple ; tant que cela sera, toujours cette guerre politique, économique et sociale des classes entre elles, des individus entre eux, dans chaque nation, suscitera les guerres armées entre les peuples ». Lors de la crise du capitalisme qui mena à la Seconde Guerre mondiale, le Parti communiste était – comme l’est aujourd’hui La France insoumise – la « bête noire » des puissances industrielles et financières qu’il fallait abattre. Historiquement, la sociale démocratie a toujours été utilisée comme une roue de secours par les classes possédantes pour contrôler le pouvoir politique et préserver leurs intérêts. La mandature de Hollande trahissant ses engagements et les électeurs qui l’ont porté au pouvoir en 2012 en est la dernière illustration. Aujourd’hui, au lendemain de la chute du gouvernement Barnier, l’appel des sirènes macronistes auquel les socialistes et les écologistes semblent vouloir répondre annonce-t-il le retour des vieux démons ?
Aujourd’hui, le pays est plongé dans une crise sociale léguée par le pouvoir socialiste de Hollande, et la monarchie républicaine macroniste – une nébuleuse socialo-droito-centriste – qui devait conduire la France dans un nouveau monde où l’argent copieusement distribué aux plus riches devait généreusement ruisseler pour nourrir les classes moyennes et populaires. Le carrosse s’étant transformé en citrouille, laissant sur le pavé ceux qui devaient ramasser les miettes du gâteau, les riches sont devenus plus riches et les pauvres plus pauvres. Les engagements pris par La France insoumise, le Parti socialiste, le Parti écologiste, le Parti communiste, sur lesquels les électeurs ont élu 193 députés de gauche à l’Assemblée nationale, ont donné un espoir aux Français qui le 7 juillet 2024 sur la place de la Bastille criaient : « Ne nous trahissez pas ! ». Certains partis de ce Nouveau Front populaire porteur d’espoir, sombrent-ils déjà dans la trahison annoncée depuis la défaite électorale des macronistes, par les journalistes et les commentateurs serviteurs des puissants magnats de la presse, grands patrons de la finance et de l’industrie ? Le retour de Hollande en politique avec le soutien du PS et son nouveau mandat de député sous l’étiquette NFP ; les manœuvres politiciennes des barons et apparatchiks socialistes pour amener le parti à quitter le NFP ; les pas anti-LFI dansés au bal des faux-culs par des leadeurs élus sur le programme du NFP, ne sont-ils pas des signes annonciateurs de cette trahison gravée dans l’ADN de la social-démocratie ? Quant au Parti communiste et l’ambition de sa direction de l’habiller des guenilles d’un parti social-démocrate à la dérive, effaçant de sa mémoire les agressions et les exclusions auxquelles les soumettaient les droites – les mêmes qui aujourd’hui violentent La France insoumise méprisée par Fabien Roussel – se prépare-t-il lui aussi à trahir les engagements qui ont permis à ses députés d’être élus ? Et les écologistes qui déchirés entre les pro-atlantistes viscéraux et les opportunistes, tel Cécile Dufflot qui vient ridiculement justifier sur le plateau de BFM TV, l’exclusion de La France insoumise de négociations sollicitées par Marine Tondelier pour sauver le soldat Macron et sa politique au service des intérêts du pouvoir de l’argent ?
Que ces journalistes et commentateurs formatés – à la solde du pouvoir de l’argent – s’évertuent à défendre les intérêts de la classe dominante au pouvoir est dans l’ordre des choses. Que des composantes du Nouveau Front populaire puissent aujourd’hui renier leurs engagements et ouvrir définitivement la voie du pouvoir – dans dix mois ou dans vingt-quatre mois – à l’extrême droite, s’inscrit dans cette logique de classe que dénonçait Jean Jaurès en déclarant que « tant que cette classe pourra imposer aux sociétés qu'elle domine sa propre loi, qui est la concurrence illimitée, la lutte incessante pour la vie, le combat quotidien pour la fortune et pour le pouvoir » conduit, au-delà de la poursuite d’une politique au service des puissances financières, à ce que condamnait le tribun socialiste : « les guerres sont provoquées par le choc des intérêts capitalistes, et qu’il est du devoir de la classe ouvrière de s’y opposer », et qui aboutissait en 1914 à l’Union sacrée conduisant les classes politiques dans chaque pays belligérant à s’unir autour de leurs gouvernants. Ainsi, en Allemagne, le Parti socialiste allemand (SPD) répondait à l’appel de l'empereur Guillaume II et conduisait le SPD à voter l’entrée en guerre de l’Allemagne en août 1914.
Tous ces partis se réclamant de cette droite dite républicaine, largement désavoués et rejetés par les électeurs, tentent aujourd’hui d’assassiner l’espoir suscité par l’union des forces de gauche et les résultats des dernières élections législatives. Ces politiciens libéraux et néolibéraux se drapent des couleurs de la démocratie pour confisquer le pouvoir et servir les intérêts de la finance, et la violent délibérément pour empêcher les représentants du peuple de remplir la mission pour laquelle ils ont été élus. Coutumiers des magouilles politiciennes et de l’exercice dévoyé du pouvoir, ces barons et apparatchiks socialistes, alliés naturels des droites libérales et néolibérales avec qui ils votent toutes les mesures antisociales dictées par Bruxelles ; ou alliés de circonstance des forces de gauche quand les électeurs sanctionnent leurs trahisons – comme sous le quinquennat Hollande –, s’apprêtent hypocritement à se vautrer dans les bras de la Macronie. Sous prétexte qu’il est préférable de donner des miettes à manger à ceux qui produisent les richesses du pays, que de lutter pour imposer leurs droits légitimes à vivre dignement de leur travail, ces prophètes du libéralisme sacrifient toujours les intérêts des classes moyennes et populaires sur l’autel des profits capitalistes. Les électeurs tant de fois bernés par « le front républicain » sauront sanctionner leur imposture.