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Billet de blog 8 novembre 2023

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LES GUERRES SONT PROVOQUÉES PAR LE CHOC DES INTÉRÊTS CAPITALISTES (Jean Jaurès)

Les conflits russo-ukrainien et israélo-palestinien s'inscrivent dans une logique de guerre pouvant conduire à une conflagration mondiale.

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Le conflit ukrainien conséquence d’un expansionnisme militaro-économique

Si la tentative d’envahir l’Ukraine a été une faute politique et une erreur stratégique de la Russie, les États-Unis et leurs vassaux européens ont créé les conditions de cette agression en installant des bases de l’OTAN équipées de missiles à l’Est de ses frontières. Depuis l’effondrement de l’URSS, les pays qui ont intégré l’OTAN sont passé de 16 à 30 en deux décennies. L’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, avec l’implantation de nouvelles installations de missiles à la frontière de la Russie est la ligne rouge que Poutine ne pouvait accepter, de même que Kennedy ne pouvait accepter l’installation de missiles à Cuba. Le projet américain d’adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN, actée au Sommet de Bucarest en avril 2008, brise définitivement l’espoir d’une paix durable en Europe, et créer les conditions du conflit russo-ukrainien. Le 18 mars 2014, dans un discours justifiant l’annexion de la Crimée, Poutine déclarait : « Ils – les Occidentaux – nous ont menti à plusieurs reprises, ils ont pris des décisions dans notre dos, ils nous ont mis devant le fait accompli. Cela s’est produit avec l’expansion de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord vers l’est, ainsi qu’avec le déploiement d’infrastructures militaires à nos frontières ». Le 28 septembre 2018, la journaliste et auteure Hélène Richard écrivait sur les pages du Monde diplomatique : « Au sortir de la guerre froide, les Russes voyaient leur avenir dans une Europe réconciliée et dotée de mécanismes de sécurité communs. En portant le glaive de l’Alliance atlantique jusqu’à leur porte, les Occidentaux ont pris le risque d’une réaction nationaliste. »

Tout dessein expansionniste s’accompagnant d’un plan d’action militaire, les ambitions des multinationales américaines et les visées marchandes d’une Europe de la finance sur une Russie désorganisée après le chute de l’URSS et la dissolution du pacte de Varsovie, se sont unies pour renforcer l’OTAN et conquérir une vaste zone économique aux ressources naturelles considérables. Un projet initié avec la complicité d’Eltsine premier président de la fédération de Russie, trompé et abusé, comme le dévoile la déclassification d’archives américaines des années 1990. La déclassification de ces documents nous apprend que le 19 novembre 1999 à Istanbul, prenant conscience qu’en 1997 à Helsinki, il avait accepté l’impensable en entérinant l’extension de l’OTAN aux pays qui autrefois constituaient le pacte de Varsovie, Boris Eltsine met en avant l’humiliation qu’allait subir la Russie, pour supplier Bill Clinton de revenir sur les négociations qui l’avaient contraint à accepter l’extension de l’alliance Atlantique en échange d’une place au G7. Les ambitions américaines et les visées d’une Commission européenne alors présidée par l’ultra atlantiste Barroso, sont contrariées par l’élection à la présidence de la fédération de Russie du nationaliste Poutine, et la domination du pays par une oligarchie financière russe qui contrôle aussi le pouvoir politique. La réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN en 2009, s’inscrit dans ce dessein d’expansionnisme économique américano-européen vers l’Est, que Sarkozy justifiait en déclarant : « La France sera plus forte, la France sera plus influente ».

La crise du capitalisme bouleverse l’ordre mondial établi

Aujourd’hui, dans un contexte de crise mondiale du capitalisme, la Russie est devenue une puissance économique émergente. De retour dans le concert des nations, elle est redevenue une puissance influente dans la géopolitique mondiale. L’Alliance des cinq puissances économiques dominantes du monde non occidental (la Russie, l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Inde et la Chine) – qui rassemblent 46% de la population du globe et produisent 37 % du PIB mondial –, intégrera le 1er janvier 2024 six nouveaux pays : l’Iran, l’Argentine, l’Egypte, l’Ethiopie, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Réunis à Johannesburg les 22, 23 et 24 août 2023, les cinq pays actuellement membres du BRICS (40 pays ont demandé leur adhésion), qui revendiquent un nouvel équilibre politique et économique mondial ont débattu d’un projet de dédollarisation de l’économie mondiale. Jakkie Cilliers, responsable du programme African Futures and Innovation à l’Institute for Security Studies de Pretoria, a déclaré à Epoch Times : « Les BRICS ont vu l’Occident frapper la Russie de toutes sortes de sanctions financières et menacer l’Afrique du Sud de sanctions pour avoir prétendument soutenu la Russie, et ils veulent donc mettre fin, ou du moins réduire, leur dépendance à l’égard du dollar. »

Le projet du BRICS de créer une monnaie adossée à l’or pour libérer les économies émergentes de la domination du dollar ; l’inflation mondiale galopante avec pour conséquence la dépréciation des monnaies ; les sanctions économiques imposées par les États-Unis à la Russie et la volonté de nombreux pays d’affranchir leur économie de la dépendance de la monnaie américaine ; la guerre en Ukraine et aujourd’hui le conflit israélo-palestinien au Proche-Orient, qui en deux semaines a fait grimper le prix de l'or de 10 %, ont déclenché une ruée d’achat d’or par les banques centrales. Selon le Conseil mondial de l'or « les banques centrales ont acheté 800 tonnes d'or depuis le début de l'année, soit 14 % de plus que l'année dernière à la même époque. Sur ce total, 181 tonnes proviennent de la seule Chine. La banque centrale de ce pays détient un total de 2 192 tonnes. » Constatant que les banques centrales continuent à accumuler massivement de l’Or, Investing.com, dans un article intitulé « La dédollarisation se prépare », écrit : « Les réserves d'or des banques centrales mondiales, via le FMI et les sources accessibles au public, ont augmenté de 77 tonnes nettes en septembre, a déclaré Krishan Gopaul (analyste au World Gold Council), ajoutant que les ventes brutes (1t) ont été éclipsées par les achats bruts (78t), soulignant la force des achats ». Dans cette crise du capitalisme, c’est aux États-Unis que plane le danger d’une crise économique majeure. Dans une interview accordée à CNBC, l’investisseur américain Jeffrey Gundlach « met en garde contre l’impact des taux d’intérêt élevés qui rendent le déficit fédéral actuel – près de 1 700 milliards de dollars en 2023 –, " totalement insoutenable " » (source Investing.com). D’autres grands financiers américains préviennent d’une « crise financière pire que celle de 2008, et potentiellement plus grave que celle des années 30 ».

Le recours à la guerre pour résoudre la crise économique

Si l’échec de la grande contre-offensive ukrainienne lancée cet été est aujourd’hui acté – un conseiller de Zelensky confie au Time que certains commandants désobéissaient en refusant de lancer des assauts contre les positions russes : « Ils veulent juste s'asseoir dans les tranchées et tenir la ligne. Mais nous ne pouvons pas gagner une guerre de cette manière. » […] « Ils n'ont ni les hommes, ni les armes. Où sont les armes ? Où est l'artillerie ? Où sont les nouvelles recrues ? » –, cette guerre reste un détonateur pouvant à tout moment être actionné par Washington. Comme le déclare l’amiral américain Charles A. Richard : « la guerre actuelle en Ukraine n'est pour les États-Unis qu'un prélude à " une guerre longue" face à leur seul vrai rival militaire : la Chine » (propos rapportés par The War Zone). Que la guerre en Ukraine, comme le conflit israélo-palestinien qui risque d’embraser le Moyen-Orient soient des laboratoires de pré-guerre, comme l’a été la guerre d’Espagne avant que la deuxième guerre mondiale soit déclarée, cela paraît évident.   

Autre zone de conflit dans laquelle les États-Unis jouent les incendiaires, le Proche-Orient où après les crimes commis par le Hamas en Israël, Netanyahou et l’extrême droite israélienne au pouvoir mènent une guerre d’épuration ethnique, dans le but de chasser définitivement les Palestiniens hors de la Bande de Gaza et de la Cisjordanie pour coloniser leurs terres. Les Palestiniens forment le seul peuple au monde qui vit sous domination d’un État expansionniste et d’un régime fascisant, pratiquant l’apartheid et la ghettoïsation. Avec les actes criminels commis par Netanyahou à Gaza, il va être difficile aux informateurs partisans officiant dans les « grands médias », diffuseurs de la propagande fournie par Israël, d’accuser Poutine de criminel de guerre – bien que leur dévotion au pouvoir de l’argent et à l’idéologie dominante n’ait d’égale que l’absence de déontologie dans leur pratique professionnelle –. Le 4 novembre 2023, l’ONG Save The Children, et non le Hamas, rapporte que près de 70% des personnes tuées sous le bombardements israéliens sont des enfants et des femmes. « Près de 3200 enfants ont été tués à Gaza en seulement 3 semaines. Il ne peut pas s’agir de dommages collatéraux » déclare l’ONG. Le 29 octobre 2023, Karim Khan, procureur de la Cour pénale internationale (CPI), averti que le blocage des camions d’aide humanitaire en direction de Gaza était constitutif d’un crime. À la suite du bombardement du camp de réfugiés de Jabaliya, une zone densément peuplée de la bande de Gaza, le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Martin Griffiths, déclare : « C'est simplement la dernière atrocité en date frappant les habitants de Gaza où les combats sont entrés dans une phase encore plus terrifiante, avec des conséquences humanitaires de plus en plus épouvantables ». Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, annonce que ces bombardements peuvent constituer « des crimes de guerre »

L’hypocrisie de Washington, de Bruxelles, et de Paris qui après avoir joué le rôle de « petit facteur » de Netanyahou auprès de l’Egypte et de la Jordanie, refusent « d’appeler un chat, un chat » – au minima de crimes de guerres contre l’humanité commis par Israël dans la bande de Gaza –, relève d’une stratégie occidentale au profit de l’État hébreu pour mener à son terme la colonisation totale de la Palestine, entreprise depuis plus de cinquante ans. L’envoi par Washington dans la région de quinze mille soldats, d’un croiseur lance-missiles, de quatre destroyers lance-missiles et de deux porte-avions interroge. Ces moyens militaires disproportionnés, sont-ils destinés à combattre le Hamas ? Ou sont-ils déployés dans le cadre de cette stratégie guerrière clairement exposée aux États-Unis par les plus hautes autorités militaires et la commission du Congrès, appelant – dans un rapport rendu public le 12 octobre 2023 –, les États-Unis à accélérer la modernisation de son armement et à améliorer ses armes nucléaires dans l’optique d’une guerre sur deux fronts contre la Russie et la Chine ? Une option confirmée par l'amiral Charles A. Richard, mais ignorée de nos médias et d’une classe politique dominée par l’idéologie d’une droite et d’une extrême droite occupées au parlement à durcir un projet de loi immigration aux couleurs de leurs fantasmes, et à défendre les intérêts du patronat et des puissances financières.

Les conditions d’une conflagration mondiale réunies

Le risque d’une nouvelle guerre mondiale et d’une escalade nucléaire est réel. La promulgation par la Russie d’une loi révoquant la ratification du traité Ticen interdisant les essais nucléaires – traité signé par 187 pays et ratifié par 178 d'entre eux, mais qui n’était toujours pas ratifié par les Etats-Unis, la Chine, et Israël –, ouvre la voie à la reprise des essais nucléaires dans un contexte de course à l’armement. La guerre en Ukraine, et aujourd’hui le conflit israélo-palestinien avec une concentration militaire US au Moyen-Orient ; le dessein de Washington de créer un affrontement armé avec l’Iran ; la confrontation armée entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie ; les tensions grandissantes entre la Serbie et le Kosovo, où la Serbie a massé ses troupes aux frontières ; les tensions sino-américaines croissantes en Mer de Chine ; la course aux armements dans laquelle se sont engagés la Chine, la Russie, les États-Unis et leurs vassaux européens sont autant de signes annonciateurs d’un conflit armé généralisé. Le recul de la démocratie dans le monde constaté par l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale basé en Suède (l’IDEA) – dans un rapport publié le 2 novembre 2023, stipulant que « même en Europe, une érosion de certains droits, comme la liberté d’expression ou la liberté d’association » est observée –, est symptomatique d’une conjoncture d’avant-guerre.

Les Français font depuis longtemps les frais de ce déclin démocratique, car depuis les quinquennats de Sarkozy et d’Hollande, et aujourd’hui sous les mandatures de Macron, aux nombreuses crises sociales le pouvoir politique a répondu par la répression violente, et la promulgation de lois liberticides. Ce recule de la démocratie se vérifie aussi, par le comportement de journalistes peu scrupuleux de la déontologie qui encadre la profession. L’information diffusée et commentée en boucle sur les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, témoigne du rôle propagandiste que jouent ces informateurs relais du discours officielle. Les atteintes à la démocratie, dont le droit à être honnêtement informé est un des fondements, sont caractéristiques des périodes de pré-guerre où l’on prépare le bon peuple à fournir la chair à canon. Anatole France écrivait : « On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels. » Et comme le disait Jean Jaurès, « les guerres sont provoquées par le choc des intérêts capitalistes, et qu’il est du devoir de la classe ouvrière de s’y opposer ». Faute de mobilisation des forces de paix dans le monde, cette crise qui oppose les intérêts capitalistes d’un Occident dominé par une Amérique en perte d’influence, aux intérêts des puissances émergentes conduit à un conflit militaire généralisé. Ne pas admettre cette réalité relève de la naïveté, ou de l’inconscience, où du cynisme criminel de ceux qui préparent une nouvelle guerre mondiale, avec pour conséquence inéluctable une conflagration nucléaire aux effets dévastateurs. 

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