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Billet de blog 9 février 2023

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La stratégie de guerre de Washington

Pendant qu’en Europe l’OTAN, avec comme leadership l’Allemagne revancharde, s’apprête à ouvrir un front contre la Russie, dans le Pacifique les États-Unis se préparent à une confrontation armée avec la Chine.

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La séquence du ballon météo – ou espion – chinois, abattu par un missile au-dessus des États-Unis le 6 janvier 2023, et la crise diplomatique qui a suivi entre Washington et Pékin dans un climat de vives tensions internationales, démontre combien le risque d’un conflit armé entre grandes puissances est réel. S’agit-il d’une provocation de la part de la Chine ou d’un prétexte invoqué par les États-Unis pour annuler le voyage du chef de la diplomatie américaine à Pékin ? La Chine, qui a présenté des excuses aux USA, « regrette l’entrée involontaire de l’aéronef dans l’espace aérien américain » et affirme qu’il s’agissait d’un « aéronef civil utilisé à des fins de recherches, principalement météorologiques » qui « affecté par les vents d’ouest » […] « a dévié loin de sa trajectoire prévue ». Tous les experts s’accordent à dire que les deux hypothèses sont plausibles. David Stupples, professeur en ingénierie électronique à la City University de Londres s’interroge : « Ce ballon est aussi trop grand pour être un ballon météo. Pourquoi les Chinois voudraient-ils observer la météo des États-Unis ? » […] « le ballon pourrait servir à recueillir des communications radio, des signaux électromagnétiques, des informations sur ces silos de missiles ». Le spécialiste du renseignement militaire et de la guerre électronique précise aussi : « Tout ce que ce ballon peut voir, les satellites peuvent donc le voir. Je ne vois pas d’avantage à utiliser un ballon pour obtenir des renseignements. Peut-être qu’ils expérimentent l’envoi de ballons espions en Amérique, qu’ils font des essais sur une certaine technologie. Ou ils essaient de titiller les Américains. Les Chinois l’ont déjà fait, et sont bons dans de domaine. » Provocation chinoise ou exploitation médiatique américaine pour dénigrer Pékin, l’épisode s’inscrit dans le contexte d’une guerre commerciale sans merci à laquelle se livrent ces deux superpuissances, et de tensions internationales aiguës créées par la guerre en Ukraine pouvant à tout moment éclater en conflit armé généralisé. Comment ne pas pointer les provocations de la première puissance impérialiste, qui n'entend pas perdre son hégémonie économique, culturelle, financière et militaire sur le monde. Exercices militaires organisés par la marine US en mer de Chine méridionale ; visite de Nancy Pelosi à Taipei malgré les protestations de Pékin ; vente d’armes et soutien militaire apporté à Taïwan ; autant de provocations à l'égard de la Chine.

En 1972, à la suite du voyage du président américain Nixon en Chine, les États-Unis reconnaissent tacitement le gouvernement de Pékin comme le seul pouvoir légitime de toute la Chine, y compris de Taïwan. L’établissement des relations diplomatiques officielles entre les deux pays en 1979, met fin à la présence militaire américaine sur l’île de Taïwan et aux relations diplomatiques avec Taipei. La crise du capitalisme hégémonique américain, avec l’arrivée de Trump au pouvoir aux États-Unis en 2017, marque un tournant dans les relations sino-américaines. L’arrivée au pouvoir de Joe Biden en 2021 s’inscrit dans cette vision Trumpiste de « l’Amérique d’abord », avec le rejet du multilatéralisme, l’intensification d’une compétition commerciale agressive et l’affirmation d’un nationalisme guerrier. Ce n’est ni la pensée, ni la volonté personnelle de Trump et de Biden qui a engagé l’Amérique sur cette voie agressive et conquérante. Ce sont les exigences du pouvoir financier et les intérêts des multinationales qui l’ont imposé, dans un contexte de crise du capitalisme et de déclin de l’hégémonie américaine. Le déclin de la domination américaine s’est vérifié lors du Sommet des Amériques en juin 2022 à Los Angeles, avec le boycott du président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador, déclarant – à la suite de l’exclusion de ce sommet par Washington, de Cuba, du Venezuela et du Nicaragua – : « je ne vais pas au sommet parce qu'on n'invite pas tous les pays de l'Amérique. Je crois en la nécessité de changer la politique qui a été imposée depuis des siècles : l'exclusion ». Il s’est aussi vérifié après le revers infligé à Washington par le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane, en rejetant les demandes de Biden et Macron d’augmenter sa production de pétrole afin de faire baisser le prix du baril sur les marchés. Ainsi, l’Arabie saoudite s’émancipe de l’influence de son allié historique, et se rapproche de la Chine (son premier client dans l’achat de pétrole) et de la Russie. En 2023, l’Alliance des cinq puissances économiques dominantes du monde non occidental (L’Afrique du Sud, la Russie, le Brésil, l’Inde et la Chine), se réunira sous la présidence de l’Afrique du Sud. Son président, Cyril Ramaphosa, annonce l’intégration dans l’Alliance (BRICS), de l’Arabie saoudite lors de ce prochain sommet.

 Cette conjoncture de crise cyclique du capitalisme, amène l’administration Biden à rompre avec le statu quo qui a régi les relations sino-américaines durant cinquante ans, et à pousser la Chine à déclencher une action militaire à Taïwan, comme l’a fait la Russie en Ukraine. C’est ce que prédit Charles A. Richard, amiral de « l’United States Navy », à la tête du Commandement stratégique des États-Unis (dépendant du Département de la Défense), en déclarant lors d'un symposium officiel en novembre 2022 : « Et si la guerre en Ukraine n’était que l'échauffement d'une grande guerre opposant les États-Unis à la Chine ? » […]  « Et il ne faudra pas longtemps avant que nous soyons mis à l'épreuve comme nous ne l'avons pas été depuis longtemps. » C’est ce que prépare l’administration Biden dans le pacifique, en fournissant à Taïwan pour plus de 1,1 milliard de dollars d’armes en septembre 2022, et en votant une nouvelle vente d’armes à Taipei d’un montant de 6,5 milliards de dollars. Les provocations des États-Unis à l’égard de la Chine visent à créer les conditions – comme ils l’ont fait en Ukraine – d’une intervention armée de Pékin à Taïwan. L’enjeu pour les États-Unis – qui affichent un déficit budgétaire de 668 milliards de dollars en 1961 –, est de contrôler une vaste zone économique sur laquelle la Chine, avec un excédent commercial de 690 milliards de dollars, étend son influence en réalisant son projet industriel de « nouvelle route de la soie », la reliant par voie terrestre à l’Europe via l’Asie centrale, l’Asie mineure, le golfe Persique, le Caucase et les Balkans ; et par voie maritime, via la mer de Chine, l’océan Indien et le golfe Persique pour atteindre la Méditerranée.

Après le scandale de corruption qui a secoué le ministère ukrainien de la Défense et l’annonce de la démission de son ministre, Zelensky vient parader à Bruxelles pour rassurer l’UE et réclamer des avions de combat. Cette opération de communication s’inscrit dans la stratégie de guerre des États-Unis, qui nous prépare à ce que Joe Biden qualifie « d’apocalypse nucléaire ».

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