Les origines de la crise
Les visées des États-Unis sur les ressources naturelles de la Russie – qui détient 32 % des stocks mondiaux de gaz, 10 % de la production mondiale de pétrole, la première place des stocks des minerais de fer, la deuxième place des stocks d’étain, la troisième place des stocks de plomb et de charbon, et une position dominante dans l’approvisionnement de bois dans le monde – datent de la fin de la guerre froide. La Russie produit aussi du nickel, du cuivre, de l’aluminium, du chrome, du tungstène et autres polymétaux, ainsi que de l’or et de l’argent. Après l’effondrement de l’URSS, dans un contexte de laisser-aller de l’État, de braderie des biens publics, d’effondrement de la santé publique et de l’enseignement, d’appauvrissement de la population et d’enrichissement des oligarques – que les Occidentaux désignent comme « les acquis démocratiques des années 1990 » – la convoitise des multinationales américaines envers les richesses de la Russie est encouragée par Boris Eltsine, premier président de la fédération de Russie miné par l’alcool. La déclassification d’archives américaines des années 1990 nous apprend que le 19 novembre 1999 à Istanbul, prenant conscience qu’en 1997 à Helsinki, il avait accepté l’impensable en entérinant l’extension de l’Otan aux pays qui autrefois constituaient le pacte de Varsovie – pacte contre lequel l’OTAN avait été créé et qui venait d’être aboli –, Boris Eltsine met en avant l’humiliation qu’allait subir la Russie pour supplier Bill Clinton de revenir sur les négociations qui l’avaient contraint à accepter l’extension de l’alliance Atlantique en échange d’une place au G7.
La fin du traité russo-ukrainien et l’annexion de la Crimée
Signé le 31 mai 1997, un traité d'amitié, de coopération et de partenariat entre l'Ukraine et la Fédération de Russie interdit à l'Ukraine et la Russie de s'envahir l'un l'autre et de se déclarer la guerre. En février 2014, « la révolution de Maïdan » orchestrée par les services secrets américains et soutenue de l’Union européenne aboutit le 22 février à la destitution du président en exercice Lanoukovytch – le lendemain de la signature d’un accord de sortie de crise avec les chefs de l’opposition –, par un vote du Parlement de 328 voix sur 450 députés, alors que l'article 111 de la constitution impose un vote de 338 voix, soit 75 % des députés ; ainsi que l'avis du Conseil constitutionnel dont son président et 5 de ses membres sont renvoyés le lendemain. Un coup d’État qui porte au pouvoir l’oligarque Petro Porochenko. Le 23 février 2014, les pro-Maïdan minoritaires dans le sud-est de l’Ukraine, notamment à Donetsk, à Louhansk et à Kharkiv s’affrontent aux anti-Maïdan. Une partie de l'Est ne reconnaît pas le nouveau pouvoir de Kiev, ainsi que certains députés du Parti des Régions. L'abrogation de la loi sur les langues régionales votée par le Parlement ukrainien retire au russe le statut de langue officielle dans 13 des 27 régions, ce qui va faire lever dans le Sud-Est où la population est majoritairement russophone, des brigades d'autodéfense, notamment à Sébastopol où se trouve une importante base navale louée par l'Ukraine à la flotte russe de la mer Noire. Le 16 mars 2014, par un référendum d’autodétermination, sur les 1 274 096 votants, 96,77 % se prononcent pour la réunification de la Crimée à la Russie et 2,51 % contre. Le 18 mars, la Russie et la République de Crimée signent un traité entérinant le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie. En avril 2014, un sondage réalisé en Crimée par l'institut américain Gallup indique que 82,8 % des habitants de Crimée jugent que les résultats du référendum sont conformes à ce que pensent la majorité des habitants. Le 16 novembre 2014, le président ukrainien signe un accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne. En voulant imposer l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, les Américains entretiennent un climat de tension avec la Russie. En novembre 2018, Le 19 septembre 2018, Porochenko signe un décret afin de ne pas proroger le traité russo-ukrainien qui fixe le principe de partenariat stratégique, la reconnaissance de l'inviolabilité des frontières et le respect de l’intégrité territoriale et l'engagement mutuel de ne pas utiliser son territoire pour atteinte à la sécurité de l'autre. En novembre 2018, la marine russe s’empare de trois navires militaires ukrainiens dans le détroit de Kertch. Andreï Dratch, officier ukrainien sur la vedette « Nikopol », déclare que son bateau a pénétré dans les eaux territoriales de la Russie et que les Ukrainiens ont été prévenus « plusieurs fois » par les garde-côtes qu'ils devaient revenir dans les eaux internationales, confirmant la version de l'incident donnée par Moscou. Le 3 décembre 2018, le président Porochenko soumet au Parlement un projet de loi pour mettre immédiatement fin au traité de paix russo-ukrainien, et prépare la législation permettant de déclarer la guerre à la Russie avec le soutien des alliés occidentaux. C’est cette obstination des États-Unis à vouloir imposer l’extension de l’OTAN aux frontières de la Russie qui le 22 février sur LCI, fait dire à Hubert Védrine ancien ministre des Affaires étrangères de Jospin et historien, parlant « des erreurs des Occidentaux – en particulier des Américains » qui ont voulu imposer l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN : « Le Poutine de 2022 est largement notre création », en précisant que « durant ses deux premiers mandats Poutine était assez ouvert à l’Europe, même demandeur » […] « l’engrenage qui s’est passé en Crimée aurait pu être arrêté ».
Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage
Disqualifié pour pouvoir jouer un rôle constructif dans la recherche d’une solution négociée, le président Macron se contente d’être le porte-voix de Joe Biden dans la campagne de propagande diffusée par les médias sur la guerre que la Russie mène en Ukraine. Insulter et menacer Poutine, et prétendre vouloir négocier avec lui est grotesque. Sa posture relève de l’instrumentalisation d’un conflit douloureux pour le peuple ukrainien au profit d’une campagne électorale biaisée. En envahissant l’Ukraine, Poutine tombe dans le piège de la guerre tendu par Washington avec la complicité de Bruxelles. La politique belliqueuse des États-Unis et l’expansion agressive de l’OTAN sont fondés sur la défense des intérêts financiers des multinationales et des industries de guerre, dont les USA sont les plus grands marchands avec 54 % du total des ventes dans le monde. La guerre économique que les États-Unis et l’Union européenne ont déclarée aujourd’hui à la Russie, l’OTAN – bras armé des Américains en Europe – la prépare depuis la fin de l’ère soviétique. Si c’est Poutine qui le 27 février dernier met en alerte la force de dissuasion nucléaire russe, c’est Le Drian qui le 24 février déclare que « l’alliance atlantique est aussi une alliance nucléaire ». De même que c’est notre ministre des finances qui déclare : « Les sanctions infligées à la Russie sont d’une efficacité redoutable. Nous livrons une guerre économique et financière totale à la Russie. Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe ». Et notre président de prévenir : « le pire est à venir ». L’escalade punitive des Européens contre Poutine orchestrée par Washington, nous conduit-t-elle à une guerre programmée à laquelle nous préparent avec cynisme nos gouvernants ? Les conséquences de cette escalade sont prévisibles. Cette guerre économique déclarée à la Russie ne peut que pousser Poutine à l’irréparable. Pour Washington et Bruxelles, ce n’est pas l’Ukraine qui est l’enjeu des tensions auxquelles nous assistons aujourd’hui et que nous subirons douloureusement demain, mais les intérêts égoïstes des multinationales et des pays industrialisés dans une crise créée par les contradictions que génère un ordre économique mondial archaïque. Un système productiviste prédateur des ressources naturelles et humaines, et destructeur de notre planète. Comme l’écrivait Jean Jaurès, le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage.