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Billet de blog 12 mai 2023

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L’EXTRÊME DROITE TERREAU DU MACRONISME

Dans le contexte de crises que traverse la France, notamment de crise institutionnelle, l’extrême droite est devenue le terreau propice à la survie du macronisme.

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À Paris le 8 mai 2023 – jour de commémoration de la victoire sur l’Allemagne nazie –, le président de la République remontant l’avenue des Champs-Elysées déserte, cela ne s’était jamais vu. À Lyon, une ville en état de siège avec des centaines de véhicules de CRS, de gendarmes mobiles, de policiers, des rues barrées avec des grilles anti-émeutes, un hélicoptère de la gendarmerie, des drones, des tireurs d’élite, le Raid pour protéger le président de la République venu rendre hommage à la Résistance, cela ne s’était jamais produit. Des déplacements sous haute protection policière d’un président hué par la foule ; bunkérisé lors de ses opérations de communication baptisées « rencontres avec les Français » ; réfugié sous le bouclier de mesures de sécurité hors norme prises par des arrêtés préfectoraux annulés par la justice, c’est l’image que le monarque président donne au monde.

Si l’élection d’Emmanuel Macron est constitutionnellement légitime, il n’en demeure pas moins qu’il doit son élection en 2017 – avec 20 743 128 voix sur 47 568 693 inscrits (43,61 % des inscrits), et 21 101 366 abstentionnistes (25,44 %) et 3 125 724 votes blancs et nuls (8,59 %) – à une forte mobilisation anti-Marine Le Pen. Sa réélection par défaut en avril 2022 – avec 18 768 639 voix sur 48 752 339 inscrits (38,52% des inscrits) – fait de Macron le président le plus mal élu de la Vème République. Ce désaveu pour la Macronie est confirmé aux élections législatives le 19 juin 2022, qui avec 16,47% des inscrits et 37,58% des voix exprimés, perd la majorité absolue à l’Assemblée nationale. À la mi-avril 2023, avec 26% d’opinions favorables, Macron atteint son plus bas niveau de popularité. Prétendre aujourd’hui exprimer la volonté du peuple français relève de l’imposture.

N'en déplaise à la Macronie, le président Macron a été élu et réélu pour faire rempart à l’extrême droite. Après avoir flirté avec les thèses de l’extrême droite durant la campagne électorale, le pouvoir macroniste multiplie ses revirements sur son projet de loi « immigration », prétendant vouloir lui donner une visée répressive incarnée par Darmanin ministre de l’Intérieur, et lui attribuer une supposée intention d’intégration. Ainsi, un premier projet de loi visant à faciliter les expulsions des étrangers qui « ne respectant pas les valeurs de la République » et à mieux contrôler les frontières est présenté en février 2023. Le 22 mars 2023, marche arrière du président Macron qui annonce sur les antennes de TF1 et France 2 que plusieurs textes seront présentés. Le 23 avril 2023, Macron revient sur ses propres annonces du 22 mars en déclarant dans les pages du Parisien qu’il ne veut qu’un seul texte. Le 26 avril 2023, Élisabeth Borne, Première ministre, repousse la réforme à l’automne sous prétexte que « ce n’est pas le moment de lancer un débat qui pourrait diviser le pays ». Le 9 mai 2023, Le Figaro annonce que l’exécutif envisage finalement de reprendre les consultations pour qu’un nouveau texte soit présenté en Conseil des ministres en juillet. Une information confirmée par l’entourage d’Élisabeth Borne à l’AFP. Ainsi, entre les tribulations du groupe LR qui annonce vouloir déposer deux propositions de loi d’ici l’été sur l’immigration, et les élucubrations de l’extrême droite tentant de tirer profit du mécontentement des Français envers la réforme des retraites, la Macronie gouverne au gré de l’humeur du monarque.

Alors que le pouvoir criminalise les actions syndicales ; interdit des manifestations contre la réforme des retraites ; que les préfets prennent des arrêtés anti-casseroles illégaux lors des déplacements du président Macron ; et que la Première ministre et le ministre de l’Intérieur s’en prennent à la Ligue des droits de l’homme – un fait inédit jusqu’à ce jour, habituellement attribué à l’extrême droite (en 125 ans d’existence, seul le régime de Vichy avait osé la dissoudre) –, le préfet de police de Paris autorise une manifestation de l’ultra-droite dans la capitale le 6 mai 2023. Un défilé de drapeaux noirs, de croix celtiques et de manifestants vêtus de noir, cagoulés ou masqués faisant le salut nazi. Laurent Nuñez, préfet de police de Paris justifie sa décision en déclarant : « Cette commémoration n'a jamais entraîné de troubles à l'ordre public, c'est pour ça que j'ai pris cette décision de ne pas l'interdire. » Ainsi, pour le pouvoir macroniste, une manifestation néo-nazie ne trouble pas l’ordre public, mais les casserolades oui. À l’Assemblée nationale, les élus macronistes ne font aucune intervention lors du débat sur le terrorisme d’extrême droite. Gérald Darmamin, ministre de l’Intérieur, envoie son ministre délégué aux Outre-mer pour répondre aux questions des députés sur la lutte contre le terrorisme d’extrême droite. Aux législatives de 2022, la République en marche (LREM) jette aux oubliettes le Front républicain qui a permis la réélection de Macron, et ne donne aucune consigne nationale de vote concernant les duels opposant la coalition de gauche Nupes et le Rassemblement national (RN).

Le 16 février 2023, dans son billet de blog sur Mediapart, Bastien Parisot écrit : « Malgré les postures d'opposants, dans les faits, l'extrême droite sert la soupe à Macron dans la bataille politique. » Non seulement l’extrême droite sert la soupe à Macron, mais elle est aussi le terreau qui lui permet de cultiver la peur qui conduit l’électeur républicain au réflexe de l’urne – avec comme conséquence l’opportunité pour le fossoyeur de l’expression démocratique de se maintenir au pouvoir –, et d’alimenter l’illusion de la légitimité populaire. Sur ce terreau la Macronie entretient les surgeons du fascisme. Elle ouvre la voie du pouvoir à l’extrême droite qui, nourrie par la crise sociale, par la crise politique et la défiance des Français envers les institutions, se prépare à être l’alternative à un pouvoir politique, aujourd’hui incarné par le macronisme, au service des multinationales et des puissances financières. La Macronie est le relai politique des puissances de l’argent dans leur dessein de mondialiser l’économie, aujourd’hui freiné par la crise du capitalisme dont la guerre en Ukraine et les tensions internationales en sont la conséquence. Elle est la passerelle entre la démocratie institutionnelle et un régime autoritaire et fasciste, dès lors que les intérêts des puissances financières l’exigeront. C’est dans le contexte de crise économique des années 1930, que les cartels de la finance internationale basés à Wall Street et à Londres, contribuent à faire émerger les régimes fascistes en Espagne, en Italie et en Allemagne. IG Farben, société chimique allemande fondée en janvier 1925, s’allie en novembre 1929 avec les britanniques ICI et Shell Oil, et les américaines Standard Oil et Dupont, pour créer un cartel mondial de la pétrochimie, qui en 1932 finance la campagne électorale d’Adolf Hitler. IG Farben développera le gaz des chambres de la mort – le Zyklon B – et financera le pouvoir nazi durant la guerre. Franklin Roosevelt déclarait le 8 septembre 1944 : « L’histoire de l’utilisation par les nazis du trust IG Farben se lit comme un roman policier. La défaite de l’armée nazie devra être suivie de l’éradication de ces armes de guerre économique. » Dans le contexte de crises que traverse la France, notamment de crise institutionnelle, l’extrême droite est devenue le terreau propice à la survie du macronisme, sur lequel le monarque président transplante l’arbre venimeux.

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