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Billet de blog 12 septembre 2023

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La Macronie, marchepied vers le pouvoir pour l’extrême droite

Un président et des ministres gadgets en quête de légitimité, dans un contexte de chienlit et de chaos.

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Depuis le fin de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites en mai 2003, le pouvoir macroniste ne cesse de multiplier les mesures gadgets pour faire oublier aux Français son caractère autoritaire, ses lois anti-démocratiques, sa politique anti-sociale au profit des multinationales et des plus fortunés, et les errances d’une politique extérieure inféodée aux exigences de Washington.

 La carotte et le bâton. Les discours angéliques du ministre de l’Économie au début de l’été annonçant la baisse des prix pour le mois de juillet 2023, et la fin d’une inflation galopante de 20% depuis 2022, sont démentis en septembre par la poursuite de la hausse du coût de la vie, en particulier par l’augmentation du prix des carburants. Le ministre prophète tente de dépasser son maître – le président expert en communication – par des lapalissades, en déclarant le 4 septembre à la Foire de Châlons : « Dans cette période de rentrée, la première préoccupation des Français, c’est les prix. Les prix des fournitures scolaires, les prix des produits alimentaires. » Qui l’aurait dit ? les Français ne s’en étaient pas aperçu ! Puis, le ministre visionnaire poursuit : « je pense qu’il était temps de taper les points sur la table, de faire en sorte que les choses s’accélèrent, de casser la spirale inflationniste », et d’annoncer que les baisses d'impôts se feront en 2025 ; que 5 000 produits de consommation courante n'augmentent pas ; et patati et patata … Sur la guerre en Ukraine, Bruno Lemaire n’avait-il pas prédit le 1er mars 2022, que : « Les sanctions infligées à la Russie sont d’une efficacité redoutable. Nous livrons une guerre économique et financière totale à la Russie. Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe ».

Face au mécontentement grandissant des Français, pour anticiper les mouvements sociaux à l’automne, le président Macron reçoit les chefs de partis en promettant des « compromis » afin de faire « avancer » le pays, alors que sa Première ministre déclare sur RTL : « On aura à recourir, certainement cet automne, à des 49.3 », confirmant une poursuite autoritaire du pouvoir. Élisabeth Borne évoque à la fois les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale, et prévoit dès le 25 septembre, une session extraordinaire du parlement afin d’imposer son projet de loi de programmation de finances publiques pour la période 2024-2027. Un texte d’austérité pour les services publics et les collectivités locales, déjà retoqué en 2022 par l’Assemblée nationale.

L’art de gouverner par la communication. Effet d’annonce sur le harcèlement scolaire, un fléau que découvre la Première ministre sur France bleu : « Je pense que le harcèlement est un fléau qui concerne beaucoup d’élèves » ; effet d’annonce sur les « fortes chaleurs », avec « l’isolation des bâtiments comme chantier prioritaire pour le gouvernement » ; effet d’annonce du président lors « d’une grande interview » accordée au Point, dévoilant « une initiative d’ampleur » ; réflexion de la Première ministre sur la hausse des franchises médicales ; interdiction de la cigarette électronique jetable ; compostage obligatoire à partir du 1er janvier 2024 ; loi sur les appellations d’origine contrôlée ; loi aggravant les sanctions sur la maltraitance animale, alors que faute de moyens la justice peine à traiter les dossiers de féminicide en hausse. En quête de légitimité populaire, la Macronie n’en finit pas de gesticuler en multipliant les déclarations futiles et les manœuvres de diversion.

L’art de « raconter des conneries ». Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, mis en examen et renvoyé devant la Cour de justice de la République pour prises illégales d’intérêts, puis débouté de son pourvoi en cassation le 7 septembre 2023, s’est illustré devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les violences commises lors des manifestations à Sainte-Soline en déclarant : « J’en ai marre de cette petite musique de désobéissance civile ». En réponse à un député du Rassemblement national lui demandant de préciser qui il visait, le ministre s’est empressé de lui répondre : « […] l’extrême gauche. » Dans sa prestation théâtrale, « très choqué » par la revendication du « droit à la désobéissance civile », le ministre de la Justice, auteur d’un bras d’honneur répété à trois reprises devant cette assemblée le 7 mars 20123, poursuit dans un langage très châtié : « Il faut arrêter de parler de ces salades […] Il faut arrêter de raconter ces conneries ». Avec la criminalisation des mouvements sociaux, la permission de tuer donnée à la police dans les refus d’obtempérer, la mutinerie d’une minorité de policiers déterminés à saper l’indépendance de l’institution judiciaire – avec la connivence de la haute hiérarchie et le silence complice du chef de l’État –, la justice est condamnée à servir un pouvoir de plus en plus autoritaire.

Un ministre en immersion. Face aux difficultés que rencontrent les enseignants, avec plus de 1 250 postes non pourvus au concours externe de professeurs des écoles sur les 8 174 postes ouverts pour la rentrée 2023-2024 (source syndicale), le ministre de l’Éducation nationale, en immersion du 20 au 22 septembre dans un lycée de l’Est de la France, va y passer trois jours et deux nuits. (Et si Macron, Borne et Darmanin allaient vivre trois jours et dormir deux nuits en HLM, dans une cité de banlieue ?  Ils pourraient ainsi appréhender les difficultés à vivre dignement que rencontrent ces populations !) Après l’interdiction de l’abaya à l’école ; après l’effet d’annonce sur l’augmentation des suicides pour harcèlement à l’école ; après l’annonce sur la réduction des vacances scolaires ; après l’annonce sur le port de l’uniforme dans les écoles (un fantasme de la droite et de l’extrême droite), Gabriel Attal s’en va dormir à l’internat. Il est vrai que l’École alsacienne, un établissement privé où il a fait ses études, ne rencontre pas les difficultés auxquelles est confrontée l’école publique. « L'École alsacienne fait partie des établissements parisiens réputés. Les élèves de l'École alsacienne sont souvent issus des couches les plus favorisées de la population en raison du caractère sélectif des procédures d'admission et de son implantation géographique. L'établissement propose relativement peu de places aux intégrations en cours de cursus, car beaucoup d'élèves y effectuent l'intégralité de leur scolarité » (site Wikipédia).

Sport et politique en Macronie. La politisation du sport par le président de la République est devenue un rituel de communication de la Macronie. La tentative de peser sur le cours d’enquêtes judiciaires dans l’affaire Blatter – Platini ; les parades hilarantes dans les vestiaires et sur les pelouses des stades ; les prises de position sur des cas personnels de sportifs, illustrent l’ingérence du président Macron dans le sport à des fins de communication politicienne. La convocation des dirigeants de la Fédération Française d’Athlétisme par la ministre des Sports, après la débâcle aux championnats du monde de Budapest est risible, alors que le pouvoir macroniste – qui fait porter aux collectivités territoriales l’essentiel de l’effort financier au profit du sport –, porte la responsabilité de ce fiasco. Selon une étude de l'Observatoire de l’économie du sport, sur le 20 milliards d’euros annuels apportés par les acteurs publics, l’État ne contribue qu’à hauteur de 6,5 milliards, principalement issus du budget du ministère de l’Éducation nationale. Lors du discours d’ouverture de la Coupe du monde de rugby sur la pelouse du Stade de France, le 8 septembre 2023, Macron est copieusement sifflé sans que les deux pseudo-journalistes de TF1 chargées de présenter et commenter la cérémonie d’ouverture ne relatent la séquence.

L’image de la France dégradée. L’humiliation d’un président impopulaire devant les caméras du monde entier sur la pelouse du Stade de France, dégrade un peu plus l’image de la France sur la scène internationale. Image altérée par le suivisme de la France derrière les États-Unis, notamment dans le conflit russo-ukrainien où Washington mène les européens par le bout du nez ; ou en Afrique où Macron cautionne en avril 2021 le coup d’État au Tchad ; condamne en juillet 2023 le coup d’État au Niger en inventant le concept de « coup d’État illégitime » ; et couvre d’un silence assourdissant le coup d’État au Gabon en août 2023, pays dans lequel 81 entreprises françaises opèrent avec un chiffre d’affaires de près de 3 milliards d’euros (source ambassade de France). La politique néocoloniale de Macron en Afrique conduit aujourd’hui la France – après l’éviction de ses soldats du Burkina Faso et du Mali –, à devenir une armée d’occupation au Niger. Le refus par les autorités marocaine de l’aide humanitaire française après le tremblement de terre survenu au centre du Maroc le 8 septembre 2023, est révélateur du rejet de la France macroniste en Afrique.

La Macronie crée les conditions favorables à une victoire de l’extrême droite en 2027. La dégradation des services publics – aujourd’hui dégradés comme ils ne l’ont jamais été –, engendre des crises et des dysfonctionnements dans l’éducation nationale, dans les transports, dans les services des urgences des hôpitaux auxquelles le pouvoir politique répond par des mesures « sparadrap ». La désertification des zones rurales et des quartiers (Gare, Poste, CAF, Assurance-maladie, Police, Justice, etc.) – avec la numérisation à outrance des services et la déshumanisation des relations avec l’administration –, expulse la République de ces territoires. La baisse constante du pouvoir d’achat des classes populaires et des classes moyennes jette chaque jour des milliers de personnes dans la précarité. Selon la Fondation Abbé Pierre : « Une personne sur cinq sera en situation de pauvreté. Plus de 330 000 personnes seront sans domicile fixe. 4,1 millions de personnes seront mal logées. Les Français seront 44% de plus à se priver de chauffage avec l’inflation. Les femmes seront plus souvent en situation de précarité. »

Face à l’inflation qui sévit et aux difficultés que rencontrent les Français à « joindre les deux bouts » (selon une étude Appinio/LSA, 75% d’entre eux déclarent avoir des fins de mois difficiles), l’inaction de l’État à l’encontre des industriels qui baissent les quantités des produits contenus dans les emballages et augmentent les prix de vente ; la passivité du pouvoir sur le fichage illégale des impayés des loyers par les propriétaires et les agences ; le refus de taxer les supers profits des multinationales – comme le font l’Espagne et l’Italie –, sont autant de signes de complaisance donnés par ce pouvoir aux ultra-riches et aux multinationales. Un pouvoir méprisant à l’égard d’un peuple en souffrance. En grande difficulté financière, les Restos du Cœur ont accueilli en septembre 1,3 millions de personnes, contre 1,1 million sur l’ensemble de l’année 2022. Il a fallu que Patrice Doucet, président de l’association lance un appel de détresse sur TF1, en pointant le gouvernement par ces mots : « Nous ne sommes pas suffisamment entendus ou pris au sérieux », pour que l’État promette une aide de 15 millions d’euros.

Affaiblie par l’exercice autoritaire et violent du pouvoir, et la pratique d’une politique antisociale au profit de l’oligarchie financière, pour survivre la Macronie est condamnée à flirter avec les thèses de l’extrême droite et à composer avec une droite LR radicalisée. La stigmatisation de l’islam, le vote de lois liberticide et islamophobes – comme celle sur le séparatisme –, et les tergiversations sur la loi immigration témoignent de cette dérive idéologique de la Macronie. Les manœuvres politiciennes et les annonces d’effet auxquelles se livrent le monarque président et sa cour, ne sont que des cache-misère pour dissimuler l’incapacité de ce pouvoir à gouverner. La Macronie est le tremplin rêvé par Marine Le Pen pour accéder au pouvoir. 

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